00h03
olivier-f-thomas
20h47
La lumière du réfrigérateur éclaire son visage un court instant. Ses mains écartent le carton de lait et se saisissent d’une tablette de chocolat. Les yeux clairs de la jeune femme évaluent l’emballage violet avec un hochement de tête : la plaquette ne survivra pas à la soirée. Elle hésite un moment, pose la main sur un reste de gâteau, mais elle choisit de s’en tenir là. La porte du frigo est refermée d’un coup sec qui fait tinter les bouteilles en verre. Julie revient au petit trot vers le salon. Evidemment il est là, sur le canapé, regardant d’un œil morne les publicités qui défigurent l’écran de télévision. Il ne semble même pas percevoir les images, seulement sensible aux couleurs et aux mouvements, un peu comme les chiens, à ce qu’on dit…
20h50
Quand Julie entre dans la pièce, il affiche un sourire attendri et amoureux. Un sourire détestable pour les yeux fatigués de la jeune femme. Elle lui renvoie un regard neutre, soigneusement travaillé pour être exempt de toute trace d’agacement. Avec le temps, elle est devenue plutôt forte à ce jeu-là. C’est pourtant un jeu sans intérêt, un jeu auquel les adultes passent leur temps à jouer sans bien savoir pourquoi ils continuent de lancer des dés qu’ils savent pipés. Un jeu sans gagnants, où les promesses constituent l’essentiel des mises et où il n’y a rien d’autre à gagner que des frissons et des nuits blanches. Tout tient dans le quotidien, finalement. On navigue d’une angoisse à l’autre en se disant que la routine est décidément une compagne bien rassurante. On ne passe pas de bonne journée, on n’en passe pas de mauvaise. On déroule les heures comme des moments clos et isolés les uns des autres : on a perdu le fil, on a perdu la trame, alors à quoi bon chercher ?
20h52
Julie s’installe sur le canapé et dépose le chocolat à côté d’elle, fixé au canapé comme une frontière solide et infranchissable entre sa cuisse et la main de son mari. Après s’être attaché les cheveux avec un petit élastique qui traînait sur la table basse, elle se saisit de la télécommande. Observant Nicolas d’un regard en coin, elle monte imperceptiblement le son du téléviseur et sourit intérieurement quand elle le voit froncer les sourcils. Il lui a mille fois décrit l’irritant grésillement qui résonne dans son appareil auditif à chaque fois qu’elle joue avec le volume de la chaîne ou de la télé. Les petites déficiences auditives de son mari ont toujours fasciné Julie. Elle passe souvent de longues minutes à le regarder en se demandant ce qu’il entend, ce qu’il n’entend pas, ce qu’il fait semblant de ne pas entendre. Certains soirs, il lui prend l’envie de se placer devant son oreille valide et de hurler à pleins poumons pour couper définitivement toute utopie de communication entre eux. Pour les transformer en ce qu’ils sont vraiment.
20h55
Après un long générique synthétique, l’émission commence. Un concept simple et imparable : une trentaine de jeunes vaguement sortis de l’adolescence acceptent de se ridiculiser devant une armée de caméras dans l’espoir de former un groupe à la mode. Tout en jubilant ouvertement, Julie se cale plus confortablement dans le canapé et fredonne le refrain du dernier single issu du groupe. Nicolas, lui, se désintéresse de l’écran pour fixer sa femme avec le long regard de l’amoureux victorieux. Dans cette guerre froide qu’il mène avec elle, il a marqué un point important : Julie a dit « oui » pour ce soir, « après la télé ». Bien sûr, elle l’a dit sans excès d’enthousiasme, mais elle l’a dit. Et Nicolas sait que sa femme ira jusqu’au bout. Même si ses appétits charnels ne sont plus aussi intenses qu’autrefois, elle n’est pas du genre à se plaindre d’une violente migraine trois minutes avant d’atteindre le lit. La situation est devenue grave, mais pas désespérée… Alors il la regarde, aussi intensément qu’il lui est possible, afin de saisir au vol les pensées secrètes qu’il sent vibrer sous le visage réjoui de sa femme. Son épouse, son seul amour, cette superbe brunette rencontrée le soir même de ses vingt ans. Dix ans de rencontre. Cinq de mariage. Et jamais il n’aurait cru possible que son couple puisse sombrer dans une froideur assez vive pour qu’il en soit réduit à négocier la date de son rapport sexuel sur un agenda. Mais que faire d’autre ? Quand il lui demande si elle est heureuse, elle répond oui. Quand il lui demande si elle l’aime, elle répond oui. Elle a toujours envie de lui, explique t-elle, mais ce « n’est pas le bon moment ». Alors il tente de se convaincre qu’ils sont heureux. C’est une complicité, une tendresse de chaque instant qui les unit, enrichie par les souvenirs amassés de dix années réussies. Leurs amis les envient, les trouvent idéaux l’un pour l’autre, toujours aussi tendres et épris qu’au premier jour. Et c’est vrai pour une certaine part. Il y a toujours une proximité entre eux, une facilité… Mais tout le reste est devenu bien plus flou, à mi-chemin entre les sincères élans de tendresse et la mise en scène bien rôdée.
Le premier heurt qui a secoué le couple, c’est la découverte que Julie ne pouvait avoir d’enfant. Il existe bien sûr des solutions, mais si contraignantes et aléatoires qu’aucun mari amoureux digne de ce nom n’aurait l’audace de proposer à voix haute, même s’il laisse parfois traîner des magazines qui traitent du sujet. Parfois il croise le regard de sa femme alors qu’elle est en train de lire attentivement ; bien sûr elle ne fait jamais le moindre commentaire. Le silence est devenu son arme de prédilection, remplaçant cruellement les caresses dans leur survie quotidienne. Nicolas avait connu une Julie avide et généreuse, cruelle et câline, douce et explosive. Aujourd’hui il vit auprès d’une statue de marbre, tiède et indifférente. Mais cette tiédeur a plus d’importance que n’importe quoi d’autre dans sa vie. Julie est son premier amour, sa première rencontre… Et il incarne la même chose pour elle, un océan de découvertes communes, de secrets auquel personne n’aura jamais accès. Alors elle peut regarder les débilités de la télé d’un œil absorbé, il sait bien qu’elle l’aime plus que tout. Cette apparente indifférence n’est qu’un contre-coup d’un amour trop fort, mais sûrement pas les symptômes d’une maladie de leur histoire.
C’est ce qu’il se répète chaque jour, encore et encore…
21h24
Julie étend ses jambes et déchire consciencieusement l’emballage du chocolat. Elle sort la plaque du papier d’aluminium et casse méthodiquement carré après carré. Elle s’acharne ensuite sur l’emballage, le réduit en charpie violette et argentée. Sur l’écran de télé, un jury autoproclamé pronostique la vie ou la mort aux starlettes apeurées. Julie se force à garder les yeux ouverts quand elle laisse ses pensées dériver. Les fermer, avoir l’air dans le vague, c’est s’exposer au redoutable « à quoi tu penses ? » qu’il ne manquera pas de lui servir à la première occasion. Elle ne se donne pas la peine de répondre, mais la question l’ennuie. Elle se sent ramenée de force à un certain étage de sa vie qu’elle s’efforce de ne pas voir. Celui où elle est assise devant une émission de télé stupide, partageant un canapé avec un homme dont elle n’a plus envie. Elle l’aime toujours, bien sûr… Elle l’aime comme on aime quelqu’un auprès de qui on est en sécurité, quelqu’un qui ne vous fera jamais de mal. Quelqu’un dont la plus grande attaque consiste à vous demander « à quoi tu penses ? ».
A quoi je pense ? Bonne question mon chéri… Je pense que j’ai envie de mourir sur ce canapé. Je pense que tu ne peux pas comprendre. Je pense que certaines choses ne devraient jamais arriver. Je pense que ma vie m’attend ailleurs. Et il n’y a rien à dire, rien à faire. Le fossé entre nous grandit chaque jour, mais il ne sera hélàs jamais assez large pour que l’un de nous puisse tomber dedans.
C’est ce qu’elle se répète chaque jour, encore et encore…
21h39
Julie est fatiguée. Si elle se concentre un petit peu, elle parvient encore à sentir la chaleur des caresses et l’humidité des baisers. Nicolas n’a pas fait l’amour depuis vingt-trois jours. Elle, depuis quatre heures. C’est une autre vie, une autre histoire… Cette autre femme qui vit dans son corps est sortie très tôt du boulot, comme c’est devenu son habitude une ou deux fois par mois. Elle a conduit comme une folle à travers la ville, l’esprit enfermé dans des promesses de plaisir à venir. Elle s’est garée devant la statue de Diderot, sur la petite place qui surplombe la voie de chemin de fer. Comme à chaque fois, un TGV est passé en trombe au moment où elle claquait la portière… le train s’enfuit vers l’est, traverse cette ville pourrie sans s’y arrêter. Elle le regarde toujours avec mélancolie, se demande qui peut être à l’intérieur.
Elle a ensuite fait face à l’immeuble, regardé la fenêtre du studio et guetté un improbable mouvement qui aurait trahi le locataire. Etait-il là, derrière les rideaux, guettant son arrivée ? Elle a tapé le code de la porte d’entrée, attendu le déclic qui la libère du poids de son autre vie. Alors elle est entrée dans l’ascenseur, a appuyé sur le bouton, monté quatre étages et s’est retrouvée sur le palier. Elle a frappé trois coups discrets à la porte, puis elle est entrée sans attendre la réponse. Un petit sac de voyage dans le couloir, un robinet qui coulait dans la salle de bains. Et surtout une silhouette assise sur le fauteuil près du lit. Une silhouette qui devenait de plus en plus réelle alors qu’elle s’avançait. Un visage dur. Des yeux noirs. Un homme. Un homme qui lui ferait du mal. Un homme qui partirait dans quelques heures, qui la laisserait rentrer chez elle. Un homme qui prendrait le train et qui rentrerait seul, qui ne lui tendrait pas une main pour l’inviter à le suivre. Mais un homme qu’elle aimait. Un homme dont elle était amoureuse. Un homme qui l’avait amenée à violer un à un chaque principe auquel elle avait cru tenir. Un homme qui avait mis sa vie en déséquilibre, mais qui avait su la révéler à elle-même. Un homme qui l’avait vue. Un homme qu’elle avait vu. Elle n’a rien dit, comme à chaque fois. Elle est entrée et s’est déshabillée devant lui, sans un mot. Un à un ses vêtement étaient tombés à ses pieds, puis elle s’était approchée. Il avait glissé ses mains autour de ses hanches, posé sa joue contre son ventre. Retrouvailles. Apaisement. Délivrance. Feu.
21h52
Perdue dans ses rêves, Julie ne voit pas Nicolas qui s’approche doucement. Il la regarde, la désire déjà. Elle est trop loin pour le voir. Elle vit des petits scénarios improbables qui la sortent de son salon lugubre et qui l’emmènent ailleurs. Elle imagine ainsi Nicolas l’accueillir un soir et lui présenter un nouvel ami qu’il a rencontré au club d’équitation. Lui. Elle s’imagine à l’extérieur, elle organise une grande fête surprise pour l’anniversaire de sa meilleure amie et elle se retrouve par hasard nez à nez avec les yeux noirs braqués sur elle. Lui. Elle se voit au boulot, recopiant sans ardeur le contenu de vieilles fiches Bristol sur son micro, levant juste la tête pour voir sa collègue entrer : « Tiens, je te présente le nouveau stagiaire ». Lui.
Nicolas la regarde sans ciller, impressionné par la finesse de ses traits. A quoi tu penses ? Est-ce que tu penses à moi ?
22h01
Sur l’écran, une ado débile que Julie déteste encore plus que les autres est épargnée par le jury. Julie insulte la télé et profite de cet éclat de voix pour refaire le point sur le présent. L’émission, le petit pavillon, le canapé, le chocolat, le mari. Malaise. Elle sent un sentiment naître en elle. Frisson. Quelque chose qui la dépasse, quelque chose de plus grand que tout. Elle a l’impression d’être le chauffard de tête qui regarde la liste des morts après le carambolage. Dégoût. Elle a le vertige, un sentiment d’impossibilité d’avoir pu laisser la situation dériver à ce point là. Froid. Mais ce n’est pas une simple « situation » qu’il faut gérer de loin et résoudre à l’aide de tentatives plus ou moins couronnées de succès. C’est sa vie. Sa vraie vie. Celle qu’elle doit vivre chaque soir, quand elle pousse le petit grillage de l’entrée et qu’elle ferme la porte du garage. Certains jours, c’est une vie supportable, même agréable. La complicité joue à merveille et les heures s’écoulent dans la douceur. Bien sûr, elle garde une petite pensée pour lui à chaque instant, mais elle peut vivre, rire, parfois même jouir, sans trop d’amertume. Et les autres soirs, ceux qui suivent de trop près une séparation, c’est un calvaire pavé de cauchemars. Elle se souvient de ses mains, puis de sa honte, de ses lèvres, puis de sa tristesse, de son sexe, puis de sa rage. Elle vit chaque jour avec deux fantômes. L’un est physique mais elle ne le voit plus, l’autre est un souvenir mais elle ne peut le toucher. Le mari. L’amant. Trop classique pour lui ressembler, et pourtant.
22h09
Nicolas fait des efforts pour ne pas bailler. Il tente de passer un bras derrière le cou de sa femme, mais elle se dégage adroitement pour attraper un carré de chocolat. Lassé, il se lève et part dans la cuisine. Elle se sent conne. Elle sait ce qu’elle a promis et elle n’ose pas lui dire qu’elle n’en a pas envie. Ce serait facile pourtant… Ecoute, on pourrait remettre à demain ? Là je suis crevée… Mais elle voit déjà sa tête virer au gris, incarner la tristesse infinie du gamin maltraité. Et, aussi stupide que cela puisse paraître, elle ne se sent pas assez forte pour affronter ça. Car il n’y est pour rien. Elle aurait sans doute conservé son appétit pour lui intact si elle n’avait pas rencontré celui qui hantait désormais sa vie. Cet homme qui sait la caresser, la toucher de l’intérieur… Cet homme qui sait qui elle est, qui sait comment la faire jouir. Vraiment jouir. C’est quelque chose de difficile, ce genre de découverte. On apprend à connaître son corps, on le confie à un homme, on prend un plaisir intense dans ses bras pendant des années… Puis un jour en arrive un autre, sans que rien ne le laisse supposer. Rencontre folle, coup de foudre dans un regard croisé au hasard, et cette passion inattendue vous fait ressentir des choses que votre corps n’aurait jamais cru pouvoir ressentir. Une attirance nouvelle, tout d’abord, plus forte que tout, bien au delà des promesses et des serments. Un plaisir ensuite, dont les échos vous traquent bien des heures après les caresses, vous pourchassent encore alors que vous êtes allongée sous votre gentil petit mari, sans comprendre ce qu’il se passe dans votre tête. Vous subissez des assauts qui hier encore vous auraient fait fondre de plaisir… Aujourd’hui tout est fade. Il n’y a plus de rage, il n’y a plus d’envie. Le lit tremble mais vous restez de glace. Et rien au monde ne vous a préparé à ça. Pas l’exemple de vos parents, couple marié et heureux depuis x années. Pas vos deux sœurs, mariées comme vous l’êtes, mais avec un enthousiasme intact et une ribambelle de bambins plus affreux les uns que les autres qu’il faut faire semblant de trouver adorables. Cette vie dans l’antichambre de l’ennui est tout ce qu’il vous reste. Une vie bâtie sur un sentiment de tendresse, de douleur et de regret. Quelque chose de très banal, si on y regarde bien.
22h17
Nicolas se tient debout à côté du canapé, une bière à la main. Il s’amuse des réactions à chaud de sa femme. Il y retrouve les intonations de la jeune étudiante qu’il tentait de séduire chaque soir quand le campus se retrouvait au café du coin. De son côté, Julie en rajoute. Elle se sent ridicule, mais elle y est habituée. Elle devine la présence de son mari et se rend compte qu’elle est incapable de coucher avec lui ce soir. L’idée même qu’il la touche est devenue insupportable. Elle tente d’analyser la situation à froid tout en gloussant de temps en temps pour donner le change. Elle ne va pas lui dire non, mais elle ne peut pas le faire tout de suite. Sa seule échappatoire consiste à attendre qu’on soit demain, c’est à dire après minuit. Elle ne veut pas être ce genre de femme, une femme qui couche avec deux hommes le même jour… Cette idée lui fait peur. Vraiment peur. C’est un miroir dans lequel elle ne veut pas se refléter. Après minuit on sera demain. Julie sera une femme triste, mais elle ne sera pas une « femme comme ça ». Une de celles qui cumulent, tableau de chasse en main et préservatifs usagés sur le rebord du lit. Ces femmes que Julie déteste, qui passent leur nuits en boîte et qui reviennent chaque soir avec une nouvelle prise. Elle n’a plus grand chose pour se défendre, mais elle s’accroche à ses sentiments… Evidemment, elle sait que tout cela n’a guère de sens, elle se crée simplement des prétextes pour pouvoir survivre à cette journée. Survivre à son propre plaisir, à la honte de l’avoir ressenti. Un plaisir si intense et si violent qu’il reste gravé en elle sous la forme d’échos et de frissons. Elle est une amoureuse brisée qui fera tout pour éviter de sombrer dans le sordide. Pour l’heure, elle s’est arrêtée au pathétique.
22h29
Julie sent un regard appuyé sur elle et entend dans le lointain le générique de fin de l’émission. Elle sait qu’il attend. Il est assis sur un coin du fauteuil, comme s’il s’était replié pour mieux guetter son heure. A partir de maintenant, elle n’a plus d’alibi. Ce soir après la télé. Elle entend sa propre voix et tout lui semble triste. Comment peut-il avoir envie d’elle après une phrase pareille ? Est-il devenu assez con pour ne pas comprendre ce que cela veut dire ? Comment peut-il ne pas voir qu’il s’est passé quelque chose quand elle rentre un peu plus tard que d’habitude, fiévreuse et tremblante ? Comment peut-il rester à ce point amorphe quand elle se précipite sous la douche ou dans le lit, prétextant une journée éreintante ou un début de grippe ? Pourquoi ne voit-il pas ce qui lui arrive ? Pourquoi reste t-il là, amoureux comme au premier jour, se satisfaisant de l’ombre de la femme qu’il aimait autrefois ? Comment fait-il pour ne pas entendre ses sanglots mal étouffés au milieu de la nuit, quand elle regarde le plafond en se repassant le film d’une vie de regrets ? Est-il possible qu’il ne voie pas la façon qu’elle a de fermer les yeux à chaque fois qu’il s’enfonce en elle ? Parfois Julie laisse monter la rage qu’elle n’arrive pas à diriger sur elle-même et la projette ainsi sur Nicolas. Elle le trouve stupide, mou, aussi aveugle qu’il est sourd, et surtout bêtement amoureux d’une femme pour laquelle il devient chaque jour un peu plus transparent. Un homme facile à quitter tant il vous paraît lâche et faible. Mais il y a toujours un lendemain, un autre jour. Un de ces putains d’autres jours où la faiblesse se transforme en vulnérabilité. Un jour où Julie se sent sale et honteuse, où Nicolas redevient l’amoureux fidèle qui la protège quoi qu’il advienne. Elle se console alors dans ses bras, sans oser lui dire que c’est l’amour qu’il ne cesse jamais de lui porter qui la rend si malheureuse.
22h41
Julie laisse filer les pubs en s’étirant. Elle n’a pas envie de faire l’amour. Pas envie de lui. La seule chose qui lui passe par la tête, c’est de se barbouiller de chocolat comme une gamine et d’aller pleurnicher dans un coin. Nicolas la regarde toujours. Pour un peu, il aurait la langue pendante du chien joyeux. Elle tente de lui sourire mais le résultat rappelle surtout une grimace figée. Elle s’étire encore. Tousse. Si elle osait, elle appellerait une prostituée pour lui demander de prendre soin de son petit mari adoré. Au lieu de ça, c’est Julie qui se sent pute. Et elle n’a même pas le droit de refuser son client. Elle se lève lentement en s’appuyant sur un bras du canapé. Il reste trois petits carrés de chocolat, qu’elle ramasse soigneusement un par un. Féline jusqu’au bout des ongles, elle traverse la pièce en direction de Nicolas, s’approche de lui et l’embrasse très tendrement dans le cou. Il se penche en avant pour l’embrasser, mais elle l’intercepte en lui fourrant malicieusement le chocolat dans la bouche. Il mâchouille péniblement et elle le regarde en éclatant de rire. La tension sexuelle est à couper au couteau, pense t-elle avec un fond d’ironie. Elle caresse sa joue du bout du doigt, et s’enfuit en trottinant vers la chambre. Elle rit nerveusement, sans savoir trop pourquoi. Il marche tranquillement derrière elle, de ce pas trop assuré qu’ont les vainqueurs. Il entrouvre la porte de la chambre, mais elle la referme aussitôt, la lui claquant gentiment au nez.
« Patience, souffle t-elle, j’ai juste besoin de cinq petites minutes. »
22h54
Les mains tremblantes, Julie caresse du bout du doigt une paire de bas et un bustier qu’elle avait acheté spécialement pour lui. Ce jour-là elle avait pris sa journée, fait un peu de shopping, et était arrivée avant lui dans l’appartement. Masquée par le même voile d’ombre derrière lequel il s’abritait toujours, elle l’avait attendue assise dans le grand fauteuil qui tourne le dos à la fenêtre. Elle avait frissonné en entendant la poignée tourner. A peine l’avait-il vue qu’il était sur elle sans dire un mot, caressant sans relâche cette femme presque nue qui s’abandonnait à lui avec un gémissement d’invitation.
Mais ce sont des amants de jour, et Julie doit affronter son amoureux de la nuit. Elle s’empare d’une poignée de lingerie et ouvre la porte en prenant soin d’afficher un visage espiègle. Nicolas est toujours dans le couloir, occupé à feuilleter une revue sur les plus belles plages du littoral. Il lève un regard amusé quand il la voit traverser le couloir dans l’autre sens pour aller s’enfermer dans la salle de bains. La porte est soigneusement fermée, le verrou tiré. Il sait dès-lors que les cinq minutes annoncées vont largement déborder. Mais ça ne le gêne pas trop d’attendre, après avoir vu ce qu’elle tenait dans les mains. Il a envie d’elle, de sa peau, de son odeur. Il ne s’agit pas d’un « devoir conjugal » que sa fierté masculine lui impose… Il s’agit surtout de l’envie de donner du plaisir, envie de communiquer avec les gestes et les soupirs. Il a besoin de la retrouver, de la sentir l’aimer. Il sait qu’elle ne triche pas : les rapports sont devenus rares mais ils y gagnent en intensité. Souvent il la sent troublée, perdue, tant elle se laisse gagner par l’émotion. Parfois sa femme verse une larme lorsqu’il donne un coup de rein plus fort que les autres, et alors il jouit plus fort que jamais, assuré de ce plaisir commun qui est pour lui plus important que tout.
23h12
Elle essuie son visage d’un revers de bras. Les larmes restent solidement arrimées à sa manche. Elle lève la tête vers le miroir mais elle a peur d’affronter son propre regard. Elle est assise à même le sol. Elle n’en peut plus, sature. Elle a commis l’erreur de fermer les yeux, de respirer le parfum de la lingerie, et les souvenirs sont revenus la hanter. Ceux de cette-fois-là, ceux de cet après-midi. Tous… Elle veut cet homme, elle veut se sentir à lui, pressée contre sa peau, possédée par son sexe. Elle a besoin de cette part de soumission qui la laisse maîtresse de ses initiatives.
Elle regarde sa montre. Même pas onze heures et quart. Aujourd’hui, jusqu’à minuit, elle est à lui, à lui seul. Tenir, s’accrocher à des souvenirs plus intenses que la réalité du moment… Elle ferme ses yeux mouillés et rêve à cet homme. Instinctivement, sa main gauche glisse le long de sa poitrine et se pose sur son sexe. Juste ça. Juste une caresse, une présence. Le contact la renvoie à des torrents d’images qui sentent la sueur et le plaisir. Elle se sent partir en arrière sous la force de l’impact, sa nuque prend appui contre le mur et elle écarte très légèrement les cuisses. Besoin de ce contact. Besoin de ces sensations. Dans le lointain, elle entend que Nicolas est encore au téléphone, probablement avec sa mère vu le ton que prend la conversation. Pour la première fois, Julie a vraiment envie d’embrasser son horrible belle-mère tant le répit inattendu qu’elle lui offre tombe à pic. La mère et le fils sont apparemment en train de préparer le repas de dimanche prochain. Ca discute, ça s’engueule assez vite, et le tout crée un fond sonore agité. Pour Julie, ça ne change pas grand chose, mais au moins elle ne l’entend plus soupirer… Elle se sent petite, elle se sent conne. Elle voudrait trouver la force, se lever, se ruer vers la sortie et partir en courant. Elle voudrait franchir une dernière fois la lourde porte, dévaler les petites marches en se prenant les pieds dans sa robe, forcer le portail d’un coup d’épaule, affronter la rue. Respirer. Respirer. Respirer.
Le courage ne vient évidemment pas. Julie est prisonnière dans sa propre salle de bains comme la belle du donjon que le chevalier vient chercher. Mais quel chevalier viendra se déplacer pour une pute en pleurs assise sur un tapis de bain ?
23h19
« Je prends une douche, ça ne t’embête pas ? », hurle t-elle à travers la porte. Le petit mari a raccroché le téléphone et s’est rapproché du couloir. Il ne répond rien. Il n’y à rien à répondre. L’eau coule en effet mais Julie n’est pas dessous. Elle a ouvert le robinet et regarde l’eau chaude quitter la pomme de douche et s’effondrer dans la baignoire remplie de vapeur. L’humidité gagne du terrain, recouvre tout, depuis le cadran de sa montre jusqu’au grand miroir qui ne cache jamais rien. Julie se tient bien en face de la glace et essuie de temps à autres la buée avec un morceau de coton démaquillant. « Non », dit-elle. Elle incline la tête sur le côté, fait une petite moue dramatique et reprend son texte : « Non ». Elle fronce les sourcils, prend soudain un rictus désespéré, semble se tordre de douleur et récite d’une voix suppliante : « Non ! ». Alors elle se redresse, prend un air mystérieux de femme fatale. Elle se tourne de côté dans un mouvement charmeur, et chuchote à l’oreille de son amant imaginaire : « Non ». Elle se tient bien droite, comme un robot bien dressé. Elle chasse toute émotion de son visage et répète d’une voix mécanique : « Non. » Alors elle redevient Julie, se prend la tête à deux mains, colle son front contre le miroir, et tout en se regardant droit dans les yeux, elle hurle en silence : « NON ! ». Et à chaque fois dans la glace, c’est le même visage qui la regarde. Un homme vieillissant au tempes grises et au sourire sur mesure. Un homme en complet veston avec une grande écharpe tricolore qui lui ceinture la poitrine. Un homme qui lui pose une question. Un question à laquelle il faut répondre non. Elle le sait, elle le sent… Un homme auquel elle a un jour répondu « Oui. ».
Julie se laisse tomber à genoux contre le rebord de la baignoire. Elle serre l’annulaire de sa main gauche aussi fort qu’elle le peut. Elle a envie de se casser le doigt, de se l’arracher. De ne plus sentir cette masse d’or lui peser au bout du bras. Elle ne veut pas enlever l’alliance, elle veut ne l’avoir jamais portée… La vapeur d’eau brûlante fouette son visage tandis qu’un sang invisible coule de sa main blessée pour glisser sur l’émail blanc.
23h38
D’une main légère, Julie se passe un peu de blush sur les joues, qu’elle étale délicatement avec un petit pinceau. Elle passe en revue son nécessaire de maquillage, regarde le résultat sur le miroir après chaque ajout. Elle range le tout soigneusement dans sa petite trousse, puis caresse du bout du doigt quelques affaires de Nicolas. La petite bouteille verte de Petrol Hahn, dont il n’a jamais vraiment eu besoin, sa brosse à dents, son flacon d’Egoïste, son rasoir… Julie saisit le rasoir, intriguée… Elle regarde l’objet et semble voir à travers lui, comme s’il était une porte ouverte vers d’autres sorties. Elle le repose doucement, comme sous hypnose. Juste à côté d’elle, l’eau coule toujours pour cette douche qu’elle ne prendra pas. Elle a besoin de rester telle qu’elle est. Ne surtout pas se laver. Ne surtout rien perdre de lui. Elle a un petit sourire en pensant à Nicolas et à sa manie pour l’hygiène. Lui qui a besoin de se laver de façon frénétique avant, après… pendant s’il le pouvait. Lui qui ne peut passer une journée sans ses quatre douches d’eau glacée. Jamais de bain surtout : il aurait trop l’impression de s’immerger dans sa propre crasse. Il chasse les acariens du tapis, il poursuit les bactéries à l’eau de javel… Et elle le laisse faire, trop heureuse de voir son homme faire un boulot qui la dégoûte à l’avance…
Le sourire de Julie s’accentue alors qu’elle savoure l’ironie des choses. Le maniaque de l’hygiène va bientôt mêler sa sueur à celle d’un autre homme, même si c’est par procuration. Il va plonger son sexe dans un ventre qui contient encore le sperme tiédi de son rival inconnu. Il va passer après un autre, caresser des seins, des joues, des fesses et des lèvres qui auront été maculés de liquide blanc. Il va se sentir en lieu sûr, il va se sentir à l’aise, mais il ne fera que passer après un autre. Elle ne cesse de se répéter ces mots. C’est important. C’est un piton planté dans le roc auquel elle se cramponnera en fermant les yeux dans quelques minutes. Et elle ressasse les mêmes idées, elle donne du poids à ses phrases. Après un autre. En la léchant avec avidité, il mélangera sa si pure salive aux cadavres de spermatozoïdes qui restent collés sur sa peau. L’idée l’amuse. La console. Un étranger sera sur elle, mais il n’effacera pas les traces que l’homme qu’elle aime a plaqué contre son corps. Ils ont passé l’après-midi dans un lit, enchevêtré l’un dans l’autre… Des heures et des heurts de sueur amoureuse… Comment les petites caresses lointaines de Nicolas pourraient elles se faire sentir au travers du plaisir pur et brut qu’elle garde intact dans son ventre ? Elle se raccroche à sa saleté, à son désespoir. Plus qu’un gros quart d’heure, elle sait qu’elle peut tenir. Elle éteint l’eau d’un geste sec, et agite une serviette éponge dans le vide pour créer un bruit de mouvement. Derrière la porte, la sanction est immédiate : une voix chaleureuse et empressée se manifeste. « Tu veux que je t’aide à te sécher ? » Il est juste là, à moins d’un mètre. S’il pouvait regarder par le trou de la serrure, nul doute qu’il le ferait. Un gamin enthousiaste de trente-quatre ans. Un homme qui sait attendrir d’un seul regard. Et elle ne doit pas tomber dans ce piège.
« Je m’habille et j’arrive », laisse-t-elle tomber d’une voix douce.
23h47
Julie se sent dépassée par la charge émotionnelle si variable et si mouvante qui pèse sur les choses. En enfilant ses bas, ce matin, elle se sentait amoureuse, excitée, empressée. Elle se voyait séductrice et frémissante. Elle avait hâte de sentir les larges mains lui enserrer les chevilles et lui écarter les cuisses. Avant de partir, elle avait serré le porte-jarretelles autour de sa taille en tremblant, vérifie sous toutes les coutures que le tissu tombait bien juste au dessus de ses fesses. Ses mains avaient tremblé pour attacher les petits languettes élastiques à l’extrémité des bas. Elle avait bien plié le genou pour s’assurer de l’aspect lisse et brillant de l’ensemble. Elle avait confronté sa silhouette au regard bienveillant du miroir, laissant le noir de la lingerie trancher sur la pâleur de sa peau. Toute la matinée au boulot, elle repensait à la dernière image renvoyée par le miroir, celle d’une femme désirable, d’une femme à prendre. Elle se repassait les scènes de multiples ébats, saturés de vice et de tendresse.
Là, tout de suite, Julie enfile sa lingerie de façon mécanique. Elle remonte machinalement les bandes autocollantes sur le haut des cuisses et ferme son bustier en tirant d’un coup sec sur le lacet. Elle se regarde de haut en bas. Elle se sent ridicule. Profondément ridicule. Vide. Seule. Plus rien pour la sauver, mis à part l’espoir de trouver un jour la force de mettre les choses au clair. Avec l’un ou l’autre. Julie secoue la tête et range la salle de bains.
Elle s’arrête soudain au milieu d’un mouvement. Une idée. Elle regarde en l’air, réfléchit une seconde, puis appelle : « Nico ? Nico ? Tu nous sers un verre ? ». D’abord le silence. Puis elle l’entend qui sort de la chambre et qui ouvre le bar du salon. Comment est-il ? Nu ? Habillé ? Entre les deux ? Etait-il sagement assis sur le lit dans une pose plus ou moins sexy ? L’attendait-il sous les draps en se masturbant ? A quoi pense-t-il ? Qui est-il ?
23h54
Julie ouvre la porte de la chambre et se retrouve dans la pénombre, la pièce est seulement éclairée par une petite bougie. Nicolas est assis en tailleur sur le lit, chemise ouverte et caleçon. Au premier regard, elle le trouve beau, puis elle se ravise et décide que ce n’est pas une très bonne idée. Elle n’a pas envie de lui mais elle ne peut pas le détester. Il y a trop de choses entre eux. Elle l’a vu victorieux, elle l’a vu vaincu. Elle a pansé ses plaies, il l’a tenue dans ses bras quand elle était mal. Trop de choses qui rendent la haine impossible. Cette haine qui rendrait tout facile et faux, qui accélèrerait le processus de décomposition des sentiments. Mais non, il n’y a aucune haine à ressentir. Juste de la tendresse. Et la question, naïve, brutale, résume à elle seule les migraines qu’elle subit depuis le jour de son mariage : comment quitte-t-on quelqu’un qui compte depuis toujours ? Comment trouver la force d’abandonner la seule référence que l’on possède dans ce monde en mouvement ? Comment exécuter à bout portant un homme bien, qui n’a d’autre tort que celui d’être tombé amoureux de vous ?
La jeune femme entre dans la pièce. Nicolas la regarde avec les yeux brillants. « Mon p’tit ange… », glisse t-il dans un souffle. Son p’tit ange… Oh mon amour si tu savais… Si tu savais à quel point je ne te mérite pas. A quel point je ne te veux pas. Elle tourne la tête et tente de lire l’avenir à travers les volets tirés de la fenêtre. Comment te quitter mon amour ? Elle voudrait que son mari rencontre une femme. Elle voudrait qu’il se perde dans la caresse d’autre seins. Elle voudrait qu’il comprenne, qu’il ressente ce qu’elle ressent, qu’il soit piégé comme elle. Des plans absurdes lui traversent l’esprit, comme d’inviter ses collègues les plus mignonnes au restau et faire en sorte que Nicolas soit présent. Elle s’imagine rentrer plus tôt et retrouver son mari au lit avec la voisine de palier. Elle se demande souvent si elle se sentirait jalouse. Elle sait bien que non, ce qui est une triste réponse à leur histoire.
Elle s’approche de lui et pose la main sur ses cheveux. Elle a l’impression de caresser un souvenir. Elle s’empare du verre et regarde la couleur du liquide. Un fond de Whisky baigne sous la couverture de trois énormes glaçons. L’alcool la rend gaie, en général, aussi vide-t-elle le verre en une fois, par petite lampées. Elle ressemble à une petite chatte qui boit du lait. L’alcool lui brûle la gorge et lui tourne la tête, elle se laisse glisser sur le lit. Nicolas vide son verre d’un trait. Il lui sourit.
00h00
Trop de choses dans la tête de Julie. Elle tente de faire le vide. Elle jette un regard en coin vers le radio-réveil. Voilà, il est minuit. Elle ne se sent pas tellement mieux, finalement. C’est pourtant une nouvelle femme qui commence une nouvelle journée. Une femme adulte libre de ses choix, libre de ses mouvements. Et pourtant… La prison dans laquelle elle s’est enfermée toute seule est bien plus efficace que n’importe quels barreaux d’acier. Elle voudrait qu’on vienne la chercher, qu’on l’aide à briser les murs qu’elle a passé des années à bâtir.
Elle a un haut le cœur à chaque fois que Nicolas pose les lèvres sur elle. Elle tente de se dire que ça vient de l’alcool, qu’elle a bu trop vite. L’argument ne tient pas bien longtemps. Il est très tendre, très doux. Elle veut qu’on lui foute la paix, elle veut qu’on cesse de la toucher. Elle a attendu minuit, elle ne couchera pas avec deux hommes dans la même journée. Mais elle ne se sent pas mieux, non. Il n’y a finalement aucune différence. Ce n’est rien qu’une paumée écroulée sur un lit. Une fille floue, à la dérive, qui tente de fuir les caresses amoureuses d’un homme bien trop net. Je ne t’aime pas, je ne t’aime pas, je ne t’aime pas… Tu m’entends ? Je ne t’aime pas !
Il achève de se déshabiller, il a du mal à enlever le caleçon avec son sexe dressé. Elle n’en peut plus, elle a envie d’appeler au secours. Pourquoi ne voit-il pas ? Pourquoi ne comprend-t-il pas ? Elle sent les larmes arriver de loin. Elle pense à l’autre. Elle l’appelle en silence, le supplie de venir… Elle ferme les yeux et tente d’imposer un autre visage sur le corps qui s’allonge sur elle.
00h03
Après un long regard amoureux, Nicolas entre en elle. Il la sent intensément émue, comme lors de la première fois. Il va faire bien attention pour que cela dure longtemps. Il va tout faire pour prolonger le plaisir de sa femme. Julie verse une larme et se met à trembler. Nicolas l’embrasse à pleine bouche et lui sourit tendrement. Il n’a jamais été aussi heureux.