1 - LA PREMIÈRE

ileen-gass

Partie 5/9

La fin du cours de chimie a sonné. J'ai rendu la feuille d'exercice avec appréhension à notre professeur. J'avais peur que la note que nous aurions tous les deux serait catastrophique à cause de moi. Toi, tu ne t'en souciais guère.

Nous avons quitté la classe ensemble et rejoint les casiers en parlant de toi. Tu m'avais appris que tu étais né à Pilestone et que depuis lors, tes parents n'avaient plus voulu en partir. Tu aimais notre village beaucoup plus que moi. Tu le trouvais avec un charme fou. Je le trouvais ennuyant à mourir. 

Tandis que tu continuais à me parler de toi, je me suis arrêtée devant mon casier, complètement paralysée.

Il y avait La Première. Toujours de dos. Toujours trempée. Toujours souillée par la terre. Elle semblait fixer mon casier avec attention, alors qu'il ne s'agissait que d'un point dans le vide.

Elle n'a pas parlée. Elle ne m'a soufflé aucun numéro. Elle s'est juste contentée de se tourner vers moi pour me montrer son visage. Très, très lentement.

Lorsque je l'ai vu tuméfié de coups, j'ai manqué de me mettre à hurler. Mais je ne l'ai pas fait. 
Parce qu'elle a disparue. Elle, toi Andrew et tous les lycéens.

Je me suis retrouvée dans un lycée entièrement vide et silencieux.

J'ai reculé, ai tourné le dos aux casiers, quand les numéros que me répétait inlassablement La Première se sont inscrits de partout. Sur les murs. Sur le sol. Sur le plafond.

Il n'y avait aucun endroit épargné.

J'ai entendu La Première. Contre mon oreille droite, elle m'a soufflée :

- 48 56 13 89 123

J'avais très peur, car je pouvais l'entendre sans la voir.

Elle m'a touchée, poussée à plusieurs reprises. Criée dans les oreilles, aussi.

Je n'en pouvais plus. Alors pour que cela cesse, j'ai fermé les yeux et plaquée mes deux mains sur mes oreilles. Et j'ai hurlé :

— ARRÊTE !

— Euh... Jo ?

Je les ai rouvert.

Tu étais de nouveau là, Andrew. Ainsi que tous les lycéens. Et comme eux, tu m'as regardé d'un air narquois.

Ça m'a fait mal. Terriblement mal. Car comme je te l'ai dis, je commençais à t'apprécier.

Je me suis mise à rougir.

— Ça va ? m'as-tu demandé en posant une main sur mon épaule.

Un étudiant m'a traitée de folle.

Je t'ai repoussé et j'ai quitté le lycée aussi vite que je pouvais.

En pleurant.


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