2089
--torpeur--
On est en 2089. C'est déjà la fin du printemps. La journée joue les prolongations, je n'arrive pas encore à être fatigué. J'ai demandé pourquoi je n'avais jamais d'émotions, on m'a répondu, que c'était comme ça, que j'étais comme ça. J'ai répondu que j'aimerai en avoir, pour voir ce que ça fait.
On est au parc, très récemment j'ai tout déconnecté, en moi, et je ne reconnais plus les gens avec qui je passe du temps, ni l'endroit, d'ailleurs. J'ai jamais faim jamais soif jamais envie de dormir, tout le temps 'ailleurs'.
Il y a une personne qui nous suit partout où qu'on aille, elle est tout le temps avec nous. J'ai pas posé la question, seulement il y a un truc qui cloche. Par exemple, quand on parvient enfin à s'éloigner d'elle, elle nous rejoint toujours. Elle sait où on est, à tout moment, me dit toujours quoi faire. J'ai envie de m'arracher la tête de ne jamais être maitre de mes décisions, de ma vie.
Récemment, j'ai vu qu'une lumière rouge clignotait dans le creux de ma main, j'ai demandé ce que c'était, on m'a dit machinalement que je l'avais toujours eu. Évidemment je n'ai pas insisté. J'ai attendu la tombée de la nuit pour prendre un couteau et me l'enlever, mais ça tenait profondément dans la main. Pas vraiment comme les autres, car pas une goutte de sang n'a coulé, je n'ai pas eu mal, il n'y a aucun nerf ni quoi que ce soit d'autre que des fils électriques et des circuits imprimés miniaturisés.
J'ai réussi à l'arracher, depuis je suis encore plus déboussolé qu'avant, désorienté... Je ressens une fatigue qui va croissant. Je suis livré à moi même et interpelle des passants à la recherche d'un "informaticien", chevronné ou expérimenté, comme vous voudrez. Je suis à la recherche de réponses. Mon temps est compté car la personne qui me suivait partout doit être à ma recherche.
Des gens m'ont invités chez eux, donné une adresse, ils ont même préféré m'y emmener car plus rien ne fonctionne à l'heure où j'écris ces lignes.
Le verdict a été déstabilisant, j'ai fait comme les humains : rechercher un arbre avec des branches presque horizontales, une chaine, et passer la tete dedans... J'ai attendu, attendu, rien n'y a fait, impossible d'y passer.
J'ai compris qu'on m'avait condamné à une éternité d'ennui, avec impossibilité d'en finir. Demain, on me reprogrammera, je serai à nouveau à 100% et tout recommencera pour un nouveau cycle. Ce texte est là pour me rappeler. Je dois y aller, maintenant, car on vient à nouveau de me donner des ordres