6 Premier bal pour une marquise (partie 1)
Veronica Tomaszewski
Cela faisait quelques mois depuis ma mort humaine, je poursuivais ma vie de jeune vampire guidée par ma mère. Il demeurait quelque chose d'imprévisible dans notre quotidien : les obligations mondaines. Jamais je ne pensais faire partie intégrante de la noblesse, alors que dorénavant je portais le titre de marquise.
Ma mère ne pouvait plus se faire appeler « princesse », donc nous étions une famille de marquis, proche de la royauté par les liens filiaux de Freya. Bien qu'encore détestée par la plupart des nobles constituant sa famille, et née la dernière héritière d'Aphael, elle possédait le droit de succession. Elle pouvait hériter du trône et devenir Reine par sa condition, mais ma mère avait choisit d'épouser Thomas, renonçant à la course pour la couronne.
Ses nombreux frères et sœurs vouaient une adoration au pouvoir, usant de terribles stratagèmes pour devenir Roi ou Reine de la nuit. Ils se succédaient sur le trône d'années en années, depuis des décennies. Celui qui régnait se voyait tué par son successeur direct, et ainsi de suite les têtes tombaient dans la spirale infernale de la royauté vampire. Une soixantaine des enfants d'Aphael avaient péri, au cours des derniers siècles qui suivaient sa mort.
Heureusement les massacres s'estompèrent avec l'arrivée des progénitures de la noblesse, bien que les naissances soient encore extrêmement rares. Une poignée d'héritiers virent le jour, montant eux-mêmes sur le trône de la nuit, engendrant encore d'autres successeurs directs. Une centaine d'années suffisait à apaiser les enfants d'Aphael, tous devenus les plus anciens vampires encore en vie, hors-jeu.
Le monde des vampires avait pris un nouveau tournant, modernisé par le sang neuf. Le problème de l'infertilité de la plupart de nos pairs, donnait des règnes plus longs et plus sages. La survie de la race dépendait de nos choix à tous, la plupart savaient se tenir à carreau grâce à ça – bien que la justice se permettait de condamner à mort certains sans motifs –.
Ce que je savais de la royauté actuelle, je le tenais des nombreux bals donnés par la Reine Judith III et son mari le Roi Alexei Ier. Je m'empressais de demander à ma mère si il était son frère aîné, mais elle m'assura que mon oncle Alexei ne pouvait pas être le Roi, il était bien trop vieux ! Je dois avouer avoir été un peu déçue par cette nouvelle.
Mon premier bal me permettait de faire mon entrée dans le monde, très semblable aux coutumes humaines. Je me souviens de la robe écarlate que je portais, de ses manches bouffantes soulignées de dentelle noire, de ce gros ruban de soie sombre qui rendait la profusion de mes jupons impressionnante. J'adorais ma tenue de bal, désirant pouvoir me vêtir de la sorte tous les jours, mais ma mère me conseilla de réserver ses extravagances aux soirées mondaines.
– La couleur de bronze de tes cheveux se marie très bien avec cette robe, Cordélia. Seuls tes yeux restent la seule touche de vert, c'est un peu dommage, dit-elle avec une moue enfantine. Essaye ça, elle plaça un pendentif autour de mon cou, ce collier est à toi maintenant, qu'en penses-tu ?
– Oh merci mère ! Il est magnifique, je caressais délicatement la pierre gelée, aussi verte qu'une feuille d'arbre percée par le soleil en été.
Jamais plus je ne me séparais de ce collier.
Ce soir-là, ma mère devait me laisser seule découvrir les plaisirs du bal. C'était l'occasion pour une jeune personne de mon rang, de créer des liens avec d'autres enfants. Ma mère voulait absolument que je profite de ma jeunesse, avant les dures années à venir, je l'en remercie encore.