A Lavilliers

Des fenêtres qui grincent, des volets battants, on imagine un peu de vent qui se lève et une poussière grise qui vole. Oeil mélancolique, dehors soleil de lame blanche qui  tranche la tête et les jambes, tu te caches sous un drap trempé de sueur. Les foins sont coupés, la vigne montre un raisin fait presque sec. C'est la canicule qui assassine, tue à grands coups de soleil. Et on attend l'ultime accalmie, la chute de température qui fait tirer les pulls du haut des armoires.

Le soir venu mi-ange mi-démon tu traînes tes bottes sur les trottoirs encore chauds, les rues ressuscitent, les voitures accélèrent, on se croirait dans un film américain. Tu as sorti ta chemise blanche, prêt à danser toute la nuit, pour ensuite dormir tout le jour. Tes amis t'ont rejoint, ils ont multiplié leurs points au jeu vidéo, tu les écoutes un sourire flegmatique sur les lèvres, un peu dédaigneux, un peu fier. Les jeux vidéos ne t'offrent aucun plaisir, et tu lèves les yeux vers un ciel pétillant d'étoiles. Tu passes pour un rêveur, un poète, seras-tu célèbre un jour? Les vacances sont finies, tout l'été tu n'as voulu séduire qu'une fille, la fille aux cheveux blonds qui dansait si bien et qui est partie. Johnny a rouvert son magasin de disques, il y a foule là-bas, il passe "On the road again". Quelqu'un te bouscule, tu te retournes, c'est Laura qui est revenue et tes yeux se mettent à briller comme la mer cet été, dans le poster de ta chambre aux volets battants.

Laura te sourie, elle se met à rire, elle ne saura rien pour la fille aux cheveux blonds. Dans la rue il y a encore plus de jeunes, c'est samedi soir, les vacances continuent dans le bar de la place, on danse comme cet été. Ils sont beaux, ils sont jeunes tous ces gars, et toutes ces filles bronzées qui chantent comme le vent qui vole et rêvent d'une tendre étreinte au pas de leur porte grinçante.