A mon premier et dernier amant

poulpita

C'est donc maintenant que tout s'écroule. C'est donc ici que tout s'arrête. Dans un silence indifférent.

Mon secret amour. Mon premier et dernier amant. Celui pour qui j'ai osé trahir la confiance sacrée des époux. Pendant des années.

Pour toi.

Combien de promenades nocturnes tourmentées, combien d'insomnies torturées, combien de prétextes inventés à mes humeurs chagrines d'amoureuse déçue.

Combien de lettres dans lesquelles je te disais tout. De mon intime, de mon futile. Ont-elles seulement été lues ? Pourrais-tu croire que je n'y racontais que la moitié de ce que je souhaitais partager avec toi. Par peur de te lasser. Par peur de te noyer.

Combien d'heures passées à imaginer des cadeaux qui te feraient rougir. Assez puissants pour te détourner des affaires du royaume. Ton royaume bouillonnant et grandissant.

Et ces rendez-vous. Précieux, rares, clandestins. Pour lesquels j’apprêtais mon corps. Afin que tes mains s'attardent sur des rondeurs parfaites, que ta bouche déguste une nuque parfumée. Pour que nulle médiocrité ne vienne altérer la perfection de nos tête à tête. Tu étais un géant. Imaginer que tu puisses te pencher un instant sur mes caprices me remplissait de bonheur. Recevoir ton sourire. T’accueillir dans mon antre après des siècles d'impatience. Ta voix rassurante balayait en une seconde l'inconfort des mensonges nécessaires à notre survie. Le temps d'une nuit, nous étions un. Peau contre peau. Ou face à face.

Et puis. Le temps. La vie. Nos jeux t'ont lassé. Ton royaume nécessitait plus que jamais ton entière attention. Tu as disparu peu à peu. Lointain, méprisant, intouchable.

Je survivrai. Je m'occuperai avec mes vieux bonheurs. Je m'inventerai des quêtes justes et urgentes pour diluer ma peine. Je saurai réactiver la mécanique de la félicité. Je m'attarderai sans doute un temps dans la foule vulnérable des cœurs blessés.

Je survivrai.

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