A propos des dictées

divina-bonitas

Pensée

J'apprends ce matin au journal que les dictées quotidiennes vont être remises au programme dès le CP.


D'un coup je me revois, la plume tremblante au-dessus de la feuille à carreaux, l'échine glacée et le cerveau en carafe. Stress majeur. Rien que le mot de dictée me procurait des sueurs froides.


Je revois les moins 20 et les moins 37.5, le rouge en négatif brouillant le violet de l'encre, tous mes efforts réduits à néant, mon œuvre transformée en torchon brulant, tendue par une main sèche aux ongles griffus, le tout alourdi d'un soupir consterné, désespéré, résigné.


Puis la correction, puis la réécriture, puis les dictées d'entrainement à la maison.


Je faisais le désespoir absolu de mes professeurs, celui de ma mère et de mon grand-père, tous deux profs de français. Mon frère en rajoutait une couche. Gaucher, il écrivait en plus comme dans un miroir.


J'avais beau lire depuis mes 5 ans, dévorer tout bouquin à ma portée serait plus juste, rien ne rentrait. Ni les consonnes doubles ni les accords encore moins les "e" muets. Tout se brouillait dans mon esprit: les "ch", les "qu", les "cc", les "sc", les "t" qui se prononcent "s", les accents...


En plus j'avais l'écriture d'un greffier dont on aurait branché la patte droite sur du 380 V: aucune lettre ne tenait entre les lignes. Je ne pus jamais écrire que de grands jambages hors de proportion séparés par des espaces irréguliers, des lignes ondulantes et tout un fatras de signes parasites - cabalistiques ? - , pour un résultat informe, indéchiffrable, un chaos indescriptible émaillé de flaques d'encre qu'aucun buvard n'absorbait. Souvent ma plume traversait le papier. Horreur! Malheur! La salsa du démon scriptural venait encore de frapper.


Dysorthographique et dysgraphique simultanément, avec une pointe de dyslexie jamais détectée, pour une moyenne constante de zéro en dictée. Les professeurs très aimables avaient la gentillesse de transformer mes moyennes polaires en zéro. Bravitude absolue...


Deux choses m'ont sauvée: l'apprentissage du russe en 6°. Ouf! Enfin une langue qui a le mérite de s'écrire comme elle se parle sans pièges épouvantables. Puis le défi sentimental que je m'étais lancé en 3°. J'avais juré de battre à la régulière mon amoureux d'alors. Il était premier en français avec plus de 17 de moyenne. Mon heure de gloire sonna à la veille du brevet. Je le battis en obtenant 17.75/20. Je m'étais dit qu'aucun garçon ne pouvait s'intéresser à une nana nulle en orthographe. A quoi ça tient parfois ?


Quand mes enfants attaquèrent cette épineuse question de la dictée, je me réjouis de voir que mes aînés écrivaient sans s'en soucier et sans lire plus que ça à côté. Orthographe instinctive m'a t'on dit. Chouette alors! Mais quand j'ai vu les deux plus jeunes suer sang et eau dès le primaire, j'ai dit stop, demandé des aménagements scolaires pour qu'ils écrivent avec un PC et un correcteur d'orthographe. C'est très simple, ils sont arrivés au Bac en écrivant presque sans fautes, sans douleur non plus.


La dictée est un exercice mettant en jeu chez certains enfants le système émotionnel. Le rabâchage est inutile, totalement inefficace et improductif. Sanctionner un enfant sur ce type d'exercice est contre performant. Cela n'a que pour effet de lui donner une image négative de lui-même en plus de lui faire prendre le français puis toutes les matières du bloc littéraire en horreur, en grippe...celle qui fait tousser gras et vous donne la fièvre, finit par vous contraindre à l'alitement.


J'ai une pensée émue pour tous ces enfants, le les vois déjà tirer la langue, faire le soir des heures de recopiage de mots...


Monsieur le Ministre, votre intention est sans doute louable, mais je crois surtout que ce sont les méthodes d'apprentissage de l'orthographe qui sont à revoir, la sensibilité parfois à fleur de peau des jeunes enfants à comprendre, les troubles "dys" à détecter au plus tôt avec les QI élevés...donc les professeurs des écoles à former en conséquence. L'être humain progresse mal dans la souffrance et la répétition, en premier lieu les enfants à haut potentiel intellectuel.


Monsieur, j'espère que vous savez qu'un enfant peut avoir des capacités verbales qui crèvent le plafond des tests et tout en étant parfaitement incapable d'écrire deux lignes correctement. Mais c'est peut-être le futur Einstein...







  • Vrai ! Il faut vraiment manquer de la plus basique pédagogie pour rudoyer un enfant qui fait ce qu'il peut en écrivant !

    Si le russe s'écrit comme il se parle, il rejoint un peu l'allemand, dont toutes les lettres sont censées se prononcer.
    Je suis angliciste, et là, pour écrire, c'est très vicieux...
    Dans le scolaire, mon angoisse, mon vampire, mon ennemi, c'était les maths !

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Horrible l'anglais en particulier pour les dyslexiques! A proscrire absolument. Nulle en orthographe, j'attendais avec impatience le cours de maths...

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      divina-bonitas

    • J'étais tellement nul en orthographe que je faisais même des fautes dans les équations algébriques. ;o))

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • Intéressant! Une petite dyspraxie visuo-spatiale peut-être?

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      divina-bonitas

    • c'étaient

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      Gabriel Meunier

  • Votre façon de voir est intéressante. Nous allons faire un symposium de famille à ce sujet, puis nous vous enverrons nos conclusions dûment étayées.

    · Il y a plus de 5 ans ·
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    Gabriel Meunier

    • Super!

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      divina-bonitas

    • Oui, il faut tout faire pour ne pas dégouter petits et grands de la lecture, de l'écriture et de toute langue en général.
      Maintenant, de là à dire qu'apprendre sans douleur doit être l'objectif N°1 (et est possible)... On est dubitatifs.
      Il y a maintenant des "dictées d'entrainement", avec un apprentissage du texte par coeur pui ensuite transcription à l'écrit...
      Enfin mon épouse est très intéressée de savoir comment vous même avez fait pour supplanter l'élu de votre coeur, durablement je suppose !

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      Gabriel Meunier

    • Je suis persuadée qu'on peut apprendre avec le moins de douleur possible, par le jeu, par des façons différentes et variées d'apprentissage et par les enseignements transversaux. J'ai bien plus appris le français en étudiant la grammaire russe, l'étymologie en cours de latin et de grec, en lisant des textes écrits en ancien français, en visitant des musées... qu'en réécrivant des centaines de fois le même mot, ce qui ne servait à rien. J'ai commencé à mieux écrire en écrivant des poèmes...d'amour! Comme je voulais les offrir sans honte, j'ai commencé à m'intéresser à la musicalité des mots, à ouvrir le dico aussi, à lire tout ce que je pouvais trouver comme textes poétiques. Si vous voulez écrire quelque chose de sentimental, imaginez l'horreur si vous dites "tu es mon porc " au lieu de "tu es mon port". C'est en m'attachant au sens précis des mots, à la façon de les assembler pour préciser mon propos que d'un coup, j'ai compris comment il était possible d'écrire correctement. J'ai aidé mes enfants ainsi et d'autres: en leur faisant travailler le sens des mots et par des exercices amusants, de la poésie, des blagues, des charades, des jeux de mots, des narrations loufoques...

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      divina-bonitas

  • J’avais un pote qui n’ouvrait jamais un bouquin, il faisait deux fautes à la dictée de Pivot. Moi, je lisais tout même les pubs de camembert et j’étais triple zéro en orthographe, alors ??? Au fait : « Camembert commence par C et finit par F. » :o))

    · Il y a plus de 5 ans ·
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    Hervé Lénervé

    • Le record à la dictée de Pivot, c'est 3 fautes. Perso, c'est 4, ouinnnnnnnnnnnn

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      Mario Pippo

    • Je me sens moins seule, merci !

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      divina-bonitas

    • Quatre fausses notes sur une partition de Mozart, c’est un désastre !
      Quatre fautes sur une dictée de Pivot, c’est un exploit !
      :o))

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • bien jeté

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      Gabriel Meunier

    • ;o))

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

  • Merci pour ce texte, merci pour nos enfants. Moi, j'étais nulle en tout sauf en rédaction et assez bonne en orthographe. Les règles ne sont jamais bien rentrées dans ma petite tête, mais dès le départ, allez savoir pourquoi j'ai lu très facilement et apparemment je dois avoir une très bonne mémoire visuelle. J'ai adoré de suite la lecture, j'ai lu de plus en plus. Je fais des fautes, mais pas trop, grâce à cette passion, mais ne me demandez surtout pas le "pourquoi du comment", au sujet de ces fameuses règles. Cela a été comme un instinct en plus de la passion de lire.
    Ma fille a eu des problèmes de dyslexie et à l'époque (années 70) on s'en occupait moins. Un de mes fils né beaucoup plus tard est allé chez un orthophoniste pour remettre tout cela en ordre.

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Perso, j'étais le meilleur en musique, en dessin, en dictée et en rédaction, et nul dans toutes les autres matières :)

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      Mario Pippo

    • Comme un de mes fils. Un artiste.

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      divina-bonitas

    • C'est déjà pas si mal Allan ! Et j'ai pu constater en effet, que vous étiez doué non seulement en dictée, et rédaction, mais également très connaisseur en musique. Bravo à vous !

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Louve blanche

      Louve

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