A propos des Primaires de la Gauche

Dominique Capo

Pensée politique

Que dire du débat d'hier soir, dans le cadre des Primaires de Gauche en vue des prochaines échéances électorales ? Comme je le craignais – et beaucoup d'autres avec moi -, il n'en n'est presque rien sorti.


Il faut avouer que l'héritage du quinquennat de François Hollande est lourd à porter. Au sortir de celui-ci, la France est devenu une puissance de seconde zone ; qui n'a plus le poids qu'elle avait il y a une, deux, trois, décennies auparavant. La « fracture sociale » chère à Jacques Chirac, n'a cessé de s'élargir. L'écart entre riches et pauvres est plus grand qu'il ne l'a jamais été. Les communautarismes sont présents à tous les niveaux de la société. Le chômage est devenu le passage obligé pour nombre de concitoyens. Et quand ceux-ci trouvent un emploi, mème débutants, il doivent avoir des diplômes et de l'expérience ; ce qui est évidemment impossible quand on entre dans la vie active. D'autre part, le CDI est devenu une denrée rare. Elle le sera, dans les années et les décennies qui viennent, de plus en plus rare. Ce qui est en train de se transformer en norme, est le CDD, de quelques mois, de quelques jours, de quelques heures parfois. La précarisation qui en est la conséquence, aussi. Il ne me surprendrait pas que nous nous dirigions vers une époque où celui qui a un emploi sera considéré comme un privilégié. Comme autrefois cette élite sortie des écoles prestigieuses dispersées à travers le monde.


La guerre contre Daesh, également, et les attentats que nous avons connu sur le sol européen depuis « Charlie Hebdo », a été un facteur aggravant du quinquennat de François Hollande. La disparition des administrations, des commerces, des entreprises délocalisant dans les pays de l'Est ou en Asie, se sont poursuivi ; malgré les belles promesses du candidat. Les « Affaires » qui ont émaillé ses cinq années passées à l'Élysée l'ont affaibli. Le manque de fermeté face à l'emprise de plus en plus grande du financier sur l'économie réelle, face aux évasions fiscales – dont un de ses ministres a été le symbole -, face aux querelles intestines, a exacerbé la colère et le dégoût des français.


De mon point de vue – mais je ne parle que pour moi -, c'est à cause de toutes ces raisons, et de bien d'autres que je n'ai pas cité – la liste serait trop longue a énumérer – que l'on se rend compte qu'après le Communisme il y a vingt ans, c'est le socialisme qui est, à son tour, sur le déclin. Celui-ci, ainsi que ses idéaux généreux, sont empreints d'idéal. Mais si l'idéal était de ce monde, il aurait été mis en pratique depuis longtemps avec succès. Or, à chaque fois que cet idéalisme a été matérialisé – de gré ou de force ; et plus souvent de force que de gré -, cela s'est terminé en tragédie.


Dans les années trente, et même avant, le socialisme a suscité de nombreux espoirs. La révolution de 1917, les écrits de Karl Marx et de ses confrères, ont été des rêves inatteignables. Car, qu'on le veuille ou non, qu'on l'accepte ou non, nous sommes tous différents les uns des autres. Nos ambitions, nos espoirs, nos rêves, nos projets, nos désirs, etc. sont spécifiques à chacun de nous, en fonction de son éducation, de sa religion, de sa culture, du territoire où l'on vit, etc. Il y a tant de facteurs qui entrent en ligne de compte, que chercher à nous rendre égaux est contre-nature. Il y a des personnes naturellement plus aptes dans la mécanique, d'autres dans la menuiserie, d'autres dans l'agriculture, d'autres dans la peinture, d'autres dans l'architecture ; en plus de l'attirance que l'on éprouve pour tel ou tel domaine.


Le Communisme, comme le Socialisme, qui sont à la base des idéaux issus du monde ouvrier, ont pu s'épanouir durant une époque où l'ouvrier était un élément essentiel de notre civilisation occidentale. Il était nécessaire dans les usines, afin de fabriquer et de faire prospérer cette société de consommation. Il était le rouage déterminant du capitalisme triomphant qui l'a utilisé pour triompher de tous les autres modèles sociétals.


Or, il était inévitable que l'ultra-capitalisme apparu à l'aube des années quatre-vingt – ironiquement, à l'époque où, en France, la Gauche triomphait, avant de se rendre compte, dès 1983 et le retour aux réalités – finisse par dévorer le monde ouvrier. La loi de l'argent a pris définitivement le dessus avec la fin de la Guerre Froide et l'effondrement de l'URSS. Le Communisme a disparu dans le sillage de ces événements. Il était évident que le socialisme suive le même chemin a plus ou moins brève échéance. Quand on songe que mème dans des pays il n'y a pas si longtemps berceau de celui-ci – Russie, Chine – sont aujourd'hui devenu les emblèmes du capitalisme le plus outrancier qui soit ; que c'est l'ultra-libéralisme, la loi de l'argent qui y règnent en maîtres, quitte à profiter des plus faibles et des plus pauvres pour s'enrichir. Cela prouve bien, si besoin était, que ce sont des notions d'un autre temps. Et qu'en même temps que le monde ouvrir disparaissait lentement à l'issue des deux chocs pétroliers et de la démocratisation des biens de consommation, du confort, etc., ces idéaux s'effaceraient avec lui.


Bien sûr, il y a toujours des pauvres ; il y a toujours des riches. C'est malheureux, c'est honteux, c'est désespérant. Mais, même si cela me rend triste parce que je l'ai moi-même vécu à plusieurs périodes de mon existence, on ne peut – et on ne pourra jamais – endiguer ces fléaux. Ils existent depuis que la civilisation existe. Et il n'a pas fallu attendre l'industrialisation, le 20e siècle et le 21e siècle, pour qu'ils apparaissent. Il n'a pas fallu attendre le Capitalisme, le Communisme, ou le Socialisme, pour qu'ils se propagent, que les uns en profitent, et que les autres en soient les victimes.


Pour en revenir aux Primaires de la Gauche, le problème de ces candidats, comme celui de François Hollande ; comme celui de la Droite, et de Sarkozy et consort avant eux, c'est qu'ils sont toujours pétris de ces dogmes qui ont fait leur temps. Ils supposent toujours que la prospérité matérielle née du capitalisme, empreint de socialisme pour les uns, ou de Gaullisme pour les autres, est l'avenir. Pourtant, il n'y a rien de plus faux. Demeurer sur ces positions va, non seulement, à l'encontre de la marche de la civilisation actuelle. Pire, elles les entraînent dans une impasse.


Chacun sait que l'avenir est à dessiner maintenant. Les possibilités qui s'offrent à nous dans maints domaines, sont immenses. Les énergies renouvelables – maisons autonomes, photovoltaïque, voitures électriques ou autres. Les métiers de demain qui n'ont plus rien à voir avec l'emploi qui était nécessaire pour faire perdurer une entreprise, grâce l'automatisation, à la robotisation, à l'informatique, à internet, etc. L'école de demain grâce à ces nouvelles technologies, le recyclage, la dépollution, de nouvelles infrastructures à créer, j'en passe. Tout cela exige de nouveaux métiers qui sont, soit à inventer, soit à développer.


Là est la richesse de demain, si nos politiques savent prendre le train en marche, si nos industriels ne traînent pas des quatre fers afin de profiter financièrement au maximum des derniers soubresauts d'une civilisation en pleine mutation. Tout cela est à bâtir aujourd'hui. Les investissements, humains, économiques, sociaux, sont phénoménaux pour que cette transition ne se fasse avec le moins de casse possible pour les plus faibles et les plus modestes. C'est un chantier aussi gigantesque celui de la reconstruction de l'Europe après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Et une chose est sûre, c'est que si nous ne nous y mettons pas tout de suite en tant que communauté occidentale, ce sont d'autres qui vont en tirer profit. Les Émirats Arabes, sachant que leurs ressources pétrolières ne sont pas inépuisables, commencent déjà depuis quelques années à anticiper ce mouvement de fond. Ils investissent dans les possibilités de demain afin que, le moment venu, ils survivent à l'effondrement de notre modèle de société. Les Chinois, l'Inde, s'y préparent également.


Nous pas. Parce que nous nous accrochons à nos idéaux du passé. L'Occident devient, pour cela, une puissance de seconde zone, et l'arrivée de Trump à la maison blanche le démontre parfaitement. Les schémas qui sont les siens, ou la glorification de l'argent par les modèles économiques actuels, va entraîner l'Amérique sur le déclin. Celui-ci est d'ailleurs déjà là. Ses premiers contours se discernent déjà. Et l'Europe, et la France, comme je l'ai détaillé tout le long de cet article, en fait de même. Les discours et les solutions prônées en Novembre dernier par la Droite – voire l'Extrème-Droite -, et actuellement par la Gauche lors de ses propres Primaires, prouvent qu'ils n'ont toujours pas réalisé que le monde avait changé… sans eux.


Et les conséquences, si nous continuons dans cette voie, vont être terribles à plus ou moins brève échéance. Et ce sont toujours les mêmes qui vont payer les pots cassés. D'ailleurs, quand j'y réfléchis, la montée des extrémismes religieux – avec Daesh ou les créationnistes ou autres – sont les ultimes efforts de passéistes qui, eux sur le plan de la religion, tentent de freiner la marche d'un monde qui va de l'avant. Et il ira de l'avant, qu'ils le veuillent et l'acceptent, ou non. Mais, en essayant de l'empêcher par les méthodes qu'ils utilisent, et dont nous voyons les effets tous les jours aux infos, non seulement, ils précipitent davantage encore la civilisation actuelle vers sa fin. Mais, aussi, ils n'empêcheront rien du tout. Au contraire, ils seront emportés par cette tourmente plus vigoureusement que déjà.


Tel est ce que je discerne au travers de l'échec du quinquennat de François Hollande, et de la défaite du Socialisme face à la réalité du monde actuel. Ceci dit, c'est aussi l'échec du Capitalisme tel que la Droite l'honore et désire le mettre en avant. Parce qu'après le Communisme, le Socialisme, c'est le Capitalisme qui finira inévitablement dévoré par ce qui nous attend dans les années et les décennies qui s'annoncent. Car, d'une façon ou d'une autre, et quel que soit notre prochain Président de la République – y compris de Gauche -, quelles que soient les action d'un Trump à la tète des États-Unis, rien ne sera plus jamais comme avant...

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