Abstraction 2

Nicolas Pellion

26 janvier 2019

Pendant longtemps, je n'ai pas regardé les gens, fuyais leur présence, le danger qu'ils représentaient, m'intéressais à tout autre chose que leurs personnes, une pierre, une façade, une ferronnerie, un livre... pourtant ma tête était peuplée d'individus et je vibrais de leurs histoires au fur et à mesure que je tournais les pages, et puis je me suis mis à les regarder, en retrait, à scruter leurs expressions, leurs gestes, leurs mots, sans me mêler à eux, avec une boulimie insatiable, me fondant le mieux possible pour ne pas être vu mais profiter un maximum du spectacle qu'ils étaient devenus. Je les épiais et les jugeais parfois avec violence ou m'emballais dans des amitiés et des amours dont ils ne surent rien. J'étais moins invisible que je ne le pensais, diaphane et solaire à la fois, je captais leur attention par mégarde, sans le vouloir par un texte que j'avais écrit, qu'un professeur lisait et qui n'était pas de mon âge, par la pureté de ma voix quand je devais chanter devant la classe, par les larmes qui en résultaient quand je me rendais compte que je les captivais et que certains, même parmi les excités en oubliaient de respirer, par une certaine beauté contre laquelle je ne pouvais rien, dont je n'avais pas conscience, qui s'affirmait d'année en année et qui fait qu'on s'approche toujours de vous, même si pour réponse vous n'apportez que le silence... 

  • Deux façons de mener une vie, puisqu’on en n’a qu’une ! Soit en observateur distancié, soit dans la mêlée avec les autres, soi-même. :o))

    · Il y a environ 5 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • D’où la pratique théâtrale pour se confronter à la meute... faire son trou dans la masse... verser dans l’exubérance après le silence...

      · Il y a environ 5 ans ·
      Dsc 0053

      Nicolas Pellion

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