ACIDE

Christophe Dugave

Ce poème m'a été inspiré par l'histoire de ces femmes du Pakistan et d'ailleurs, défigurées à l'acide et parfois immolées par le feu pour "l'honneur"...

Elle est née quelque part au milieu des montagnes

Et jusque-là sa vie ne savait rien des larmes,

Mais dans la plaine en bas son enfance s'est perdue,

Comme une pièce de bétail, sa famille l'a vendue.

 

Les mâles ici-bas parlent de Dieu et d'Honneur,

Du petit Livre Saint ils ne tirent que l'horreur,

Et pour mieux s'assurer de lui briser les ailes

Ils lui font oublier qu'elle pourrait être belle.

 

Le choix est limité entre voile et acide,

Quoi qu'elle fasse de sa vie, elle ne voit que le vide.

 

Sans amour, sans un cri, elle est devenue femme,

De cette vie de misère, elle n'attend que des larmes,

A présent, tout son temps se  résume au silence

Et d'autres femmes brisées souffrant la même absence.

 

A une rébellion elle peut toujours songer,

Ses rêves, la tradition saura les étouffer.

Elle peut bien supplier, parler du droit des femmes,

Ces gens-là ne connaissent que le pouvoir des armes.

 

Et ce choix, elle l'a fait entre voile et acide,

Désormais de sa vie, elle ne voit que le vide.

 

Depuis qu'elle vit ici, l'espoir s'est envolé,

D'intimes ennemis, elle se sent entourée.

Ses enfants eux aussi viendront à la haïr

Si tout espoir perdu, elle décide de s'enfuir.

 

Sa vie ne vaut plus rien, ses rêves sont ses trésors,

Mais elle les garde enfouis sous le voile du tchador,

Et à quoi bon crier dans le désert des cours,

Personne dans ce pays ne vient à son secours.

 

Si nous l'abandonnons dans notre cœur aride,

Désormais de nos vies, elle ne voit que le vide.

 

Et si perdre la vue ne lui est pas trop dur,

Les flammes se chargeront de la rendre plus pure,

Mais s'ils dispersent au vent son corps carbonisé,

Nul ne pourra jamais prendre sa dignité.

 

© Christophe Dugave 2005
  • Cela me touche pleinement. rien à voir mais mon père et moi avons été brûlés vifs (accident domicile) mais ça va ; mais l'acide je comprends la douleur physique, alors comment ne pas être touché... Digression pardon, rien à voir ma douleur et la leur..... pauvres femmes méprisées

    · Il y a presque 7 ans ·
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    Aurore Rodi (Ancienne Alice Gauguin)

    • Merci pour votre commentaire. Je l'apprécie d'autant plus que vous connaissez ce dont vous parlez, même si les circonstances sont bien sûr différentes.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Dugave

      Christophe Dugave

  • C'est très touchant. Un poème qui n'oublie pas le respect et la pudeur

    · Il y a presque 7 ans ·
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    bartleby

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