Affaire classée

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Un agent à part s'interroge sur la fin de sa carrière.

Affaire classée

 Il faisait nuit noire, et l'agent Luke profitait du silence en contemplant les lumières de la ville à travers les arbres. Assis sur une souche d'arbre à flanc de colline, à quelques dizaine de mètres de la clairière où il avait laissé sa voiture, il était assez loin pour échapper au brouhaha de la circulation. Le menton dans la main, le coude sur les genoux, il pouvait se laisser absorber par ses pensées.

 Il savourait l'instant. Il était du genre à savourer ces instants. Il vivait pour eux en fait. Ces moments de calme et de quiétude où, après une enquête... tout était simplement parfait. Ces derniers temps, ils se faisaient malheureusement plus rares. L'âge sans doute. Les affaires devenaient de plus en plus dures à boucler, et il avait le sentiment qu'il se compliquait parfois inutilement la tâche. Au milieu de sa satisfaction, une angoisse le tourmentait : il était toujours bon, mais il n'était plus sûr d'être le meilleur.

 Ce n'était pas faute d'essayer. Aucun enquêteur n'avait jamais eu une carrière aussi brillante que la sienne. Avec huit cas de tueurs en série à son actif, il avait battu tous les records de l'histoire de la police. Ses méthodes étaient peu orthodoxes, et après ? Ce n'était pas l'important. Il était efficace. Il était le plus efficace.

 Et à ses yeux c'était tout ce qui comptait.

 Il n'était sûrement pas là pour la justice. Pas là pour des idéaux ridicules, ou pour aider qui que ce soit. Non, il n'était là que pour gagner. Pour se confronter aux esprits les plus malins et l'emporter, encore et encore. Savoir que jusqu'au bout, ils n'avaient rien compris. Savourer sa victoire quand eux ne savaient même pas qu'ils avaient perdu... C'était pour ce sentiment qu'il se surpassait à chaque fois. Pour ce frisson d'excitation.

 Comme tout cela allait lui manquer une fois à la retraite...

 Mais il fallait qu'il s'arrête. La dernière fois, il était passé trop près de la catastrophe. Il avait abattu le suspect. Comme à chaque fois en faite. Cela faisait parti de sa méthode. Mais cette fois-ci, aucun témoin n'était là pour confirmer qu'il était dans son droit. Le tueur au sourire était mort, mais dans les bureaux de la police on murmurait qu'il aurait pu être prit vivant. Qu'il y avait un défaut dans sa méthode. On commençait à douter...

 Aussi avait-il décidé que le prochain coup serait le dernier. Son chant du cygne.

 Avec un soupir il se releva et redescendit nonchalamment vers sa voiture. Il allait faire de cette dernière enquête la plus spectaculaire de sa carrière. Un coup d'éclat si brillant, une série de meurtre si horrible, qu'ils resteraient des références pour plusieurs décennies.

 Il ouvrit le coffre et regarda la jeune femme qui y était enfermée.

 Il se demandait comment ils allaient l'appeler celui-là.

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