Ah, ces Anglais !...

Jean Marc Kerviche

Incompréhension

            J'avais seize ans lorsque je me rendis en Angleterre pour la première fois.

            J'avais été accueilli par les parents d'une amie de ma mère qui travaillait en France, lesquels habitaient Freshfield une petite bourgade de la côte ouest non loin de Southport.

            Tout me paraissait nouveau, et je vivais comme dans un autre monde. Quantité de souvenirs me reviennent encore mais ce qui m'a marqué le plus est une anecdote qui me revient en permanence et à laquelle je n'ai jamais obtenu le moindre éclaircissement.

            Au cours de mon séjour, l'on m'avait donné la possibilité de pratiquer un sport. Et un choix m'avait été proposé : tennis, cricket, croquet ou équitation.

            J'étais étonné. Ne pratiquant que la natation et le judo en France, aucune de ces autres disciplines n'avait ma faveur et je déclinais ces offres.

            Mr Godfrey, l'homme de la maison un retraité des British Railways, me posa alors une question au demeurant sans malice, tout au moins à ma connaissance.

            Je l'entendis me dire :

            “Do you play tennis, Dennis ?

            No, I play hockey, Cockey !”

            Et à la suite de ces deux phrases, devant mon œil médusé il partit d'un grand éclat de rire.

            Je le regardais, le laissait s'esclaffer tout son saoul, sans rien comprendre.

            J'avais beau traduire dans ma tête la formule :

           « Jouez-vous au tennis Dennis, non je joue au hockey Cockey ! » Franchement, ça ne me faisait pas rire.

            Et bien sûr, le lendemain je racontais cette anecdote autour de moi, et tous se pliaient en quatre à mon plus grand étonnement.

            De retour en France, alors que je me trouvais au sein de l'Institution Vaysse pour une raison dont je n'ai plus aujourd'hui le souvenir, je me trouvais par le plus grand hasard en présence de notre ancien professeur d'Anglais, anglais lui-même, Mr Sandin.

            L'occasion était trop belle. Pour avoir une réponse à mon attente et éclaircir le mystère qui m'habitait depuis plus de deux mois et auquel je n'avais toujours pas obtenu de réponse, je ne résistais pas à l'interroger pour comprendre l'astuce qui se cachait derrière cette maxime, espérant enfin comprendre, et pourquoi pas, moi aussi, en rire.  

            Mais quelle ne fut pas ma surprise après l'énoncé de ces deux phrases de voir Mr Sandin, s'étouffer littéralement tellement il pouffait de rire. Il ne pouvait plus s'arrêter, secoué de spasmes et dans l'impossibilité totale de se contrôler au point que je commençais à m'inquiéter pour sa santé… et je commençais à regretter au fond de moi de lui avoir rapporté une histoire que je ne comprendrais très certainement jamais.   

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