Amour damné

Dominique Capo

poème onirique

Il n'y a rien de pire au monde à mes yeux que de ne pas pouvoir exprimer mes sentiments. Pire, depuis longtemps, souvent tout le long de mon existence, je n'en n'ai pas eu le droit. Ce que les hommes et les femmes que je côtoyais, que j'aimais, que j'admirais, étaient dotés de cette capacité, de cette faculté, que l'on m'a retiré. Et c'est dans l'ombre, au travers de textes remplis d'affection, de tendresse, d'espoir, et de rêves, que je les ai, dès lors, évoqués.

Né différent, mon corps en a été outragé. Il en a été humilié, rejeté, maudit, moqué, torturé. Parce qu'il n'a jamais correspondu aux « normes » par le plus grand nombre acceptées – ou uniquement tolérées -, mon âme, mon cœur, ont été déniés, violentés, blessés, terrorisés. Parce que, parfois, j'ai osé bravé ces interdits qui m'ont été imposés, ils ont été broyés, déchirés, brisés, jugés, condamnés. Ils n'ont jamais connu le repos, ils n'ont jamais su ce qu'est le répit, ils n'ont jamais su ce qu'est la paix ou la sérénité.

Chaque femme à laquelle j'ai ouvert mon âme et mon cœur, dont j'ai désiré partagé la couche, mème juste un moment, m'a dédaigné. Épouvantée à l'idée qu'on puisse la voir en ma compagnie, effrayée à l'idée que je puisse la toucher, effleurer de mes mains son intimité, elle m'a refoulé. Mon inclination à son égard, la tendresse, l'attention, la délicatesse, la douceur, que je cherchais à lui donner, elle s'en est détourné. La sensibilité, l'écoute, la bienveillance, et bien plus encore, tout cela, elle l'a méprisé.

Moi qui ne souhaitais que m'ouvrir à elle ; moi qui ne songeais qu'à la vénérer, elle m'a appris à me haïr. Moi qui, par ce corps à corps passionné, ne voulais que lui offrir ce que j'ai de plus beau, de plus grand, en moi, elle m'a fait comprendre que je devais, pour le reste de ma vie, y renoncer. Moi qui, par cette fusion énamourée, souhaitait lui ouvrir les portes d'un Paradis dont elle serait la Reine, elle m'a plongé dans la détresse et la démence. Moi qui ne désirais que l'honorer au gré de mes caresses et de mes tendres baisers, au gré de la découverte de ses courbes et des trésors dissimulés de sa féminité, elle a transformé, à mes yeux, ce qu'il y a de plus merveilleux dans l'union de deux êtres, en cauchemar éveillé.

Aujourd'hui, à chaque fois que j'approche une femme pour laquelle j'ai un semblant de sentiment amoureux, je reste en retrait. Je me cache dans l'ombre de son existence ; le préfère ne pas l'aborder, ne pas l'approcher, ne pas lui parler – ou si peu -, afin de ne pas la faire fuir, afin de ne pas l'effaroucher.

Car je sais que si je franchis cette frontière invisible : passer de l'obscurité la plus noire à la lumière la plus éclatante parce que je suis à ses cotés, souffrance et terreur vont m'annihiler. Car je sais que si je lui dévoile ce que je cache en moi, elle va se rire de moi et m'abandonner. Car je sais que c'est que c'est dans les bras d'autres hommes plus attirants esthétiquement, aux traits plus attrayants, au corps plus avantagé, qu'elle va se réfugier. Et que c'est dans leur lit qu'elle va aller. Et qu'elle l'accueillera en elle volontiers ; succombant en ses baisers et à ses caresses parce qu'il n'est pas né différent des « normes » imposées par la majorité.

Je pleure chaque jour cette vérité à laquelle je ne peux échapper. Elle me foudroie, elle me condamne à la folie et au reniement de ce qu'en moi j'ai de plus cher. Elle m'oblige à me taire ; mais à hurler d'une douleur sans pareil intérieurement. Elle me condamne à me haïr moi-même ; à refouler tout ce que je ressens. Elle me pousse à la solitude, à la noirceur, à la précarité. Elle engendre épreuve et difficultés. Sans répit, sans repos ; et ce jusqu'à la fin de l'Éternité. Puisque, de toute manière, je n'ai pas le choix. Né contrefait, damné et isolé – ermite puisque teinté d'inhumanité au regard de ces femmes que j'ai tant aimé, que j'aime tant, ou que j'aimerai -, je périrai...Amour a

  • Mais Dominique, même les plus beaux, ou les plus belles, un jour, sont délaissés ! L'amour est souvent volatile, vous savez. Un jour, vous aimez à la folie et puis tout s'éteint sans crier gare. Un jour, vous êtes aimé, et repoussé, pourquoi ? L'amour s'en est allé, tristement allé et il laisse ceux qui pensaient s'aimer pour très longtemps -sinon pour toujours - amers, désabusés. Mais, vous savez, on peut être aimé pour son charme, son aura. On aime parce quelqu'un nous attire même si ce n'est pas une déesse ou un apollon.
    Mais, prenons le cas de Marilyn Monroe, qui a été adoré, sinon aimé, qui fut délaissée. Brigitte Bardot également, Maria Callas qui s'est laissé dépérir quand Onassis l'a délaissé car elle ne chantait plus. C'était pourtant pour se consacrer pleinement à lui. Mais, la magie, pour lui, avait cessé d'opérer. Et croyez-vous qu'il était beau cet homme là, non, et pourtant elle l'aimait, et ce n'était pas pour son argent, je pense qu'elle avait tout le nécessaire. De belles femmes pourtant !
    Alors, vous pensez , les gens "ordinaires" qui sont majorité...vous pensez, c'est encore plus difficile. Mais je comprends votre détresse et si ces quelques lignes peuvent mettre un peu de baume sur votre douleur, tant mieux mon ami, tant mieux ! C'est peu, je sais...

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Et je veux ajouter que vous êtes intelligent, érudit, avec beaucoup de connaissances, ça compte !

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Merci mon amie, ça fait plaisir à entendre... si seulement je pouvais l'entendre de vive voix...

      · Il y a plus de 6 ans ·
      4

      Dominique Capo

  • Il est rare qu’un texte me fasse oublier ma dérision amère salvatrice. C’est le cas ici, la détresse qui s’en dégage m’a sincèrement émue. Les femmes comme les hommes ne sont que le produit de leur monde socio-publicitaire.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

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