Amputation

aile68

J'esquisse dans la salle de bain des danses maladroites. On m'a amputé d'un bras. Je me cogne dans les murs, je sens le vide sous le membre manquant, comme de l'air qui passe d'une manière narquoise.

 Dans la glace de ma salle de bain, j'essaie de me composer un visage décent pour affronter la civilisation. J'aperçois ma médaille noire qui pend comme mon bras, je voudrais l'enlever mais ne peux pas. Tout à l'heure on me mettra un faux bras afin de donner le change aux  gens que je côtoie, j'ai les idées noires comme ma médaille qui pend au bout de ma chaîne.

L'accident a été violent, je n'ai rien vu venir, la portière de la voiture m'a broyé l'avant-bras. Il conduisait trop vite le conducteur qui a défoncé la voiture, mon mari me parlait à ce moment-là, il était distrait, il a grillé un stop, il s'en veut à mourir. C'était sur la route des vacances, vacances et bras foutus, moral à zéro, j'en veux inconsciemment à la terre entière, à mon mari, à l'autre conducteur qui roulait trop vite et nous a percutés sur toute l'aile avant de la voiture.  Comme la voiture, j'ai une aile brisée, mais j'esquisse des danses maladroites pour garder la tête hors de l'eau., faire bonne figure dans la glace et devant les autres. Parfois avant de m'endormir le soir, j'ai la vague sensation d'avoir les idées fauchées comme les blés sous une faux intransigente, infatigable. J'ai alors l'horrible impression qu'un gouffre se creuse en moi tel un trou noir dans lequel je m'endors inévitablement.





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