Anselm Kiefer à Beaubourg

Une rétrospective noire, macabre et brutale sans pourtant rien d'effrayant. Un pamphlet pictural contre la guerre qui fera de vous un dommage collatéral sans pouvoir en sortir indemne.

Contrôle de billet, j'accède au théâtre  des opérations. 
Début des hostilités.
Des forêts, des champs, des pièces vides aux intérieurs délabrés.  Mais ce n'est ni une balade ni une visite d'appart, plutôt un parcours du combattant. La première salle donne le ton, un salut nazi et un paysage, « Hanneton vole ! » un aplat de plein de tas de peinture noire couvrant 80% de l'oeuvre.
Une toile comme une terre cramée de guerre. L'impact est saisissant, ça pue la mort sans qu'aucun corps ni figure, on est mal tout de suite.
 A titre perso j'accroche pas à sa technique, à son trait, en revanche son impact est indéniable. Comme avec ces forêts denses et inquiétantes. Des arbres effeuillés aux coulées de peintures dégoulinant des troncs, semblant se transformer en racines de sève et de sang. De sombres sous-bois parfois blessés de rouge la plupart du temps fendus par un inquiétant chemin fuyant en perspective. On n'ose s'imaginer le bout de la route...
La perspective, Kiefer en use et abuse, souvent centrée et en hauteur de toile offrant ainsi une sensation de vue en plongée. Ce parti pris vous positionne en témoin intégré à l'œuvre, comme son prolongement. Redoutable d'efficacité, comme avec ces champs dénudés, comme violés, qui vous happent dans leurs sillons fusillant votre regard.
C'est sa grande force à Anselm, l'impact visuel, comme un gros coup de poing dans la gueule.
La violence, on la sent suinter de partout quand on tente d'imaginer l'artiste au travail. Perso si j'étais un de ses potes j'aimerais pas le déranger en plein boulot au risque de m'faire étrangler ! Les matières sont torturées, amalgamées, mélangées par des gestes qu'on pourrait croire névrotiques et psychotiques. Certaines toiles donnent l'impression d'avoir été peintes à la fiente de pigeon ou autres matières fécales. Une sorte de non couleur, mélange de chair de sang et de merde.
J'ai la nausée, suis mal à l'aise, je cherche un visuel qui puisse me réconforter mais je ne vois que des murs, décomposés, comme moi. Même les quelques représentations féminines sont anxiogènes. J'abdique devant ses quelques travaux plastiques et autres montages en me dirigeant vers le thème « Poésie » espérant y trouver un réconfort.
Certes sur ces toiles il y a de la couleur, des fleurs, des tas de fleurs, interprétation visuelles de ses lectures poétiques. Mais là aussi c'est 100% flippe. Les frangines à pétales vous donnent le sentiment de tourner au L.S.D frelaté, effrayantes et difformes. J'pense à Dali, aux retombées radioactives, et puis j'oublie parce que je cherche la sortie, vite!
Ouf, suis dehors mais retourné, comme mon estomac qui hésite entre nausée et gerbe.
Une exposition douloureuse d'un artiste torturé qui risque de faire partie de ceux qui vous auront le plus déstabilisé sens et inconscient, n'est-ce pas là aussi le propre de l'art ?