Arbres

Christian Lemoine

Il est à craindre que beaucoup ne survivent pas. Ils sont trop exposés, laissés sans possibilité de fuir. C’est un front, une ligne de feu, un stigmate de la fracture. On les a alignés, prêts sans en rien savoir à tomber foudroyés par des volontés supérieures ou des impératifs numériques. Et peu importe qu’ils en aient ou non la conscience. Glorieux ou lâches, il ne leur sera rien rendu de leur disparition. Vous en avez vu, de ces grands corps brisés, corps en découpe le long des routes. Peut-être les avez-vous regardés en passant, presque indifférents, comme nous tous. Nos préoccupations brisent toujours nos empathies. Entre leur permanence et nos altérations, nous ne voyons que courses asymétriques. Choix des armes pour nous entretuer. Choix des arbres tronçonnés, sous quoi saignaient nos racines.
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