Arc

Christian Lemoine

La rue s'ébroue, la rue fulmine. Un agglomérat de brouillons. Mais qui est la rue ? Quelle est la hie furieuse à l'assaut des pavés mystificateurs, tapis en légions raidies sous le manteau non moins figé des asphaltes ? Qui est ce pilon forcené débusquant l'arbre rebelle ? Qui est la houe flagorneuse qui ensemence son sillon des fumeroles de la révolte ? D'un point ignoré de la place étendue sans repères, est montée la vague, est venu le courant insistant et malingre. Quelle source en confluence lui a marié son eau pour déborder le lit nuptial ? De toutes les berges mesquines murmurent les reproches rassasiés, des condamnations sans appel. Tandis que du cœur du flot éructent des orages. Les fureurs insoumises effraient les signalétiques urbaines, dessoudent les prisons racinaires, enflamment des étals de beuverie éventrés. Ne fallait-il pas que ces rogues piédestaux s'affaissassent sous les poussières des abusés ? Allons, ne vous offusquez pas des pillages ! Ne taxez pas ces saccages d'être irraisonnés. N'accusez pas les factieux de n'aspirer qu'au ravage. La rigueur des rues réclame ses offrandes. Des carcasses brûlées aux grilles fourvoyées des barricades, par les arcs de déroute s'engouffrent les hordes acharnées, les faucheurs de hiérarchies, les bucherons de la domination. Allons, ne niez pas que la destruction soit un réquisitoire politique ! Vous n'en nourririez que mieux son envergure. La rue fulmine, âpre à détrôner la superbe des possédants. Cependant que dans les nuées lacrymales l'ombre ramassée de la hyène attend l'heure de la curée.
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