Ascenseur

marivaudelle

Chaque fois qu'elle porte cette robe noire dos-nu, il décode immédiatement le message. Ce soir, tous deux sont invités à un repas ennuyeux, chacun a tenté de s'y soustraire, finalement il lui a dit qu'il irait, alors elle est venue.
Pendant que les autres invités pérorent, jacassent, font mine de s'indigner ou de s'ébahir, eux sont là, sans être tout a fait là.
A un moment donné, Stéphane émit une remarque sur le jeu peu convaincant d'une actrice, alors elle prononça cette phrase, anodine aux yeux de tous les autres, mais dont lui seul décryptait le sens. Stéphane sourit à peine, la regardant comme il le faisait toujours dans ces moments-là.
 
Déjà elle sait qu'il aura associé à cet instant de complicité, instant de suspension, une odeur bien précise et que sa prodigieuse mémoire olfactive saura la lui restituer dès qu'il évoquera ce souvenir.
 
Un jour, il n'y a pas si longtemps, il lui a expliqué comment fonctionne un parfumeur : il emprunte le chemin de la madeleine de Proust, mais exactement en sens inverse. Il a aussi ajouté que le parfum et le langage entretenaient des relations paradoxales. Quand elle lui demanda si, pour lui, les parfums étaient des personnages, il fut d'abord surpris de la question et répondit résolument : non !
 
La franchise de ses réparties amusait beaucoup la jeune femme.
 
Leur première rencontre, ce fut dans un ascenseur, si minuscule, si étroit, que tous deux se touchaient presque. Elle se souvient de leur fou-rire et que plus tard dans la soirée il lui dit :
-        votre parfum manque de caractère. Vous ne devez pas trop vous amuser avec !
 
Elle se souvient d'un autre ascenseur un autre soir qui les conduisait au 23ème étage. Un homme ivre est descendu au 18ème en leur lançant :
-        le 23 étage, plus près du ciel !
 
Ce soir-là, une seule étoile brillait dans le ciel pur : c'était Venus.
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