Assistant

Elle est dure et grande. C'est une (très) vieille amie. Elle n'a pas le souvenir d'avoir vécu sans moi. J'ai le souvenir d'avoir vécu sans elle. Il est vrai qu'à sa vue la première fois, j'ai eu un mouvement de recul... Sentiment d'amertume et de rage d'avoir besoin de sa présence... Fierté aussi, sans doute... Je ne sais plus quand exactement je l'ai acceptée... Elle n'a jamais rien fait pour être haïe... Mais je ne pouvais l'accepter si facilement dans ma vie. J'ai tout fait pour m'en passer, vraiment, tout. Mais plus qu'un soutien, elle est une nécessité certains jours.

J'ai parfois la joie de m'en passer plusieurs semaines... Mais chaque fois les retouvailles sont plus amères. Ce n'est pas que je la déteste, mais je préfère m'en passer, je fais d'ailleurs tout pour ce faire, tout pour avancer. Ce membre différent, cet ajout, ce paradoxe... Parfois nécessaire, elle ne faillit jamais à son devoir. Je ne la remercie jamais assez, car je rêve de ne plus la revoir.  Soyons honnêtes quelques minutes, quelques instants... Cette canne de marche reste quand même importante, elle est ma jambe qui ne veut plus fonctionner, elle est ce membre imbrisable dont je rêverai. Je l'admire juste autant que je la déteste, car sans ma canne je ramperai ou ne ferai plus de gestes... 

Malgré tout cela je la remercie, puisque malgré toute ma rancoeur elle ne se défilera jamais... Ah me petite canne, j'suis quand même bien content parfois, de te retrouver dans le fond de ce placard froid... Car même si cela signifie que j'aurai du mal à me mouvoir, j'aurai au moins cette chance, c'est d'avoir cet accessoire. Je la cache aux autres, car nul ne sait vraiment, il est des choses qu'on ne peut pas dire décemment. Il est des choses qu'on préfère taire car elles pourraient nous nuire, ou altérer notre image, attirer les moqueries...