Assommé

Christian Lemoine

Faut-il dans ces vapeurs éthyliques avoir abandonné sa raison et sa vue ! Faut-il ? pour voir les trottoirs veules se gondoler, se soulever sous les épaules harassées de racines soudain sans retenue, jetées en pleine lumière au milieu des rues banlieusardes. Rêve enivré d'une fête des arbres, rêve sourd irradiant sous l'oreiller, de flaques végétales dispersées en rhizome, jusqu'à l'éclatement joyeux d'une fanfare de hautbois, quand la touffeur des cors ruisselants d'aise eut hélé dans sa brillance la stridence des flûtes et la chair langoureuse des cordes mariées en effondrement de grappes agrippées à chaque branche. Faut-il se résigner à l'ivresse abrutie ? et jamais la soif étanchée de la justice des mousses et des lichens, leur humilité ravalée comme quelque acidité d'une culpabilité indigeste. N'y a-t-il de choix qu'entre la mélancolie lucide et l'extase narcotique.

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