Au Gulliver Pizza

aile68

Au Gulliver Pizza on y vient entre amis le dimanche après la messe. On y commande de la gaieté et du bonheur qu'on arrose abondamment de vins précieux, d'un rouge grenat à l'aspect velouté. On est tout de suite à l'aise, on est heureux et ça se voit. On y sert des pizzas que le pizzaïolo fait tourner et virevolter allègrement au bout de ses doigts agiles derrière son comptoir en briques dorées. La chaleur qui règne au Gulliver Pizza ressemble aux baisers et accolades maternels le matin avant  l'école. ça  me rappelle le chaud parfum réconfortant de Maman qui me donnait envie de pleurer au moment de la séparation. 

Au Gulliver Pizza les mauvais élèves sèchent les cours et refont le monde devant des sodas pétillants comme la prunelle de leurs yeux quand ils parlent de leur copine. Quand ils se retrouvent au lycée c'est comme s'ils buvaient la tasse, ils se débattent et s'agitent tout en refusant la perche qu'on leur tend. Les caïds s'en sortent seuls mais ce ne sont que des gamins dans leur tête. C'est leur vie, leur challenge. La serveuse du Gulliver Pizza les connaît bien. Sa voix chaleureuse est une invitation cordiale à la convivialité, ce dont les jeunes ont besoin derrière leur gueule de loup affamé.

Au Gulliver Pizza j'ai sympathisé avec la serveuse. Elle lit mes poèmes pendant ses pauses et moi je me fais les ongles d'un air résolument désinvolte. Le monde est fou, les gens malades, que demande le peuple? De la joie et des pizzas. A treize ans on croit que la liberté se gagne à coups de baby-foot et de strikes.  L'argent de poche des parents flambe dans les mains moites des jeunes ados ivres d'illusions et d'insouciance. Ils sont bien en groupe, les copains c'est sacré et moi j'aime cette jeunesse qui récite ses leçons en faisant du charme à la première de la classe.  

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