Aux confins de nos espérances (1/3)

leo

Note de l’auteur : Lucienne, Niels et Léo, se joignent à moi et dédient cet extrait à la maison des bois, à ce moment de partage des plus précieux. Olaf me prie d’adresser ses cordiales salutations à Samba :) Dire à Jack, qui m’a faussé une nouvelle fois compagnie, que je compte sur lui pour ne pas se faire remarquer, il en va de ma crédibilité…Très bonne lecture !

 

                                                          ………………………

 

Le petit déjeuner est servi. Nul ne se sent capable de couper la parole au silence, palabre des regards, qui voguent au large du cap de nos désespérances. Des regards de confitures, de miel, de douceur matinale. Lucienne et Niels se dévorent le fond de la rétine. La filiation n’est qu’histoire de cœur. Un moineau frappe au carreau de son bec déterminé. « Agent zélé des communications au rapport ! » m’exclamais-je, pour signaler sa présence. Il  semble nous télégraphier, l’imminence du rendez-vous que nous avions pris avec dame nature. Niels en approchant de la fenêtre, confirme ainsi que le message est bien passé. Le passereau s’envole vers de nouvelles missions. Nous nous préparons hâtivement, la journée est ensoleillée, et la ballade ne saurait attendre plus longtemps. Nous empruntons la route qui mène au haras. La vie se cabre majestueuse, fière et libre de n’appartenir à personne. Une cavalière au loin, survole la sciure intrépide du manège. Encore ailleurs, une jument et son poulain. A nos pieds, nos ombres blotties, affectueuses…

 Nous foulons de nouveau la route, prenons la tangente d’une vive émotion, qui pourrait bien nous happer à tout jamais, si nous n’y prenions pas gare. Nous coupons à travers bois. Du hors piste pour mieux semer le temps de ces instants privilégiés. Nous abordons un pré, aux meules de foin me rappelant la Toscane. Nous nous y engageons, prêtons serment de nos meilleures intentions. Niels se fige. Captation du son ensorcelant.

-         t’entends ce bruit papa ?

-         Ce sont des grillons Niels, ils se frottent les ailes pour obtenir ce bruit !

-         Pourquoi on ne les voit pas ?

-         Ils sont enfouis sous terre mon garçon, dans leur galerie qu’ils ont creusés pour se mettre à l’abri, me vient en aide Lucienne.

Niels se fait songeur, il s’en remet à son chien pour imager nos propos. Son azur regard sonde le quadrupède, heureux de  confier à son jeune maître, l’interprétation qu’il se fait de nos explications : Olaf se met à se rouler par terre en grognant de satisfaction. Niels sans crier gare, se jette à plat ventre sur l’herbe et se met à rire de plus en plus fort.

-         Ils sont pleins ! Et même que je suis sûr qu’ils peuvent me chatouiller comme ils font à Olaf !

La simple évocation de cette idée farfelue adjointe à la mise en situation, libère son rire cristallin. Nous assistons amusés à  la nouvelle théorie du chaos selon Niels : Un battement d’ailes de grillons provoque un tremblement de rire de l’enfance. De ce séisme qui  fait se mettre en contact les plaques tectoniques intérieures. La dérive des sentiments en ordre de marche : chacun se déplace, imperceptiblement, jusqu’à ce qu’il soit paisible dans l’immensité de notre cœur. Un sentiment semblable à un continent, se peuplant  d’images aussi belles, que celle à laquelle nous assistons les larmes aux yeux.  Nous imaginons les ailes de cet ange frotter de concert avec les grillons. Un magnifique chant d’espoir pour nos âmes en reconstruction. Lucienne, intrépide, me demande de bien vouloir l’aider à s’allonger sur l’herbe à son tour. Je m’exécute dépité, d’imaginer si vieille dame, batifoler avec le plancher des vaches.

-         Mes vieux os doivent en profiter également ! clame-t-elle de bonne foi, comme pour ligoter toute remarque désobligeante, qui pourrait sournoisement survenir.

 L’imaginaire et le rire ont cette faculté de se transmettre d’humain à humain, de cœur à cœur, pour peu que l’âme s’y laisse pénétrer. Voici donc, une nouvelle fois, que ces guerriers d’allégresse, prennent d’assaut ma citadelle ronchonne. Je chois à mon tour, rendant mes armes égoïstes, et me mêle aux archers qui décochent en grand nombre les flèches du bonheur. L’instant précieux se rompt à la voix de Niels, qui s’exclame ébahi :

-         Regardez, il y a un ours !

Nos regards avec Lucienne, se tournent inquiets vers Niels. Profusion de rire doit inévitablement mener à de quelconques hallucinations.

-         Mais si, regardez, là ! Le nuage, il a une forme d’ours !

S’ensuit alors une fouille appliquée des cieux, à la recherche de nouveaux personnages qui pourraient tenir compagnie à l’ursidé bougon. Je finis par dégoter avec grand mal, une boîte aux lettres, pour que l’ours puisse recevoir notre épistolaire imagination. Lucienne elle, affirme avoir déniché Catherine Deneuve. Je scrute en vain le ciel : sûrement a-t-elle pris un coup de vieux qui la rend méconnaissable.  Niels fait une moue qui en dit long sur sa déception. Et d’ajouter cinglant :

-         Je ne sais pas qui c’est cette Catherine la neuve, mais ce n’est pas drôle d’être un ours avec vous…

Nous réprimons un nouveau rire, afin de ne pas vexer bien davantage notre poète en herbe. « C’est par là-bas qu’est l’étang dont je vous ai parlé ! », dis-je alors pour évaporer la soupe à la grimace, qui mijotais à feu doux dans la caboche de Niels. La perspective d’un nouveau lieu  propice à l’imaginaire, lui tend un sourire revanchard. Nous avions avec Lucienne, une très belle occasion à venir de nous rattraper de notre piètre performance. C’est avec entrain, que nous reprenons le chemin qui arpente nos rêves éveillés…

A SUIVRE…

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