Avale

prejudice

Nous sommes envahis de pensées et d'informations. Le sexe est omniprésent dans nos vies. "Avale" énonce des idées et des ressentis, il fait le constat cru et lucide de générations parfois perdues.

Lui tout ce qu'il voulait c'était ouvrir des cuisses et faire ces va et vient, par habitude. Elle, s'enfiler des bites, un peu, de temps en temps, souvent, régulièrement, elle ne se rappelait plus. Séduire l'âme pour accéder au corps parce que c'est ce qu'il faut faire. Les seins en plastiques qu'il matait chaque soir en se l'imaginant le lui avaient appris, c'est ce qu'il faut faire. Tenter de bander pour ce qu'il croyait vérité et s'entraînant rageusement jusqu'à ce que ? Je n'avais jamais compris que ces regards étaient dépourvus de gentillesse, cette gentillesse naïve qu'ils percevaient sans doute en moi. L'appât du gain, l'envie de posséder. Probablement que, lui, imaginait faire des choses dont il ignore la spontanéité aujourd'hui. Pas sûr que ça soit la possibilité de parcourir un corps avec sa langue qu'il eut excité. Quand bien même, admirer le postérieur de ces dames à longueur de journées... Pour lui-même ou pour ceux qui le regardent faire, un sourire malsain aux lèvres ?

Grande, jolie, fine, petite, potelée, maquillée, décoiffée : tout y passa. Athlète, longiligne, carré, barbu, mal baisé : elle prit. Il veut mieux choisir que d'être choisi pas vrai ? Il fallait avoir une sexualité active par convention. Ce qui était important pour les autres devint important pour nous.

A quoi cela ressemble une chatte ? On est devenu obsédé par la question de l'orgasme. Tout devait être jouissance puisque dans la bouche des autres cela l'était. Il fallut donc s'adapter. S'adapter est devenu par ailleurs au cours du temps source d'ennui. Et si nous ne savions pas aimer ? Se chercher sans savoir chercher et surtout n'avoir aucune idée de ce qu'on va trouver. Aimer est alors une honte profonde. Si profonde qu'on a appris à feindre l'amour. Quoi de mieux qu'être caser pour pouvoir agir en toute sécurité ? Bander pour les mêmes filles que son pote, se sentir irrésistible lorsque l'autre nous observe et ne penser qu'à posséder autrui. Posséder pour moins d'une nuit, rien qu'une fois.

Se faire entraîner par les autres pour les autres et certainement pas pour soi. On se moque de nos abstinents de 20, 30, 40 ou 50 ans. La société constitue une police du sexe et elle s'étend à la majorité d'entre nous. Le sexe est une motivation, un intérêt, un objectif même. Le sexe doit être une blague. Cela doit être une anecdote. Le sexe nous fait rire. Mais comment en rire lorsque l'on souffre des dictats d'une société qui cherche à viser la jeunesse directement ? Pouvons-nous avoir des publicités non sexualisées ?

La virginité, cette affaire de garçons et de filles cherchant à se rassurer ne doit-elle pas nous faire nous interroger ? Veut-on réellement savoir si l'autre est vierge de toutes relations ? Pourquoi ? Chacun est censé avoir son histoire. Nous devons sortir de cet état de voyeurisme qui nous pousse à regarder chez l'autre, nous comparer à l'autre et sans doute lui faire sentir, malgré nous ou en le voulant, que ses actes ne sont pas normaux. Une normalité s'instaure autour du sexe dans nos lycées et cela devient le principal sujet de conversation. On instaure un jugement permanent. Depuis quand la jupe, les bas, la chemise entrouverte sont des appels au sexe ? On se qualifie entre nous de chaudasse, bonnasse, salope, gigolo, pute… Qui doit-on respecter ? Et quand allons-nous nous respecter nous-mêmes ?

Accepter des faits parce que la majorité l'accepte ne les rends pas plus tolérables. Le sexe nous permet de parler de tout le monde à n'importe qui. Cela permet surtout de parler de tout sauf de soi. Il s'agit de remplir beaucoup d'espaces vides avec des termes « cool » qui supposent une expérience, qui suppose une maturité, qui suppose un esprit tranquille. C'est la recherche absolue de cet esprit tranquille qui nous rend différents. Fumer du shit, sortir en boite : un spectacle s'orchestre et nous nous faisons acteurs de cette mascarade. Sommes-nous redevables à qui que ce soit ?

On rejette ceux qui ne sont pas drôles. La dictature du rire se met en place dans les rangs les plus jeunes. Mais être drôle finalement qu'est-ce que c'est ? On ne se tolère plus, on ne s'accepte plus. On rend l'autre incapable de s'accepter et quand bien même il y parviendrait, nos magazines et nos émissions télé le feront douter.

Hier soir encore tu répétais.

« Tu l'a mets à terre, devant toi, à genoux. Tes mains s'affolent et englobent son visage mais tes yeux, eux, lui font savoir ce que tu attends. Elle n'a d'ailleurs pas à réfléchir. Elle t'empoigne d'abord un peu fort. Vous n'êtes pas habitués l'un à l'autre. Ses lèvres t'excitent et tu te sens raidir. Pourquoi ne pas enfoncer ton sexe dans sa bouche? Elle t'accueille après tout, va-y et prend du plaisir. Sois un homme et régale la, consommez, consommez comme vous tous savez si bien le faire. Tu te sens déverser en elle et tu penses « Avale ». Tu te répands, tu te traînes. Et tu penses « Avale ! Ne me recrache pas ! Avale la substance, avale Tout. » C'est toi qui donne en un sens et elle doit avaler ta merde. Du sperme tâche ta chemise blanche. Tu penseras à la jeter. Tu en achèteras une autre, identique. En somme tu les remplaceras toutes deux dès demain. Ces deux pauvres choses dont tu t'es servi brièvement.

Tu te retires pour revenir. Un doigt puis deux. Tes petits va et vient lui plaisent et tu sens qu'elle mouille pour toi. Tu connais cette sensation. Tu ne t'attardes pas sur son plaisir à elle. Tu sens que va l'explorer, ce soir ce fut facile. Tu t'agrippes à elle et marque sa peau. Tu rentres. Tu guides. Sa poitrine est lourde, imposante, tu es intimidé. Cette femme ne te paraît pas belle mais la force qu'elle dégage te plait. Et que dis-tu quand elle se met à gémir sous le poids de ton corps ? Elle mordille ton oreille et bouge ses hanches en espérant t'arracher un soupir. Tu t'enfonces plus en elle encore, jusqu'à qu'un cri s'échappe de sa bouche que tu t'empresses d'aller rejoindre. Ton sexe y était enfoncé quelques minutes auparavant. Change de position, dis quelques mots crus, ça la fera se tordre de plaisir. Elle s'assoit sur toi, cambre son dos que tu te mets à parcourir nerveusement. L'instinct de survie prend le dessus, tu reprends le dessus encore une fois. C'est ta survie à Toi.

Tu lui empoigne les fesses pour ne pas perdre prise, la dernière fois c'était plus facile. Tu penseras à mieux choisir la fille dès demain, en même temps que la chemise. Ses longs cheveux te gênent dans tes mouvements, d'un geste tu les enlève. Tu te sens comme pressé. Tu ne cherches pas de contact visuel. Que cherchais-tu ce soir-là ? »

Orgasmique.

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