Avion vole ?

Hervé Lénervé

Un long courrier pour le Costa-Rica qui n’arrivera pas, ni à l’heure, ni à pas d’heure.

-         Bonjour, cette place est-elle libre, je peux m'asseoir à côté de vous ?

-         Faites donc, mais pas de mon côté hublot, j'y suis déjà.

-         Ah, ça fait du bien de se poser ! A ce propos a-t-on décollé ?

-         Non ! On attend encore le commandant de bord, il est en retard.

-         Pas du tout ! Je suis pile à l'heure o'clock. Je me présente, je suis votre commandant Ernesto Delzorro Masquès Quecé pour vous servir entre autres.

-         Enchanté. Je me disais bien aussi que ce n'était pas une casquette de garde-champêtre. Mais vous n'avez pas de place réservée dans le cockpit ?

-         Vous croyez ?

-         Demandez à l'hôtesse, elle le sait… peut-être ?

-         Bonne idée. Mademoiselle, s'il vous plait !

-         Oui, commandant ?

-         J'étais en train de discuter avec monsieur mon voisin et il me disait qu'il serait possible que ma place soit plutôt dans le cockpit.

-         Tout à fait, en effet, commandant ! Vous verrez, il y a deux fauteuils disposés devant la baie vitrée, prenez celui qui n'est pas occupé par le co-pilote.

-         Cool ! il y a un co-pilote.

-         Toujours commandant.

-         Oui ! Je me demandais à mon dernier vol, s'il ne me manquait pas un truc, aussi.

-         Oui, certains ont utilisé leur droit de retrait.

-          Ok, donc je vais y aller. Vous pouvez m'indiquer, mademoiselle, si le cockpit est en queue ou en tête de train ?

-         C'est simple, vous ne pouvez pas vous tromper, vous prenez à droite, tout droit, le couloir entre les sièges et vous allez tomber dessus.

-         A droite, vous me dites, mais à droite pour vous ou pour moi qui vous fait face ?

-         Par-là, commandant.

-         Voilà, très bien, là, je vois toute l'efficacité des professionnels de l'armée civile de l'air. Je vous félicite jeune et jolie demoiselle ! A plus tard, peut-être sur un autre vol. Dieu seul le sait. Souhaitez-moi, bonne chance, belle et affriolante jeune fille.

-         Merde, commandant !  

Le commandant se dirige vers le cockpit. Le passager, légèrement inquiet et complètement blême, interroge l'hôtesse.

-         C'est lui qui va réellement nous piloter ?

-         Il en est capable, vous savez !

-         Ouf !

-         Non ! Je veux dire qu'il est capable d'oser. Il l'a déjà fait.

-         Non !

-         Si ! Mais rassurez-vous, il n'a jamais réussi à faire décoller un seul appareil. Toujours crasher avant le décollage. On l'appelle le crasher précoce.

-         Grave ?

-         Non, que des blessés mortellement. Excepté notre commandant, indemne. Il est très fort, notre pilote terre-terre, pas une seule égratignure sur quarante labourages de bout de piste. Un champion ! Un As !

-         Mais comment se fait-il qu'on le laisse encore voler au sol ?

-         C'est l'actionnaire majoritaire de la Compagnie.

-         Ah, je comprends c'est piston et compagnie, alors !

-         Non lui, c'est plutôt, piste out et charpie.

Signaler ce texte