Bataille déloyale.

Isabelle Falque

Le jour se lève sur un matin d'hiver, froid et brumeux.

Toute la nuit, j'ai parcouru la forêt pour dénicher ma pitance, je suis repu mais fatigué. Je cherche un discret fourré où me reposer.

Je m'allonge et bercé par le chant paisible des oiseaux qui s'éveillent, je m'endors dans un souffle chaud, le boutoir niché dans ma crinière de soies.

Soudain, un bruit tonitruant déchire l'aurore, la corne résonne, des centaines d'yeux s'ouvrent net, les oiseaux se taisent et je suis glacé par ce bruit étranger.

Mes oreilles se dressent au son des cris des chiens que l'on sent avides d'en découdre, élevés pour tuer. J'entends les exhortations enjouées des hommes qui partagent un breuvage couleur sang, en se frottant les mains d'un plaisir morbide.

Je suis en danger. Je dois fuir, fuir pour ne pas mourir.

Mes pas sont lourds et s'enfoncent dans la terre, laissant derrière moi l'évidente trace de ma présence tant recherchée par les hommes et leurs chiens excités.

Je cours, je cours sans me retourner, mais je sens qu'ils se rapprochent, le son de la corne sonne, j'ai peur.

Je vois un massif dense et épineux, je décide de m'y réfugier pour observer l'ennemi qui me poursuit.

Mais la horde animale s'approche et me débusque, les chiens grognent et aboient pour prévenir les hommes. Je sors, je pointe mes défenses acérées en avant, prêtes au combat. Je fonce sur la horde de chiens qui aboient encore plus fort et montrent les dents, ils sont une dizaine, certains essaient de me mordre les cuisses et de m'attraper la queue. Ils m'encerclent et aboient toujours plus fort.

Je dois fuir, fuir pour ne pas mourir.

Je cours au son de la corne qui ne cesse de siffler et me transperce. Je suis essoufflé, fatigué et j'ai peur.

La forêt s'éclaircit, je prends la direction du champ qui m'avait livré l'été dernier, un beau maïs doré. La corne retentit de plus en plus fort, les hommes crient aussi : « Il est là, devant ! ».

Puis un bruit fracassant part des cabanes hautes sur lesquelles sont installés les lâches chasseurs.

PAN ! PAN !

La balle me transperce la peau, tout près du cœur, j'ai mal et je m'écroule. Je respire une dernière fois l'odeur de cette terre que j'ai tant aimée, je la quitte maintenant pour toujours.

Mon sang écarlate se repend et teinte les pierres calcaires immaculées qui jonchent le chemin des hommes, ces bourreaux.

Adieu !

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