Boule de chocolat

aile68

Moi et ma voix de casserole j'aime chanter le matin quand le jour se lève. J'aime la douceur ambiante qui épouse l'harmonie d'une chanson de Cabrel, même s'il parle d'amours brisées. Je suis contente de savoir qu'"amour" est féminin au pluriel, connaître l'orthographe française est une source de réjouissance pour moi, mais les règles que j'ai apprises à l'école primaire deviennent de plus en plus floues et lointaines, j'écris avec l'instinct d'un écrivant pétri de mots et de grammaire française, enrobé de la langue italienne et recouvert d'un filet d'anglais comme un filet de chocolat sur un bonbon de la même matière. Au milieu de cette boule de chocolat, comme le noyau d'une cerise, ou le noyau interne de la Terre, réside bien au chaud ma langue maternelle, la langue de mes parents, un dialecte d'une île du Sud italien, celui qui le premier a façonné mon cerveau, mes fonctions cognitives qui tournait autour d'un univers domestique et familial. Ma boule de chocolat et moi, j'aurais voulu rouler ma bosse un peu partout, envie de sympathiser avec des personnes qui n'avaient d'étranger que leur nationalité (ça m'est arrivé, quelle belle expérience ce fut!), dans une auberge de jeunesse, parler à bâtons rompus en anglais. La fin du film "L'auberge espagnole" résonne en moi comme un écho quand l'étudiant Xavier est de retour à Paris on ressent si bien son désarroi et sa peine, les larmes qu'il a pleuré, je les connais aussi... J'ai eu ma période européenne... Non ce n'était pas Erasmus aurais-je dire à Xavier à la fin du film, mais c'est du pareil au même car il y a eu un retour au pays natal. J'ai l'image d'un ballon qui rebondit plusieurs fois dans une cour d'école déserte, soigner le peu de relations que j'ai par amitié. On a tous une boule de chocolat en soi, veiller sur elle afin qu'elle ne fonde pas, à moins qu'elle se dilue en nous et dans nos veines, et nous fasse nous mouvoir avec réjouissance, comme "amours", "délices" est féminin au pluriel...

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