BROUILLARD ET MOI

Un matin, soleil levant, le lac s'offrit à moi. J'attrapai une roche plate et, la lançant, elle rebondit sur l'eau, disparaissant dans ce brouillard moelleux. Le brouillard des lève-tôt. Nous devenions amis et je le lui ai dit. Je regardais ces petits sillons se transformer en tendres sourires. Je lançais autant de pierres que j'aimais de gens. Des pluies de bonheurs m'inondaient. J'arrachais la roche à la terre. Ce simple geste m'enivrait d'un si grand partage. La terre et moi, complices... c'était l'osmose que nous partageait un soleil brûlant; le frisson du feu nouveau.

Fleurs de rosée froissées, petites cerisettes s'étincelant aux premières lueurs. Le chant d'un rossignol heureux. La beauté d'un lac ami. Le grand smog d'une minuscule larme.

Oui, mes mains glaiseuses s'encensaient de sagesse, d'un accomplissement, d'une toute petite offrande, d'un moment exaltant, du silence de ce moment. Le brouillard se retirait et je lui faisais de fugaces adieux. Main sans la main, nous foncions au midi. Amour de brouillard, comment ne pas t'adopter.

Depuis ce jour, je caresse l'eau. De petites nuées me chatouillent. Il s'ensuit une insaisissable sensation, une grande exaltation. Brouillard et moi mutons au-delà des mots. Il s'infiltre tout doucement dans mes veines et mon sang se gorge de sa tendresse. Sous la voûte de la dernière étoile, Brouillard et moi partageons avec tous : l'or de la terre, l'encens de la pierre, la myrrhe de la lumière.

Brouillard, tu es Brouillard et tu resteras Brouillard.
Brouillard aimant...
Brouillard de chaque jour...
Brouillard brillant pour toujours...