Bulletin de santé
Jean Claude Blanc
Bulletin de santé
Pour moi plus qu'urgent, redécouvrir mon corps
Pour le reconquérir, je dois faire des efforts
Ne plus me lamenter sur mon putain de sort
Ma muse me l'a dit, plus encaisser les torts
Foncer éperdument sans avoir de remords
A plus de 64 ans, bouillonne d'énergie
Acharné, le réfrène, mon tyrannique esprit
M'escrime à le dompter, afin que je m'en libère
Courant sur les montagnes, pour me passer les nerfs
Tombé en désuétude depuis ma séparation
15 années de perdues, hélas sans rémission
Emboiter la routine, mauvais pour la santé
Pourtant encore d'attaque, à peine retraité
Pour fuir mes emmerdes, trouvé un pis-aller
Bourré de cachetons, mon ciboulot en ruine
Tout près de me jeter, asile d'aliénés
Enfin sorti de l'ornière, conjure la déprime
Quelle veine pour ma pomme, malabar de naissance
Même capable sur l'heure, faire donner ma puissance
Pourquoi pas l'éprouver, ma robuste résistance
Sachant que mes congénères, me l'envient cette chance
Remonte pas à pas de mon obscur néant
M'en demandez pas trop, encore convalescent
Me trotte dans la tête, l'idée d'en remettre une couche
De combativité, face au destin farouche
Mon palpitant réglé comme une précise horloge
Qu'a tendance à faiblir, lorsque parfois je broge
M'oblige à me faire violence, contre mes sottes humeurs
Pour ça dors que d'un œil, m'éveillant en sueur
Ne touche plus à l'alcool qui m'a rendu cinglé
M'en porte pas plus mal, frugal mon diner
Ainsi riche de mes gènes, sans faire le moindre excès
Parait, fais pas mon âge, selon mes amitiés
Plupart féminines, fières de m'encenser…
Un dynamisme féroce, s'empare de mes membres
Toujours prompt à bondir, assoiffé d'entreprendre
Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il gèle, rien ne peut m'arrêter
Sachant que j'ai la peau dure, tellement l'ai éprouvée
Consulté des toubibs, diseurs de bonne aventure
Inutiles conseils, n'en paye que la facture
Etant prévenu d'avance, tourmenté de nature
Me raccroche seulement à ce que je ressens réellement
Pour aller de l'avant, sans faire de sentiment
Ne devrais pas m'en plaindre, le Bon Dieu m'a béni
Car je ne suis atteint d'aucune maladie
Marner toute la journée, pas franchement une épreuve
Crèverai plus tard possible, pas de bol pour ma veuve
Fanfaronne ce soir, cependant exténué
Quelques heures d'apaisement, ma carcasse restaurée
Ainsi tirant au clair mes cabochardes pensées
M'invente un théorème, pour plus jamais rêver
Demain est incertain, pourquoi l'anticiper
Satisfait, suffisant, ego démesuré
Ne me fie qu'à ma chienne, fidèle à mes pieds
Alors les infos, l'urgence, les dangers
Les passe par-dessus bord, diable de société…
Retour à mon état de péquenot tatoué
Montre ma musculature, là-haut dans les forêts
Abatteur de sapins, j'en remets sur la cognée
Même le dos en compote, impossible m'arrêter
Tableau d'un phénomène, assidu et têtu
Car il n'est pas question, qu'il reste planté là
A poireauté que le crabe, le dévore tout cru
Bonhomme dur à cuire, de la race auvergnat
Moi-même de son pays, ne m'y mesure pas
Alors modestement, vous conte mes secrets
Savoureux de jeunesse, reviennent me visiter
Ancien chasseur alpin, les crêtes, ça me connait
Pourquoi pas enfourcher, mon vétuste VTT
Remisé au grenier, qui demande qu'à pédaler
Me gagne cette envie d'encore en jouir
Un supplice qu'on s'impose, procurant du plaisir
Les sportifs fanatiques, vous le diront sans rire
Qu'un jour sans entrainement, on risque de défaillir
Par manque d'exercice, mes mollets sont rouillés
Si je veux aller pister, me dois faire attention
Pas avaler d'un coup des kilomètres de sentiers
Hélas obstiné, j'en perds la raison
Ravi et bienheureux, enfin refaire surface
Espérant que cette fois, ce sera pour toujours
Alors vaillamment, j'enfile mes godasses
Pour mes sommets d'ivresse, caresser les contours
Depuis ma tendre enfance, pacte d'alliance d'amour
Pourquoi suis-je tout en joie, au seuil de l'été ?
A cause du soleil qui me tape sur le crâne ?
Je n'en sais fichtre rien, qu'importe, ça de gagné
Alors sans hésiter, j'envoie péter mon âme
Mon corps quant à lui, aux ordres de mes instincts
Par bonheur en ces temps, me casse pas les reins
En témoignent mes chevilles, qui gonflent à l'unisson
Médecin malgré moi, imparable conclusion
Ma méthode pour revivre, pas besoin d'être savant
Ardemment ressaisir le coriace mors aux dents
Plus jamais de mouron, je vous en fais serment
Retenez la leçon pour chasser vos tourments
On devrait quelques fois, avoir cette audace
Montrer sans hésiter, son bulletin de santé
Mais notre intimité, même si ça la fâche
La dévoiler sans cesse, quitte à la déplorer
En guise de thermomètre, me sers du temps qu'il fait
S'il baisse de quelques degrés, c'est signe que ça va se gâter
En guise de baromètre, observe l'atmosphère
Si les nuages s'amassent, sombre mon caractère
Cette science, je la tiens de nos illustres ancêtres
Qui par tempérament en étaient passé maitre
Période révolue, chochottes nos marmots
Faut une pharmacie, pour leur moindre bobo
Par contre de nouveaux maux, harcèle l'humanité
Le stress au boulot, (bien faire et vite fait)
Gangrène le cerveau, à le faire éclater
Reproches contre soi-même, difficile s'en délier
Identique remède pour pas se suicider
Se mettre en retrait, pépère, laisser pisser
En son for intérieur, juger que c'est pas si grave
Pour plus talentueux, céder le manche aux braves
Le corps et l'esprit toujours de connivence
Si l'un manque à l'appel, c'est tout l'ensemble qui flanche
Prenons bien soin des deux, sinon point de salue
Rubrique faits divers, un type s'est pendu
Comme de bien entendu, déprimé inconnu
Voilà pourquoi maintenant, chouchoute ma personne
N'attendant rien des autres, qui ne pensent qu'à leur pomme
Logique, inévitable, solitude à la mode
Avec des sous en plus, ce serait plus commode
La vie n'a pas de prix, mais chérot l'épisode JC Blanc juillet 2017 (nos amis les Hommes)
Superbe ! Quel texte tonique, énergique et qui nous permet de vous comprendre!
· Il y a presque 7 ans ·Aurore Rodi (Ancienne Alice Gauguin)