Cabanes

Christian Lemoine

Presque une forêt de contrebande, d'humbles noisetiers, de taillis sans fierté, de bosquets chétifs. Même pas une forêt ; quelques plants de guingois montant à la va-comme-je-te-pousse entre des pâtures boueuses cachées au fond d'un vallon où des roseaux suspicieux montent la garde ; une butte survélevée entre des prés en pente, et là, des arbres modestes, loin de la suffisance de chênes et des hêtres altiers, de maigres troncs dont l'ombre ne cherche pas à se mesurer à la nuit.

Ou bien, entre des barres de béton alignant les cases d'un mot-croisé sans définition, fenêtres sans solution, sudokus ajoutant sans raison vie sur vie sans conjuguer la cohérence des formules, quelque part sur un jeu d'horizon enfermé dans la tyrannie des verticales, au milieu du quadrillage pudique des jardins.

Ou bien, dans des interstices malingres de végétation hirsute et bigarrée, là où viennent ruminer des mécaniques graisseuses, ces lourds esclaves des hommes cupides, qui broient, écrasent, qui vénèrent un roi clinquant tout en offensant l'existence des batraciens et des archiptères.

En ces contrepoints des structures émollientes où les colères s'épuisent contre la rudesse froide des matériaux anonymes, on voit parfois un cube mal ficelé, un ersatz d'habitation, où bouillonne dans le refus tous les effluves des jeunesses rétives.

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