Car Jacking

leo

TOURNER A GAUCHE !

L’habitacle confiné ne laisse pas s’échapper les cris de ma fureur. Il est tard et ma nuit explose au grand jour de notre couple. Je l’ai vue se pâmer devant mon directeur. Ne pas repousser ses mains qui se sont posées un instant sur sa taille.

AU PROCHAIN CARREFOUR TOURNER A DROITE !


Ses putains de mains avarices, rongées par le profit. Des mains pleines de doigts suffisants. De ceux qui claquent pour appuyer sa diatribe en réunions. Cette phalange majeure, inquisitrice, prête à se plantée dans le flanc de l’incompétent de la semaine. Ces doigts salivés pour rameuter ses chiens retardataires à la grande messe du tout puissant actionnaire. Cet homme est mon dégout incarné. Sa jeunesse aux crocs de loups, une morsure faîte à ma fidèle expérience.

A 50 METRE TOURNER A DROITE !


Non content de sa suprématie que lui confère son poste, il s’est permis de les poser sur ma tendre naïve.  Et elle, de rire aux éclats de verres, écorchant mon amour propre. D’accepter qu’il lui remplisse sa coupe de champagne. La mienne s’est éventée de toutes mes saveurs amoureuses. Mes bulles se sont figées puis ont dévalées mon gosier, pour dénouer mon nœud possessif.

AU PROCHAIN CARREFOUR TOURNER A GAUCHE !


Les verres se sont succédés. Saloperie de vase communicant. Plus il l’abreuvait, plus je me noyais de chagrin. Le débit des mots semblaient, eux aussi, puit sans fond. Captivée, enjouée, misérable traitresse pactisant avec les généraux ennemis. Me laissant désarmé sur le champ de bataille bruineux, de mes larmes contenues.

A 50 METRE TOURNER A DROITE !


Mes globes oculaires se sont baignés de piranhas compatissants. Grignotant les images qui me parvenaient pour en amoindrir la portée destructrice. Mes yeux ravagés sondent à cet instant précis son regard, en quête de réponse. Elle sourit, satisfaite de ma jalousie. Ses yeux de biches …

PUTAIN LE FEU ROUGE !


Je pile. De tout mon poids. Notre voiture s’immobilise. Le temps d’un souffle, court,  et l’on me saisit par le colbac. On m’extrait du véhicule avec force et détermination. Tout va trop vite pour que je comprenne ce qui est en train de m’arriver. Mon âme suinte la peur, subit le précipité d’une action vive et radicale. Sans retour. J’ai entendu crier ma femme avant, pendant, maintenant ? Tout est brouillé. Les battements de mon cœurs devraient fustiger mes tempes mais rien ne me parviens. Que le trouble d’un état inconnu auparavant. Cette ordure doit bien mesurer dans les deux mètres, mes pieds ne touchent plus le sol. Il relâche sa poigne en me projetant plus haut encore.

Tout cesse, plénitude du vide. Je constate abasourdi les dégâts. Ma voiture fumante encastrée dans un autre véhicule, anéanti. Je flotte, décharné. Le bras inerte de ma femme, ensanglantée. Les débris. Je viens de me dérober ma femme, ma voiture, ma vie…

J’assiste jusqu’au petit matin aux ballets incessants des kidnappeurs de mort : policiers, pompiers, personnels de la voirie. Tout disparait. C’est effarant de voir tout ce petit monde, démonter la scène de mon dernier acte stupide avec autant d’efficacité. Le jour s’est levé, aucun passant ne semble savoir le drame qui s’est joué quelques heures auparavant. Un reflet attire mon attention. A la façon d’une pie voleuse, je me précipite à tire d’âme. Un des rétroviseurs a atterri par la violence du choc sur le bas côté. Je scrute la beauté des cieux qui m’attendent. Même ma mort  se trouve désormais derrière moi.

C’est trop con ! La nuit de mon départ à la retraite…

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