Ce qu'ils nommaient...transport.
leo
Il était un temps, où chacun venait se positionner sur un quai avec la certitude que la porte du R.E.R, à peu de chose près, lui ouvrirai sa gueule afin qu’il soit le premier à pénétrer dans l’antre de la bête wagonnée. De ses maxillaires béants, il survenait alors une régurgitation peu banale, la Bête s’efforçant simultanément de vomir de l’humain, tout en s’en bâfrant de bien davantage.
La dichotomie digestive enfin achevée, le gargouillis strident annonçait alors le glas des voyageurs agglutinés dans sa panse et des laisser-pour-compte, maugréant sur le quai, de n’avoir pas été de la ripaille…
La frustration était telle pour les oubliés du charriage, qu’ils jetaient des regards concupiscents aux moniteurs de contrôle planifiant les prochaines agapes à rebours. Ils calculaient inutilement leur temps d’attente au regard de leur propre heure et joignaient leurs collègues pour s’épancher de tant d’injustices en leur communicant l’heure de la prochaine offrande au Dieu transport.
Les passagers happés, contenaient désormais leurs pulsions : bon nombre d’individus incarnaient de la viande en sursis aux yeux des autres sucs gastriques, dépités, prêts à attaquer. Il y avait les volailles qui piaillaient et pouffaient de rire, délivrant des ragots périmés et cruels dont tout le monde se foutait. Il y’avait également les bœufs qui braillaient dans leurs téléphones, mettant en pâture leurs difficultés que tout le monde méprisait en se gaussant. Mais aussi les veaux qui pensaient que leurs goûts musicaux à la base d’onomatopées et de basses devaient être écoutés sans négociation, par l’auditoire pris en otage dans cette improbable cargaison. Que dire des charolais... qui pensaient que leurs sacoches méritaient d’occuper une place assise au détriment de leurs congénères...soufflant des naseaux si un insolent venait à leur faire remarquer son incroyable confusion. Et puis il y’avait les porcs, qui renâclaient, vidaient leurs poches par terre ou encore crachaient avant d’adresser un regard lourd et pervers aux poulettes apeurées…
L’arrivée aux gros pôles de distributions de la matière première avait valeur de duodénum. Au passage de la carte Navigo, la neutralisation de l’acidité s’effectuait. La liberté, la vraie, semblait s’amorcer. Les poulettes, les bœufs, les veaux, les charolais et les porcs et avec plus de détermination encore, les sucs gastriques, s’éparpillaient pour alimenter de nouveau, métro et bus.
Sur leurs passages, ils avaient l’opportunité d’être labélisés à la pensée unique…Aucun ne manquait l’occasion d’être tatoué du sceau de l’information, « 20 minutes », le premier des labels apparus permettait à une même rame ou un même bus de tourner simultanément les mêmes pages. Des clones…que dis-je de l’élevage en batterie. Chacun arrivait à son lieu d’exploitation ou de culture afin d'être digéré pendant 3 ou 7h00, se vidant de sa substance précieuse…
Et quand, à l’automne,à la nuit tombée, ils repartaient comme ils étaient venus, ils devaient encore braver une ondée. Les moues s’agrippaient aux faces renfrognées des badauds surpris. Une puissante mécanique des fluides en découlait : gouttelettes tombant dru emportant dans leur sillage les 65% d’eau constituant chaque corps ; alimentant cette crue torrentielle qui s’engouffrait violement dans la bouche de métro. Le tout, échouant sa course dans l’entonnoir des Wagons qui se délectaient de cette ultime rasade.
Le trafic d’humain,c’était le goutte à goutte de chaque ligne, d’une société bien malade; nous savons aujourd’hui qu’elle était condamnée...
Le monstre d’acier perfusait les foyers de la carcasse usée des travailleurs de retour au bercail, abreuvant eux-mêmes leurs espoirs de liquidités qui s’évaporeraient à la plus infime douceur.Les portes monnaies crevés répandaient leur fiel bilieux en des charniers de pièces roses qui annonçaient une faim comptée...
Ce quotidien qu'ils nommaient...transport.
Cette société qu'ils souhaitaient humaine...
J'aime beaucoup, et c'est hélas bien trop vrai...
· Il y a environ 13 ans ·sushi
Fort bien trouvée, la comparaison, j'ai adoré les métaphores qui surenchérissaient à chaque fois.
· Il y a plus de 13 ans ·j00
La métaphore est intéressante et explorée sur la bonne distance. Certaines phrases trop longues alourdissent cependant la lecture.
· Il y a plus de 13 ans ·Anthony Nw
Grande jubilation dans ma petite tête de pioche, les mots qui font pétiller les pensées et les images mentales, trop trop joli, c'est ce que je recherche quand je lis, une forme d'orgasme intellectuel (euh, bah oui, pardon, c'est un peu cru mais c'est très vrai...). Ce texte serait parfait pour le prix Delerme, vous connaissez?
· Il y a plus de 13 ans ·ysee-louise
bien vu Léo! j'aime. Du coup, coup de coeur.
· Il y a plus de 13 ans ·jeff-balek
Ces technologies que l'humanité nomme "évolution, progrès" vident le coeur des hommes de ses plus belles substances ; seuls parmi la foule, bétail pour ceux qui les exploite. Tout y est ! Bravo pour cette chronique!
· Il y a plus de 13 ans ·Chloé. S
Super texte! Très belle métaphore!
· Il y a plus de 13 ans ·vraiment excellent.
sabsab
"Big Brother is driving you", 1984 n'est pas loin !
· Il y a plus de 13 ans ·Comment ? Vous dites que 1984 est déjà derrière nous et que nous serions en plein dedans !
Enfermé comme un mouton, je n'ai pas vu le temps passer !
Christophe Dessaux
On sent bien que ça vient des tripes... Je suis bien heureuse de m'etre exilée pour ne plus faire partie de ce bétail qu'on entasse dans des wagons rouillés :)
· Il y a plus de 13 ans ·tetedelitote
de l'intestinal j'aime ton ecriture
· Il y a plus de 13 ans ·Manou Damaye
Terriblement décrit ... magnifiquement écrit ...
· Il y a plus de 13 ans ·archangelia
Texte magnifique et si juste quant au portrait de cette "humanité"... Hâte de lire tes autres textes...
· Il y a plus de 13 ans ·denis-saint-jean
J'ai été transportée.
· Il y a plus de 13 ans ·bibine-poivron
Foisonnant et puissant.
· Il y a plus de 13 ans ·inta
J'ai lu que la fin parce que c'était long trois pages. mais ca rappelle genre Lavilliers. C'est gonflé. J'aime. Coup de coeur. Meme si y'a des fautes.
· Il y a plus de 13 ans ·al-fonce
Reportage en forme de cauchemar.Bravo.
· Il y a plus de 13 ans ·Marcel Alalof
Très bien tourné. Ayant moi-même la chance d'être entourée matin et soir de "bestiaux".
· Il y a plus de 13 ans ·oreline
Fougue et force, super.
· Il y a plus de 13 ans ·lapoisse
Excellent! Très bien écrit, même si ce n'est que mon humble avis.
· Il y a plus de 13 ans ·aelle
Ce que t'écris, sa pulse. Rien d'autre à ajouter. Coup de Coeur.
· Il y a plus de 13 ans ·Lézard Des Dunes
10/10
· Il y a plus de 13 ans ·Remi Campana
Une très belle découverte ! Un beau témoignage ! Bravo
· Il y a plus de 13 ans ·confessions-dune-ame
La vidéo est impressionnante!
· Il y a plus de 13 ans ·ko0
C'est super bien écrit! Enchantée de faire ta connaissance
· Il y a plus de 13 ans ·ko0
Oh quelle belle surprise !
· Il y a plus de 13 ans ·Toi ici ! ! !
... euh ... j'ai perdu mes fougères .... toi être passé à temps !
Bravo et grand merci d'inaugurer mon espace !
La galère commence ! ! ! Hi !
Dominique Domica