Celui qui sait où il va

Christian Lemoine

Démarche assurée, bras en balancier, métronomes de sa route ; arpenteur des villes, creuseur des rues, martèle à chaque coup de talon les goudrons qu'il décrie. Dans sa veste ample, les cartographies du monde marquent les plis de sa conquête, les frontières hachurées de ses croisades, le parfait empire de ses dominions. Aux marches de ses nations inféodées s'élèvent les colonnes nues, aux candeurs de marbre. Il en contemple au crépuscule le fuseau précis jeté en sceptre devant le ciel agenouillé. Peut-être sa sagacité le pourrait-elle porter jusqu'au marges de l'indompté, du sauvage élémentaire. Il ne sent contre lui nul barrage sans brèche. Sa conviction est immaculée. Les vies qu'il croise ou toise, il n'en est pas comptable, bien qu'à chaque empan il balaie un devoir inachevé ou un regard convulsif. Marche volontaire, enveloppement des rives, embrassement des auvents végétatifs, faction servile contre une désirade chevillée au corps. Sous l'aile confiante, l'ombre s'étrécit, où s'assemblent les supplétifs. Parmi eux... non, pas parmi eux ! On les devine trop déférents, trop dociles aux castes. Un biset s'envole, un moineau fuit, la clepsydre défalque cette rature.
Signaler ce texte