Cérémonie

Christian Lemoine

Cœur en cendre ; confit dans sa cage qui craque et se comprime, renâcle en ses voiles de tendons. Cendre. Invoquez le feu, les rituels extatiques. Equarrisseurs des cordons, tranchez au vif des rotules, désaxez les trochlées pour affubler la hampe des pavillons sinistres. Convoquez les douleurs de la liesse tribale. Prêtres sacrificateurs, armez vos cous aiguisés, la cendre vous requiert. Il en coûtera des destins, bien sûr, mais c'est le sort des exposés. Oui, aux tribunes aussi, la cendre ; la cendre pour strate, la cendre pour genèse, la cendre stérile pour silence. Aux autels sans baldaquin, ministres théurges, suspendez les encensoirs, ces fumeroles trop âpres ; ces cendres phosphores. Faites résonner les fanfares qui marchent au trépas ; les fragments des kouros, les éclats des cariatides, autant de bris de stèles déchues pour marteler la cadence étirée, celle qu'on voudrait alentir toujours pour esquiver le baisser de rideau. La cendre, la cendre. Le coussin demeuré chaud après les braises éteintes, et la velléité d'une vie étriquée à s'unir encore à la vélocité des flammes. La cendre, le foyer brésillé, convaincu des désastres, des capitulations boréales, parce que le courage oblatif n'avait plus de pôle. Et parce que toutes les configurations, de la plus contemptrice à la plus épousée, ne manigançaient plus que d'affreuses pantomimes. Les cendres. Ses cendres. Ses cendres dans le vent qui disperse ; et ainsi, en un espace non contraint, étendez-le à l'inexhaustible.
Signaler ce texte