Chances(émulsions) I

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Le soleil tombe sur le paysage sonore
Qui s'incline sur notre passage.

Nous attendons l'heure de la folie rouge

Nous attendons l'heure de l'autre côté de l'eau

Tu prends ma main le vent s'étire

Et je t'embrasse

Je t'imagine trempée de feu

Me tenant tout entier dans ta main

Avec l'envie de refermer le poing.

Ce n'est qu'un rêve C'est

Mon double qui parcourt la lune.

Oh le plaisir, fractionnement intime,

Du temps qui mousse en nous sur nous,

Nous dont l'ombre ensemble nous détache et nous relie.

Vois ! L'espace respire,

Croît et décroît en laissant sur la rive

Le sens, ce sens toujours en mouvement, toujours

Donné à voir. Tu as les pieds en lui, légèrement, comme

Une étoile en plein jour

Et ce mystère voyage dans ton sang

Trop éclatant pour que je le saisisse.

 

J'assiste impuissant

A ce rythme sacré, à ce secret miraculeux

Que tu partages avec le monde.

Celui qui fait grandir des hommes, celui qui hurle

Et qui féconde depuis tes regards, la danse du feu et de l'eau

Sur un chantier de cendres.

J'assiste à la boue qui se lève, à la matière qui triomphe

Grâce au poids de l'air.

Je rêve que je t'embrasse,

Doubles marchant sur la lune, soutenus par la danse

Affamée et sonore du paysage reconquis.

 

Je rêve que je rêve

Pour te toucher plus loin et n'habiter que toi.

 


*

 

Tu étais sûr de toi tu marchais doucement

Le jour bavait des rues et coulait des trottoirs

Il montait de la terre et il sentait la terre

Il poussait son feuillage aux coins de tes regards

Mais tu voyais plus loin

 

Tu avais peur de tout tu dansais tristement

Evité par la pluie étranger au soleil

Puis tu avalais l'aube par timidité

Tu apprenais à lire tu parlais tu tombais chez les autres

Mais tu voyais plus loin

 

Tu vivais dans le sang tu restais immobile

Penché sur le vertige agité du silence

Tu suivais la lumière tu remontais le vide

Vers les fous et le corps vers les rois et la chair

Mais tu voyais plus loin

 

Dans le courant tremblant des choses tu voyais

Dormir une femme ivre

Vers laquelle tu marchais doucement

Sans deviner son visage

Jusqu'à ce qu'un jour de sang

Tu n'aies plus qu'à regarder devant

Pour voir plus loin.

 

 

*

 

Et puis les gestes ont fleuri
Naissance-renoncule aux étamines-pluie
Dans leurs mains le tabac puisant son goût à l'ombre

Le courroux de la terre le panache d'hier

La latence des mots bientôt

Comblée par le semeur de poudre.

 

Quand l'un de nous se lève

Il ouvre la fenêtre aux villes envahies

A des oiseaux de verre prêts à se briser

Des oiseaux malmenés des oiseaux en ardoise

Des oiseaux apportant des nouvelles du vent

Des oiseaux égorgés voletant sous la glace

Des oiseaux dans la chair éparpillée de la lumière.

Quand l'un de nous se lève le second s'endort.

 

Il rêve de ses rêves où les fenêtres s'ouvrent

De la mer qui s'ébroue sur les métaux salins

Et que l'absence aussi s'assoupit le matin

Dans la boue aveuglante du pain chaud.

 

Le geste a refleuri s'est coiffé de cohues

Qu'est ce le mouvement dis-tu ouvrant les yeux

Je suis un peu de neige patientant dans l'eau

Je suis ici, là bas, je fends les fruits les terres et la pierre

Et dilate en vivant et l'espace et le temps.

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