Change everything

rosypyreadbook

5h55...


5h57...


6h05...


Le soleil était déjà brûlant, comme toujours.


La ville s'éveillait doucement avant de s'agiter, comme toujours.


Le futur, lui...Etait incertain.


Rachel soupira en regardant une fois de plus par la fenêtre. Elle apercevait la baie depuis son appartement. Deux bateaux quittaient le port. Deux embarcations de pêcheurs qui partaient faire leur travail.


Le travail...Cela faisait deux semaines qu'elle n'avait plus remis les pieds à l'hôpital. D'ailleurs elle n'y remettrait plus jamais les pieds. Par l'intermédiaire de Kelly, elle savait que le petit Dylan allait très bien, son cœur fonctionnait à merveille. Elle esquissa un sourire, il y avait au moins une chose qui n'était pas gâchée. Parce qu'à côté de cela, le reste était un capharnaüm dont elle ne connaissait pas l'issu. Son père refusait toujours de la voir surtout depuis qu'il savait qu'elle ne viendrait pas travailler dans son cabinet. Sa mère essayait de faire un lien tampon mais elle-même ne voulait pas perdre sa crédibilité auprès de ses amies, de son club huppé ou même auprès de sa position judiciaire car officiellement Rachel avait enfreint la loi. Oliver riait des frasques de sa sœur si rangée et sage d'habitude. Quand à Rebecca, elle était toujours folle de rage et la traitait de personne immature ayant fait un caprice. Abigail, elle, n'avait utilisé qu'un seul mot pour qualifier ce qu'elle ressentait face aux actes de sa petite fille : Déçue. Et ce terme était plus dur et plus blessant à entendre que toutes les insultes et remontrances qu'on avait proféré contre elle jusque là.


Elle baissa la tête et regarda son café, elle aperçut son vague reflet dans la couleur noir du liquide. Son cœur martela sa poitrine et une boule lui serra la gorge. Les choses ne seraient plus jamais les mêmes. Instinctivement elle regarda sa bague de fiançailles et serra les mâchoires. Au même moment, comme si le destin avait investi ses pensées, la porte de sa chambre s'ouvrit sur Jeffrey qui se frotta le visage. Il s'arrêta sur le seuil de la pièce et soupira avant de s'approcher d'elle et de l'embrasser sur le sommet de la tête.

"- T'as pas dormi ?

- Une demi-heure je crois...Y a du café chaud.

Il s'installa sur le tabouret à ses côtés et lui caressa doucement le genou.

- Tu veux en parler ?

- Je ne sais pas ce que je dois faire, je n'arrive pas à prendre de décisions concrètes.

- Laisses-toi un peu de temps, c'est encore frais tout ça...Pourquoi...Pourquoi on ne partirait pas un petit peu tous les deux ? Loin de tout ce tumulte. Je peux affréter un avion pour les Hamptons.

La jeune femme soupira en secouant la tête.

- Non c'est pas le moment de faire une escapade en amoureux.

- C'est pas ça mais t'as besoin de te changer les idées.

- Et après ? Qu'est-ce que ça va changer ? Une fois revenue, les choses seront les mêmes qu'aujourd'hui. Je ne pourrais plus jamais faire ce pourquoi je me suis battue si durement pendant toutes ces années. Alors...Oui c'est ma faute, c'est moi qui ai pris cette décision et je sais qu'aujourd'hui je dois en assumer les conséquences, je le comprends mais...

Elle baissa la tête et souffla doucement.

- C'est tellement dur.

- Tu y arriveras, tu vas rebondir laisses-toi un peu de temps.

- Tu crois sincèrement que...Je vais réussir à m'épanouir en soignant des rhumes tous l'hiver et des insolations en été ?

- Alors viens bosser avec moi...La filiale McKesson a de nombreux points chutes...Un labo de recherche, l'organisation des formations continues ou...Tu pourrais donner des cours à la fac...

- Non je ne veux pas d'un bureau, je ne veux pas manipuler des éprouvettes...Je suis chirurgien, je suis pédiatre...Je...

Elle se frotta le visage en gémissant.

- Je suis quoi aujourd'hui ?

- Tu es toujours médecin Rachel.

Il glissa un doigt sous son menton et la força à le regarder.

- Quoi que tu fasses, quoi que tu décides, tu auras tout mon soutient.

Elle se dégagea de son emprise.

- Arrête...On a déjà parler de ça hier soir.

- Et tu connais ma position.

- Jeffrey...Ton entreprise, héritage familiale qui vaut plus de 100 milliards à l'année a perdu en l'espace de 24h, 50 points à la bourse parce que ta fiancée a volé un cœur destiné à la fille du gouverneur du New Jersey alors s'il te plaît ARRETE ! Tu cours à la catastrophe et tu ne t'en rends même pas compte.

- Ca va se tasser, je ne suis pas inquiet.

- Moi je le suis...Tu ne peux pas prendre le risque de voir tout ton travail, tout ce que tes ancêtres ont bâti s'effondrer à cause de moi.

- Tu es la femme que j'aime, si ça ne plaît pas à mes investisseurs ou au reste du monde, tant pis mais je ne te tournerais pas le dos...Je t'aime et je vais t'épouser dans huit mois, au diable la bourse ou la presse. Je te soutiendrais quoi qu'il arrive.

Elle secoua la tête de dépit.

- Non...Je refuse que tu prennes autant de risque pour moi, c'est non Jeffrey.

Il la regarda en sentant son cœur s'emballer.

- Ca veut dire quoi exactement ?

- Je sais pas...

Une larme coula sur sa joue.

- Je ne sais plus où j'en suis et j'ai peur de ce qui va se passer...Ma mère m'a appelé hier pour me dire que mon père refusait catégoriquement d'assister à notre mariage, elle m'a dit aussi que le Vice Président qui est un ami fidèle du gouverneur Cuomo ne viendrait pas non plus...Tout s'effondre à cause de moi et...Je ne sais pas si je vais pouvoir continuer à me regarder dans la glace en sachant que ma famille subit la honte de ma décision.

- Ne dis pas n'importe quoi, ton père est en colère mais ça lui passera, une fois qu'il verra que ça ne change rien entre nous, une fois qu'il verra que tu restes un bon médecin, il reviendra vers toi.

- Tes parents désapprouve aussi Jeffrey.

- Oui mais ils seront là quand même parce qu'ils savent que tu es importante pour moi.

- Mais est-ce que c'est suffisant ? Je suis fatiguée de devoir raser les murs...En allant me chercher un café hier en ville, je me suis rendu compte que je faisais la une de la presse à scandale : La fiancée McKesson trahi le New Jersey ! Ma mère est juge à la cours suprême des Etats-Unis, forcément personne ne comprends pourquoi je ne suis pas en prison.

- Parce que tout le monde sait que même si tu es responsable de ce vol, tu n'es pas responsable du pots de vin qu'à touché le comité pour mettre le nom de la fille de Cuomo en tête de liste. Il devrait autant faire la une people que toi.

Elle ferma les yeux et soupira. Jeffrey s'approcha et l'embrassa sur la tempe.

- Tu es épuisée...Tu devrais annuler ton rendez-vous avec Ashley et aller passer la journée au spa, ça te ferait du bien.

- J'ai déjà annuler mon rendez-vous avec Ashley...Je ne vois pas comment on pourrait organiser notre mariage dans ces conditions.

- Tu exagères.

- Non c'est toi qui ne voit rien...Le trois quart des invités ne seront pas là, j'ai jeté un véritable déshonneur sur le cercle très fermé et friqué de notre entourage, plus personne ne viendra nous féliciter.

- Rachel écoutes...

- Et je ne vois pas comment je pourrais exercer le moindre métier dans cette ville. Qui m'accordera sa confiance ? Aucun cabinet ne voudra s'associer avec moi, aucun médecin généraliste à la retraite ne me confiera sa clientèle.

- Ca ne remet pas en question ton diplôme.

- Ca remet en question mon serment c'est pire.

Jeffrey s'arrêta et la regarda.

- Tu veux quitter la ville ?

- J'ai du mal à envisager une autre solution.

Il haussa les épaules.

- Très bien...Pourquoi tu ne viendrais pas à San Francisco dans ce cas ?

Rachel planta son regard dans le sien et le jeune homme plissa des yeux devant son silence.

- J'ai besoin de temps Jeffrey...J'ai besoin de temps pour me remettre de tout ça...Et je crois qu'il faut que je le fasse seule.

Il ouvrit la bouche mais elle l'arrêta d'un geste.

- Je ne veux pas te quitter...Je t'aime plus que tout au monde et tu n'imagines pas à quel point ton soutien m'est précieux, c'est la plus belle preuve d'amour qu'on pouvait me donner mais je refuse de concevoir un seul instant que tu puisses perdre à la fois ta crédibilité auprès de tes investisseurs, la confiance de ta famille et ton entreprise pour laquelle tu as fait tant de sacrifices.

- Ce qu'il y a de plus important pour moi c'est toi.

Elle s'approcha de lui et entoura son visage.

- Alors laisses-moi me reconstruire, j'ai besoin de repartir à zéro, de trouver une nouvelle motivation, de me poser les bonnes questions...Comment j'en suis arrivée là ?

- Tu as agi avec ton cœur...C'est ce qu'il y a de plus beau en toi...Ta générosité, ton altruisme à tout épreuve...Ca fait de toi quelqu'un d'exceptionnel, c'est pour ça que je t'aime, c'est pour ça que je ne n'imagine pas un seul instant vivre sans toi à mes côtés...Mon entreprise ne vaudra rien dans ma vie si tu n'es pas là.

- Je reviendrais...

Elle lui montra sa bague.

- Dans huit mois je t'épouserais, ici, à San Francisco, à Las Vegas ou n'importe où ailleurs, je m'en fiche, dans huit mois je serais devant toi et je te dirais oui pour toujours et peu importe ce que j'aurais décidé pour ma carrière...Si tu n'as pas changé d'avis d'ici là, je lierais ma vie à la tienne pour toujours.

Il fronça les sourcils et glissa une main dans ses cheveux.

- Je ne changerais pas d'avis...Je t'aime Rachel.

- Je t'aime aussi."

Elle posa ses lèvres sur les siennes et devinant qu'il ne la verrait peut être plus pendant un moment, il intensifia son baiser, libérant toute la tension qui régnait entre eux. Il se pencha, la souleva du sol et l'entraîna dans la chambre.


… … … …


Plusieurs sirènes résonnèrent dans la rue en contre bas et Rachel soupira en serrant son gobelet entre ses mains.

"- C'est la troisième grosse arrivée de la matinée...Ca promet.

Elle esquissa un léger sourire en voyant Kelly s'approcher. La jeune femme s'installa sur le banc à ses côtés et souffla doucement.

- Tu pars combien de temps ?

- J'en sais rien...Le temps de savoir ce que je veux faire...Le mariage est dans huit mois alors...

- Il est dingue de toi.

Rachel esquissa un sourire.

- Ouais...On verra s'il le sera toujours d'ici là, je croise les doigts pour que ce j'ai fait ne lui porte pas plus de préjudice qu'il ne m'en cause à moi.

- Jeffrey ne laissera pas tomber, tu es l'amour de sa vie, il vient te le prouver.

- Je sais et il est tout aussi important pour moi.

- Alors pourquoi tu pars ? Vous pourriez affronter tout ça ensembles.

Le médecin secoua la tête et laissa échapper une larme.

- Je suis passée à la banque...Mon père a clôturé mon compte de dépôt familial, celui sur lequel tombait...La rente de ma grand-mère et la prime des Davies que mes parents m'étaient à notre disposition chaque fin d'année.

- En gros il te coupe les vivres.

- Ouais...J'en ai jamais eu besoin, je suis la seule de la famille à posséder un compte de dépôt familial qui n'est pas à découvert...J'exagère mais c'est presque ça.

- Il te laisse le solde ?

- 25 millions en plus de mon compte personnel qui s'élève à 500 000 $, il y avait mes salaires dessus et les cachés pour les photos des magazines et autres publicités sur mon patronyme.

Kelly haussa les sourcils.s

- Ca te laisse le temps de te retourner.

- C'est pas pour l'argent.

- Je le sais...Ce que je veux te faire comprendre c'est que...Que tu es à l'abri pour quelques temps.

- Je viens de me faire renier par mon propre père Kelly...Je me contre fous du solde de mon compte en banque.

Sa meilleure amie serra les dents.

- Excuses-moi c'était déplacé...Rachel...

Elle se pencha et lui caressa le dos en la voyant pleurer silencieusement.

- Est-ce que c'est véritablement si horrible de sauver la vie d'un petit garçon ? Pourquoi personne n'est capable de comprendre que le plus important c'est la vie, qu'elle n'a pas de prix...Mon Dieu...Est-ce que c'est vraiment moi le monstre dans cette histoire ?

- Bien sûr que non...Rachel bien sûr que non...Silencieusement il y a beaucoup de gens qui admire ce que tu as fait...Bon sang, les parents de Dylan n'auront jamais les mots pour t'exprimer leur reconnaissance et lui est incapable de formuler ce qu'il ressent mais tu aurais du voir sa tête quand il a entendu son cœur battre à travers le moniteur...C'était indescriptible comme sensation, c'est le plus cadeau au monde que de recevoir un cœur en bonne santé et de voir que grâce à lui...Ca continue...Dylan va grandir, il se mariera, il aura des enfants, il vieillira...C'est toi qui lui a offert ça...Qui peut en dire autant ? Ton père et son botox ? Ta mère et ses trois assistantes ? Ta sœur et ses diamants ? N'aie pas honte de la décision que tu as prise je t'en prie, si tu la rejettes aujourd'hui le rythme du cœur qui bat au fond de son thorax ne signifiera plus rien. Peut être..Peut être que c'était son destin comme le tien, un dernier geste avant de raccrocher...Pour faire autre chose.

- Quoi ? Qu'est-ce que je vais faire maintenant ?

- Tu es la seule à pouvoir trouver la réponse...Il faut que tu cherches, ici, ailleurs...En toi...C'est un face à face avec toi même qui se profile et je crois que c'est pour ça que tu pars, non ?

- Je peux pas rester ici, croiser ma mère et Oliver à chaque coin de rue qui...N'osent pratiquement plus me parler parce que WILLIAM Davies est en colère contre sa fille, qui a rejeté les principes moraux de la famille...

Elle secoua la tête.

- Je devais présider le gala des orphelins de la police le mois prochain parce qu'Abigail devait partir en Suisses...Elle m'a tout simplement laissé un message en disant que Rebecca se ferait une joie de me remplacer, sans autre explication...35s de message audio et c'est tout, pas un bonjour, pas un au revoir, pas un "comment vas-tu", rien, rien d'autre que "Rachel ta sœur se fera une joie de te remplacer au gala des orphelins de la police le mois prochain." Et elle a raccroché.

Kelly serra les mâchoires et caressa de nouveau le dos de sa meilleure amie.

- Dis-moi ce que tu veux que je fasse pour toi.

- Rien c'est gentil...Je...

Elle regarda sa montre.

- Mon avion décolle dans une heure.

- Tu vas où ?

- J'en sais rien, pour l'instant je m'arrête à Philadelphie, c'est le seul vol de dispo que j'ai trouvé aujourd'hui, après on verra.

Elle lui tendit un morceau de papier.

- Mon nouveau numéro de téléphone et ma nouvelle adresse mail...Si tu dois me contacter.

- Je te donnerais des nouvelles de Dylan.

Elle esquissa un sourire.

- Merci...

Puis elle désigna l'hôpital.

- Jack, il en est où ?

- Un mois de suspension comme le reste de l'équipe qui t'as assisté...Le seul avantage c'est que comme personne n'était au courant de ta démarche, ça les a protégé face à la commission.

- Tant mieux.

Elle se leva et Kelly lui fit face en grimaçant.

- Tu prends bien soin de toi d'accord ? Et si tu as besoin de parler...A n'importe quelle heure du jour ou de la nuit tu n'hésites pas à m'appeler tu m'entends ?

- Oui...Merci Kelly...Merci pour tout."

Elle s'approcha pour la serrer dans ses bras avant de s'en aller sans un regard pour l'hôpital pour lequel elle avait tout sacrifié.


… … … …


Assise sur une des chaises en plastique dure du grand hall, Rachel vidait son ancien téléphone et son ancienne messagerie électronique, lorsqu'un nouvel e-mail arriva.

"-De : ThompsonHannah

A : RachelDavies

Objet : Poste gouvernante Walker River Ranch

Mlle Davies, veuillez excusez ma réponse tardive. J'ai reçu plusieurs dizaines de mail en retour à l'annonce publiée et je vous avoue que le votre m'a particulièrement intéressé. Je tenais cependant à vous rassurer concernant la gestion administrative : il ne s'agit en fait que d'une banale organisation de planning, de gérer les différents partenaires avec lesquels nous traitons et de quelques ventes privées à effectuer à la coopérative agricole située à dix kilomètres du ranch. Quand à la prise en charge des touristes : sachez que le ranch est ouvert de 9h à 17h pour les vacanciers afin de découvrir le cheptel de taureaux et de vaches ainsi que le Haras de chevaux, il faut donc les accueillir et veiller à la bonne organisation des excursions ainsi qu'à la mise en place de la collation du déjeuner.

Vous serez logé sur place, avec un jour de repos dans la semaine, pour un salaire 1500$ par mois, couverture santé comprise.

Si l'annonce vous intéresse toujours, veuillez me le faire savoir rapidement par mail ou par téléphone 555.837.59

Cordialement Hannah Thompson."


Rachel souffla légèrement avant de serrer les dents et de pianoter sur son téléphone. Puis elle se dirigea vers le comptoir de l'aéroport et sortit son porte-feuille.



Miami : soleil éclatant, effervescence, à la pointe de la mode et du luxe


L'avion amorça son décollage et le cœur de Rachel se serra en repensant aux quelques souvenirs heureux de son enfance sur la plage face à la mer aux reflets éclatants. Elle baissa la tête sur ses mains et soupira. Elle se retrouvait assise dans un siège serré près d'un hublot minuscule à côté d'une femme d'environ quarante ans qui ne cesser de regarder sa montre. La seconde classe...C'était nouveau pour elle qui malgré son ressenti face à l'argent de sa famille, avait toujours voyagé en première classe : coupe de champagne, repas mitonné par un grand chef, attention de la part des hôtesse de l'air, espace dégagé pour les jambes, télé connectée...Même lorsqu'elle prenait le train pour aller voir sa mère à Talahassee, elle se faisait chouchouter de toute part. Là, elle était passée au comptoir pour payer son billet, cachée derrière des lunettes de soleil avec une casquette vissée sur la tête, elle avait payé en liquide et comme elle restait dans le territoire américain, elle n'eut pas besoin de montrer sa carte d'identité. Pour passer le temps, elle inséra ses écouteurs dans ses oreilles et sortit son livre de son sac alors que la femme près d'elle, pestait contre le retard qu'avait pris l'embarquement.


Philadelphie : Liberty Hall ancienne bibliothèque du Congrès pendant la révolution américaine. Rachel l'avait visité trois fois, elle aimait cet endroit, cette ville, chargée de culture, bordée par le Delaware. L'avion se posa dans un crissement de pneu et la jeune femme débarqua rapidement pour attraper sa correspondance. Là, elle refit le même scénario qu'à Miami : lunettes de soleil, casquette, payement en liquide et ré-enregistrement des bagages avant de décoller une nouvelle fois, dans une rangée serrée au beau milieu de l'allée cette fois avec de part et d'autre une vieille dame qui ronflait gentiment sur son siège et un homme en costume cravate qui griffonnait dans un carnet tout en tapotant sur une petite calculatrice.


Une fois en altitude, Rachel attrapa son nouveau téléphone et vérifia ses mail.

"- De : TompsonHannah

A : RachelDavies

Objet : Poste gouvernante Walker River Ranch

Mlle Black, j'ai bien pris note de vos nouvelles coordonnées. Aussi je vous remercie pour votre réponse et je serais ravie de vous accueillir chez nous. Il n'y a pas de période d'essai dans le contrat initial mais il est bien évident que rien ne vous obligera à rester si cela ne vous correspond pas, tout comme, et vous le comprendrez aisément, l'on vous soldera votre mois de salaire si nous jugeons votre présence inadapté au poste que nous vous proposons. Comme je vous le disais, la place est disponible tout de suite, aussi dites-moi quand est-ce que vous pouvez arriver, en sachant que le seul aéroport de la région se trouve à Missoula à un peu moins de trois heures de route du ranch. Vous n'avez rien besoin d'apporter de particulier, nous mettons à votre disposition tout le matériel nécessaire pour travailler et Whitefish qui est la plus proche ville de la maison se situe à ¼ en voiture : vous y trouverez un supermarché et tout l'arsenal propre aux villes urbaines à savoir médecin, dentiste, garagiste, école, bibliothèque, centre de sport, cinéma...Si vous avez la moindre question n'hésitez surtout pas, je vous remercie déjà pour avis favorable et j'espère vous voir bientôt.

Cordialement Hannah Thompson."



Minneapolis : L'Orchestre Symphonique du Minnesota, Jeffrey et Rachel avait assisté à l'un de leur concert au Northrop Memorial, l'auditorium de l'université. La jeune femme avait été stupéfaite par l'acoustique de la salle, l'ambiance feutrée et douce. Elle avait été transportée par la musique, presque émue aux larmes. Se souvenir semblait si loin...C'était il y a seulement deux ans...Tout paraissait si simple à l'époque...Elle était si heureuse. Elle regarda sa montre et fronça les sourcils. Elle avait oublié de remonter l'heure pour coller au décalage horaire. Elle releva la tête et regarda par le hublot alors que l'appareil atterrissait. Ca serait sa dernière escale avant d'arriver à son nouveau point de chute. Bizarrement elle se sentait beaucoup moins confiante qu'au départ. Une légère angoisse la fit frissonner et elle resserra les pans de son manteau autour d'elle avant de ressentir les soubresauts des trains d'atterrissage toucher le tarmac.



Le Montana, territoire rural au climat continental : source wikipédia.


En vérité, ce que Rachel ressentit en arrivant ce fut la fraîcheur, un léger vent froid qui lui cingla la peau, une bourrasque provenant de ces paysages montagneux et légèrement enneigés par endroit, qu'elle apercevait au loin. Missoula avait un aéroport international mais beaucoup moins affluent que le reste des grandes villes qu'elle avait côtoyé jusque là. Il n'y avait pas de passerelles qui pouvait la desservir dans le hall d'accueil, si bien que lorsqu'elle descendit de l'avion pour rejoindre le tarmac, elle eut tout le loisir de se rendre compte de la météo beaucoup moins clémente qu'en Floride, heureusement pour elle, elle avait prévu le coup et empaqueté ses pulls et ses manteaux les plus chauds. Elle suivit le flux des voyageurs et rejoignis une grande porte vitrée qui donnait sur un comptoir d'accueil. Une hôtesse lui adressa un sourire et déverrouilla le passage en validant son ticket de reçu pour qu'elle puisse récupérer ses bagages. Rachel n'avait pas emporter grand chose avec elle, tout juste de quoi passer le mois, car elle ne savait pas encore ce que cette décision si hâtive allait donner.


Elle passa le sas de sécurité et ralentit le pas. La gérante du ranch lui avait dit qu'elle passerait la chercher mais elle ignorait totalement à quoi elle ressemblait. Plusieurs personnes se tenait dans le hall, certaines avec des cartons, d'autres avec des fleurs, il y avait des enfants qui semblaient impatients et au milieu de tout ces gens, une femme assez petite, aux cheveux noirs comme l'ébène, à la peau légèrement typée. Elle portait un blouson kaki et des boots en cuir. Elle esquissa un sourire en voyant Rachel et s'approcha d'elle.

"- Mlle Davies ?

- Euh oui...

- Vous êtes la seule qui semble perdue.

Rachel esquissa un maigre sourire.

- Mme Thompson ?

- Oh je vous en prie appelez-moi Hannah. C'est moins formel...Venez.

Elle la dirigea vers un pick-up assez imposant et quelques secondes plus tard elle démarra et sortit de l'aéroport. Elle bifurqua et emprunta la grande route. Après un ou deux kilomètres, elle tendit le bras vers le siège arrière et donna un dossier cartonné à Rachel.

- Je vous ai constitué un petit répertoire d'informations sur le ranch et sur tout ce que vous aurez à faire. Il y a également le contrat de travail ainsi que la prise en charge santé qui seront à signer si vous tombez d'accord avec ce qui est stipulé.

La jeune femme tourna la première page et souffla doucement pour calmer son angoisse.

- Vous diriger le ranch depuis combien de temps ?

Hannah esquissa un sourire.

- Oh je ne le dirige pas, il n'est pas à moi...Moi je ne suis que la vétérinaire.

Rachel fronça les sourcils et la conductrice s'empressa de répondre à sa question.

- Le ranch appartient à mon neveu : Ryan Walker. Ma sœur et son mari ont eu un grave accident de la route il y a douze ans, ils sont morts sur le coup.

- Je suis désolée.

Elle secoua la tête et poursuivie.

- Ryan est leur fils unique et le ranch est devenu le sien alors qu'il n'avait que 18 ans, sacrée responsabilité croyez-moi mais c'était déjà toute sa vie avant même qu'il ne sache marcher. Il aime cet endroit plus que tout au monde. Il fait...environ 800hectares.

Rachel écarquilla les yeux.

- Il y a un troupeau de vaches à viandes des Barzona, elles ont une très bonne adaptation au climat rude et la vie en pleine air, elles s'engraissent beaucoup mieux et un troupeau de taureau, moitié Angus, moitié Holstein.

La jeune femme tourna les pages.

- Vous n'avez pas beaucoup de têtes par troupeau.

- La qualité prévaut à la quantité.

- Vous avez des cheveux aussi ?

- Oui des Appaloosa et des Nokota mais on a un élevage de Pur Sang aussi depuis...Environ cinq ans, ils sont surtout destiné à la vente pour des Derby notamment le Kentucky.

- Vous faites de l'entraînement ?

- Non on les élèves en plein air, ça leur donne plus de forces et d'endurance une fois qu'ils démarrent leur formation à la course, les quelques bêtes que nous avons déjà vendu au cours de ces cinq années, ont été les meilleures du circuit, tous des champions. Le Haras a une très bonne réputation en matière de pedigree. Pour le reste on recueil surtout des bêtes en fin de vie, blessées ou abandonnées, le ranch a un partenariat avec le comté comme refuge pour les chevaux.

Hannah monta légèrement le chauffage.

- Il y a plusieurs bâtiments répartis sur le site. La maison principale, le Haras est juste à côté, ensuite vous avez les deux hangars pour le cheptel bovin et au milieu de tout ça, vous avez deux bâtiments qui communiquent et qui correspondent à la grange d'alimentation pour le bétail, le matériel agricole, le centre de soin, les vestiaires du personnel, la salle de pause et le bureau du chef.

Elle esquissa un sourire.

- Vous trouverez également le bâtiment d'accueil des touristes avec la salle de restauration. Je vous ai fait la liste de toutes les informations qui vous serons utiles. Rassurez-vous, vous n'aurez qu'à les accueillir et mettre en place le déjeuner, la découverte du site c'est un des membres du personnel qui s'en charge.

- Vous m'aviez parlé du planning et de la gestion des différents partenaires mais ce n'est pas votre neveu qui se charge de ça ?

Hannah se racla la gorge.

- Mlle Davies ce qu'il faut que vous compreniez c'est que si nous recherchons une gouvernante ce n'est pas pour rien.

Elle prit son temps pour poursuivre.

- Depuis la mort de ses parents, Ryan s'est lancé corps et âme dans la gestion du ranch, il le fait avec toute sa dévotion, il le fait parce qu'il adore ça mais...Il ne gère que les choses les plus importantes à ses yeux...Les cheveux, la transhumance d'hiver et celle d'été, il capable de passer des heures auprès de ses bêtes ou perdu au milieu des bois. La gestion des touristes il ne s'en occupe pas, les différents partenaires qui sont utiles au ranch il n'y pense que rarement, quand à se faire à manger, laver son linge et passer l'aspirateur dans la maison ce n'est même pas la peine d'y penser. C'est quelqu'un de bien mais l'accident et son travail lui ont mis des œillères que personne n'arrive à écarter. Il est un peu aigri et à 30 ans je trouve ça dommage. Il ne sort que très rarement, il ne réfléchit pas à la façon dont il s'adresse aux gens, alors pour nous qui le connaissons on s'en accommode mais vous verrez que pour quelqu'un de nouveau c'est parfois très difficile à supporter.

Rachel plissa des yeux en esquissant un sourire en coin.

- Dites-moi une chose...Je ne suis pas la première gouvernante que vous contactez.

Hannah serra les dents.

- Non.

- Vous en êtes à combien ?

Elle détourna la tête et soupira. Elle savait qu'une fois encore la situation serait compliquée, que Ryan ne ferait rien pour faciliter la tâche à celle qui travaillerait pour lui, il ne le faisait avec personne, ce n'est pas maintenant qu'il allait changer quoi que ce soit dans son comportement mais Hannah avait mis un point d'honneur à ce que cette fois, la personne engagée reste le plus longtemps possible.

- En douze ans ?...68...Il y a eu beaucoup d'étudiants vous savez, ça payait une partie de leurs études et puis la proximité avec la nature et les animaux ça intéresse beaucoup de monde.

- Je n'en doute pas.

Hannah regarda le sourire de Rachel et ne put s'empêcher de pouffer de rire avant de retrouver son sérieux.

- C'est quelqu'un de bien vous verrez.

Mais dans sa tête, elle ne pouvait s'empêcher de penser que Ryan allait une fois encore tout gâcher.

- Et vous dites-moi...

- Que voulez-vous savoir ?

- D'où venez-vous ?

Rachel soupira. Sa famille était très connue mais pas partout, heureusement. Certes elle avait fait la une de quelques magazines, certes elle était fiancée à Jeffrey McKesson mais il restait quelques endroits aux Etats-Unis où son visage et son nom étaient encore inconnus et d'une certaine manière ça la rassurait.

- De Miami.

Hannah hocha la tête.

- Ca vous a fait un sacré paquet de kilomètres, je ne vous ai même pas demandé si votre voyage c'était bien passé.

- Ca été.

- Vous n'êtes pas fatiguée ?

Rachel baissa la tête, elle était épuisée moralement, physiquement mais pas uniquement à cause du voyage.

- Non pas du tout.

De toute façon depuis deux semaines, elle ne parvenait qu'à dormir qu'une heure ou deux par nuit.

- Et vous faisiez quoi à Miami ?

Elle serra les mâchoires avant de regarder par la vitre.

- Rien d'important."



La voiture s'engagea sur un chemin de terre avant de traverser un petit pont suspendu en bois et de passer quelques mètres plus loin un portique surmonté d'une pancarte sur laquelle on pouvait lire : Walker River Ranch. Le site était bordé de champs, au loin il y avait les montagnes et pas une voiture, pas un building ne venaient gâcher ce magnifique paysage. Lorsque Rachel sortie de la voiture, le vent la figea sur place et elle trembla, il faudrait qu'elle s'habitue au changement de climat. La maison principale était toute en bois, il y avait des cornes de taureau au dessus de la porte et un seul étage visiblement mais la demeure était toute en longueur et semblait finalement plus grande que sur les photos que Hannah avait mise à la disposition de la jeune femme.


Hannah la dirigea vers l'entrée et Rachel angoissa légèrement. Serait-elle à la hauteur de la tâche qui se profilait devant elle ? En voyant l'annonce sur internet, elle y avait vu une opportunité, celle d'un changement de vie radicale afin de pouvoir se poser, de s'interroger sur sa propre existence, ses décision et sur son avenir. Elle savait qu'elle était capable de s'adapter à toutes les situations, qu'elle arriverait à gérer beaucoup de chose, la cuisine, le ménage ne lui faisaient pas peur. Elle n'avait pas voulu s'orienter vers un cabinet médical, elle voulait prendre ses distance avec son domaine de prédilection afin de savoir exactement où elle en était, ce qu'elle voulait pour sa carrière qui était totalement remise en question.


L'entrée était assez modeste mais décorée avec soin, tout était en bois. Hannah dirigea la jeune femme au fond du couloir et elles pénétrèrent dans la cuisine.

"- Dans le dossier que je vous ai préparé, je vous ai mis la liste des tâches quotidiennes à effectuer à partir de demain. Le déjeuner du personnel doit être servi entre 11h30 et 12h bâtiment numéro 2, salle de pause, au niveau des différents réchauds, vous êtes libres de préparer ce que vous voulez, ils ne sont pas difficiles mais je vous ais quand même mis la liste de ce qu'ils préfèrent manger. Le lundi, mardi et vendredi à 14h vous vous rendrez à la coopérative agricole à Whitefish pour la vente privée des produits du ranch, la liste est également dans le dossier, les garçons vous prépareront la camionnette, les prix sont déjà définis avec la direction, vous tenez le stand et vous rentrez pour 17h. Tous les jours vers 9h vous accueillez les touristes bâtiments numéro 4, vous vous présentez, vous leur faites signer la feuille de présence, vous leur expliquer où déjeuner, le menu et le déroulement de la journée, le dépliant est dans le dossier, c'est Quinn Mason qui se charge de les gérer après, il ne faudra pas oublier de récupérer la livraison du traiteur vers 10h et de préparer la salle de restauration.

- Ce n'est pas moi qui me charge du repas ?

- Vous ne pourrez pas tout faire ma belle, on a un contrat avec un site de restauration collective pour les vacanciers.

- D'accord.

- Votre jour de repos c'est le jeudi, vous serez libre de faire ce que vous voulez, où vous voulez et si j'ai un bon conseil à vous donner, désertez le ranch dès le matin et ne revenez que le soir, comme ça vous serez sûr qu'aucun membre du personnel ne viendra vous solliciter. En ce qui concerne les tâches de la maison à vous de gérer comme vous l'entendez. Si vous avez besoin de faire des courses, la camionnette est entièrement à votre disposition, si vous avez besoin d'argent vous aurez une carte de crédit à plafond limité, Ryan vous transmettra ça. Pour la gestion de différents partenaires : les différentes livraisons pour le bétail, les transactions avec l'abattoir etc...Ryan vous fera le topo mais je vous ai également mis un premier jet dans le dossier.

- Ok.

- Vous avez des questions ?

Rachel grimaça.

- Et ses habitudes ?

Hannah esquissa un sourire et au même moment son téléphone sonna.

- Oui allo ?...Oui Sally...

Elle regarda sa montre.

- Depuis quand ?...Ok dis lui de l'isoler dans un coin tamisé et de ne surtout pas l'approcher, je suis au ranch, je serais là dans 1h30.

Elle raccrocha et regarda Rachel.

- Je dois y aller, une jument qui va mettre bas...Ne vous angoissez pas pour Ryan, Rachel. Il a 30 ans, de nombreuses conquêtes éconduites, un caractère pas facile, il ne fume pas, il boit rarement, il travaille de 5h du matin à 22h le soir, si ce n'est pas plus. Vous ne le verrez quasiment jamais et les seules fois où vous serez en contact tous les deux, surtout, surtout ne vous laissez pas faire, tenez lui tête, n'hésitez pas à lui dire ce que vous pensez, imposez-vous et tout se passera bien. La maison est à votre entière disposition mais évitez le grenier et la porte au fond au couloir du premier étage, celle avec le hibou accroché dessus, c'était celle de ses parents. Et...Evitez de tout vouloir révolutionner, il déteste ça. Il mange beaucoup de viande, peu de légumes, il se prépare lui même son petit déjeuner mais c'est tout, il ne sait pas faire marcher le lave vaisselle ou plutôt il ne veut pas le faire marcher et je crois qu'il ne sait même plus où est ranger l'aspirateur. Vous lui préparerez son dîner que vous laisserez sur la table et vous n'entrerez dans sa chambre que lorsqu'il vous donnera le feu vert, autrement dit une fois par semaine pour un coup de poussière.

- Euh...Juste une question...Je suis logée ici ?...Je veux dire...Euh...

- Il y a un appartement au dessus du garage mais il n'est pas...

Hannah se racla la gorge.

- Une autre chose que vous devait savoir c'est que...Il est bordélique.

Rachel regarda autour d'elle et fronça les sourcils et la tante du jeune homme s'empressa de préciser.

- J'ai débroussaillé la maison hier, le problème de l'appartement au dessus du garage c'est que malheureusement un des étudiant que nous avions embauché à fait un dégât des eaux très important et on n'a jamais eu le temps de s'occuper des travaux et par la force des choses c'est devenu un débarras.

- Je vois...

- Votre chambre est au premier étage, première porte à droite, la salle de bain est à côté. C'est une modeste maison Rachel, trois chambres, une salle de bain mais vous allez très vite vous apercevoir que la cohabitation sera quasi inexistante, il passe plus de temps dans son bureau qu'ici...D'ailleurs le bureau était à faire une fois par semaine, juste un...

- Petit coup de poussière.

- Oui...Le planning du personnel est prêt pour le mois prochain, inspirez-vous en pour faire la suite.

- D'accord.

Rachel posa le dossier sur la table et soupira. Hannah lui tendit un trousseau de clé.

- Je vous ai écrit dessus à quelles portes elles correspondent.

- Merci.

- Une dernière chose...Vous avez rendez-vous avec Ryan dans la cuisine demain matin à 8h, il vous fera un dernier topo et la visite du ranch, ne soyez surtout pas en retard, il déteste ça.

- Vous pourriez me dire ce qu'il ne déteste pas ?

Hannah rigola légèrement.

- C'est un vaste sujet...Si vous avez besoin de quoi que ce soit, si vous rencontrez la moindre difficulté, si vous avez une question, des choses qui ne sont pas claires pour vous, n'importe quoi n'hésitez surtout pas à m'appeler d'accord.

Elle posa un petit carton sur la table.

- Mon numéro de portable, celui de la maison et du cabinet...Vous appelez...A n'importe quelle heure d'accord ?

- Oui...Je vous remercie pour tout.

- Bienvenue dans le Montana Rachel."



La jeune femme se frotta le visage avant de retirer sa veste et de regarder autour d'elle, tout était en bois, la cuisine était spacieuse, ouverte sur le salon et la salle à manger. Il y a avait une cheminée de pierre de taille moyenne, un canapé et deux fauteuils de cuir. Elle s'approcha doucement de la fenêtre et regarda l'horizon qui commençait à prendre une teinte sombre. La maison possédait une terrasse où trônaient deux chaises à bascules, sur l'autre versant il y avait un petit banc, une petite table et une autre chaise et enfin à l'arrière de la maison se trouvait une sorte de verrière avec des fauteuil et une table. Une vue à 360°C sur le paysage magnifique qu'offrait les terres aux alentours.


Elle décida de monter au premier étage afin de poser ses affaires dans sa chambre. Elle aperçut au bout du couloir, la fameuse porte interdite avec le hibou, puis la chambre de Paul en face de la sienne. Elle du refréner sa curiosité, qui lui dicter d'ouvrir pour jeter un coup d'oeil mais elle avait comme l'impression que même en actionnant la poignée elle risquait de s'attirer des ennuis. Elle se ravisa et ouvrit la porte de sa chambre et s'arrêta, stupéfaite.


La pièce était petite mais absolument magnifique, dans les tons clairs avec une armoire en bois, deux chaises qui entouraient une table et une commode surmontée d'un miroir. Rachel s'approcha de la fenêtre et aperçut en contre bas la grange censée accueillir les touristes et plus loin la montagne. Elle posa son sac sur le lit et entreprit de le vider de ses affaires avant de se pencher sur le dossier qu'Hannah lui avait remis en reprenant des notes sur un bloc de manière plus chronologique. Au bout d'une heure, elle regarda sa montre et se rendit compte qu'elle n'avait strictement rien mangé de la journée. Elle descendit au rez-de-chaussée et entra dans la cuisine avant d'ouvrir le frigo mais elle se figea et grimaça. Tout était mélangé, certains produits étaient périmés et le comble était qu'au beau milieu des seuls légumes qui se trouvaient dans le bac, il y avait un sachet contenant plusieurs boîtes grouillantes d'asticots.

"- Oh non pitié...Pas les asticots...Pas d'appâts de pêche dans le frigo...C'est pas vrai."

Elle fit rapidement le tri des produits avant de se rendre compte de la saleté des différents étages, elle attrapa l'éponge de l'évier, le produit vaisselle et passa trois quart d'heure à récurer le réfrigérateur avant de couper un citron, de faire bouillir de l'eau et de placer le tout au fond de l'appareil ménager pour chasser les odeurs qui stagnaient.


Elle farfouilla dans les différents placards, prenant des notes sur son bloc, une page pour la liste des courses, une page pour les habitudes de Ryan et le reste de ses employés, elle réagença légèrement certains produits : les céréales d'un côté, les sauces de l'autre puis elle s'arrêta et grimaça avant de se souvenir de ce que lui avait dit Hannah : "Ne chercher pas à tout révolutionner". Oui mais en même temps, est-ce que le café avait vraiment sa place à côté du produit pour les vitres ? Elle secoua la tête et se détendit en se disant qu'au pire elle remettrait tout en bazar dès le lendemain.


Après deux heures à ranger et nettoyer la cuisine, elle attrapa la viande et les légumes qui commençaient à faire la tête dans le frigo et prépara un repas express qu'elle déposa sur une assiette et qu'elle plaça sur la table avec un set, des couverts, un verre et une bouteille d'eau. Elle déposa les ustensiles dans le lave-vaisselle, nettoya son plan de travail, attrapa le sandwich qu'elle s'était fabriquée et partit s'installer confortablement sur le canapé avec son livre.



Une porte claqua, puis une autre et encore une autre avant qu'un raclement de chaise ne résonne dans le silence de la nuit. Rachel se retourna dans son lit et grimaça avant de regarder l'heure sur le réveil posé sur la table de chevet : 23h45. Elle entendit le four micro-onde puis le bruit des couverts et haussa les sourcils en se disant que son caractère allait de pair avec sa discrétion apparemment. La jeune femme se redressa et alluma la petite lampe avant d'attraper son livre.


Le bruit de la cuisine s'interrompit pour laisser place à des pas dans l'escalier avant que la porte de la salle de bain ne claque à son tour. Rachel souffla en murmurant.

"- La porte !"

Le bruit de la douche s'écoula pendant environ dix minutes puis la porte et puis celle d'en face et enfin le silence. La jeune femme regarda sa montre : 00h15. Une demi-heure pour manger, se doucher et se coucher. La vie de Ryan Walker n'était visiblement pas ce qu'il y avait de plus palpitant. Rachel poursuivit sa lecture pendant encore une heure avant d'éteindre et de se rendormir.



La nuit n'avait pas totalement cédé sa place à l'aube. Le froid était piquant. Rachel remonta le col de sa veste, inséra ses écouteurs dans ses oreilles et inspira profondément avant de commencer à courir.



Le visage encore ensommeillé et la démarche non assurée, il arriva dans la cuisine en se massant la nuque. Il ouvrit un placard et grogna légèrement. Qu'est-ce qu'ils avaient tous à vouloir ré-agencer la cuisine, bordel ! Après quelques secondes de recherches il trouva enfin une tasse et se retourna pour la poser sur la table mais il arrêta son geste. Devant lui se dressait un set de table avec posé dessus, une tasse, des couverts, un verre de jus d'orange et une assiette sur laquelle était posée un petit mot. La veille, il avait été tout aussi surpris. Certes tout les employés de maison engagés par Hannah avait la même démarche : lui faire à manger mais c'était la première fois qu'on lui dressait la table par contre. Hier soir en rentrant, il ne s'était pas interrogé sur la personne qui venait d'arriver, tout ce que sa tante avait bien voulu lui dire c'est qu‘elle s'appelait Rachel, qu'elle avait 30 ans et qu'elle n'était pas étudiante. Pour le reste, il n'en savait pas plus et comme à son habitude, il ne voulait pas savoir. Comme les autres, elle bosserait pour lui, se lasserait et disparaîtrait de sa vie.


Il attrapa le petit mot et comme la veille il constata l'écriture fine et claire.

"- Votre assiette est dans le four pour la maintenir au chaud, bon appétit et bonne matinée. Rachel."

Il serra les dents et s'empressa de sortir l'assiette qu'elle avait préparé. D'habitude, personne ne lui préparait son petit déjeuner, il se levait trop tôt pour ça c'est la raison pour laquelle il n'avalait qu'un café, mais là, Rachel lui avait cuisiné des toasts, des œufs brouillés et du bacon. Il posa l'assiette sur la table et regarda encore une fois le mot avant de se mettre à manger. Il ne l'avait pas entendu se lever. La veille, en rentrant, il avait trouvé un mot pratiquement identique lui disant que le dîner était à réchauffer au micro-onde et qu'elle lui souhaitait une bonne nuit. Il avait résisté à l'envie d'ouvrir la porte de sa chambre pour voir qui se cachait derrière mais comme à son habitude, il était trop fatigué pour ce genre de plan. Il s'était noyé sous une bonne douche avant de s'écrouler sur son lit en regardant un match de football américain rediffusé dont une fois encore il n'avait pas vu l'issu.


Un quart d'heure plus tard, il sortit de la maison en levant le nez vers le ciel, les nuages étaient très épais et sombres, signe qu'il allait probablement pleuvoir. Il rangea ses clés dans la poche de son jean et remonta l'allée principale en direction du hangar numéro 2 pour commencer son interminable journée de travail.



Elle avait suivi le chemin qui menait de la maison à la grande route puis l'itinéraire jusqu'au grand panneau d'intersection qu'Hannah avait remonté la veille. Environ cinq kilomètres. Le froid et le paysage silencieux et solitaire lui avaient fait un bien fou. Elle avait laissé ses jambes se dénouer au fur et à mesure de sa course, se concentrant sur la musique qui inondait ses oreilles, en ne pensant à rien d'autre qu'au paysage qui défilait devant ses yeux. A Miami, elle courait régulièrement sous un soleil de plomb dans une atmosphère étouffante et souvent chargée de poussière du à l'agitation de la ville. En général pendant son jogging, elle refaisait le point sur sa journée de travail, elle réfléchissait à son mariage avec Jeffrey, au prochain gala de charité...Mais aujourd'hui, rien. Elle ne pensait à rien, elle savourait juste la fraîcheur qui l'entourait, l'odeur de la forêt et des champs humides, ce coin isolé du monde où il n'y avait aucun bruit. Elle n'avait pas besoin de réfléchir aux post-op de ses patients, pas besoin de mémoriser mentalement ses rendez-vous du lendemain, pas besoin de penser aux couleurs de son bouquet de mariée, pas besoin de composer un discours pour une nouvelle soirée organisée par Abigail. Elle était loin de tout ce qu'elle avait toujours connu et pour la première fois en 30 ans, elle se sentait légère et avait la possibilité de faire ses propres choix sans que personne ne vienne la critiquer ou émettre un avis qui l'aurait faite culpabiliser...Enfin elle n'avait pas encore rencontrer le propriétaire du ranch.


Du coin de l'oeil, elle avait surveillé l'heure car elle se souvenait parfaitement ce qu'Hannah lui avait dit : que Ryan détestait le retard. Et en revenant devant la maison, elle grimaça en voyant que la lumière de la maison était allumée. Elle regarda une nouvelle fois sa montre, non, il lui restait cinq minutes. Elle s'était levée vers 4h30 après avoir renoncé une nouvelle fois à se rendormir, trop de questions, trop de souvenirs l'assaillaient. Elle avait préparé le petit déjeuner et s'était changée avant de s'éclipser et après une heure de course, elle avait fait demi-tour en marchant tranquillement profitant des bruits de la nature. Et voilà qu'elle rentrait, trois heures après avoir quitté le ranch, afin de rencontrer son patron pour la première fois.


Elle ouvrit la porte et longea l'entrée pour se rendre dans la cuisine. Elle s'arrêta sur la seuil et serra les dents. Il était grand, le teint halé comme sa tante. Il portait un jean basique, des chaussures de randonnées et un manteau brun assez épais. Il était adossé à l'évier, l'air sombre. En la voyant arrivé, il serra les dents. Il avait vu défilé des dizaines de personnes chez lui : des étudiants vétérinaires, des paumés qui ne savaient pas où se fixer, des gens en quête d'un emploi révolutionnaire ou de sensations fortes, des garçons, des filles, tout le monde rêvait du pays des cow-boy mais personne n'était réellement resté. La faute à son caractère impulsif certainement mais il s'en fichait. Aucune de ces personnes n'avait su trouver grâce à ses yeux. Et Rachel ne serait certainement pas l'exception. Elle était jolie mais elle non plus ne ferait pas le poids face à lui et au ranch.


Elle se tenait devant lui, sans dire un mot. Il la détailla rapidement. De taille moyenne, la peau claire, fine, elle avait quelques perles de sueur sur le front et sa cage thoracique se soulevait rapidement pour retrouver un rythme normal. Encore une fille à papa adepte des salles de sports, du bien-manger et du politiquement correcte. La pauvre allait rapidement déchanter ici.


Elle portait des baskets blanches, un leggings noir et une veste grise et noire à col montant. Elle retira rapidement ses écouteurs et se racla la gorge mais alors qu'elle s'apprêtait à parler, il la devança.

"- Il est 8h05.

- Il est 8h.

Elle désigna sa montre. Il plissa les yeux et soupira, il avait bien trop de boulot qui l'attendait pour ne pas perdre du temps en se disputant avec elle maintenant.

- Hannah vous a fait le briefing ?

- Oui elle m'a donné toutes les informations nécessaires mais elle m'a dit que vous compléteriez.

- Vous voulez savoir quoi ?

Rachel haussa les sourcils prise de court.

- Euh...Je...

- Vous avez des questions ou pas ?

- Euh oui certainement mais...

Ryan secoua la tête ne soupirant.

- Je ne vais pas vous faire le topo tous les jours...Alors réfléchissez rapidement...Hannah vous a donné les infos pour le repas des gars ?

- Oui.

- Les touristes ?

- Oui.

- La coopérative ?

- Oui.

- Le planning, les sous traitants ?

- Oui.

- Hé ben vous avez plus rien à demander...Allez on va faire un tour.

Il s'éloigna de la cuisine mais Rachel le stoppa.

- Une petite minute.

Il se retourna pour lui faire face.

- Quoi ?

- Les courses ?

- Quoi les courses ?

- Je les paye comment ?

- Ah oui...

Il fouilla dans la poche arrière de son jean et sortit son porte feuille avant de déposer une petite carte sur la table.

- Le plafond est limité à 250$ par mois si ça ne suffit pas, faudra justifier les dépenses à la banque et ils augmenteront le débit...Autre chose ?

- Euh la coopérative à Whitefish ça se passe comment ?

- Les gars vous chargeront la camionnette entre midi, vous devez être là bas pour 14h, c'est à 15 minutes d'ici, vous pouvez pas vous trompez c'est sur la grande route. Une fois là bas vous passez à l'accueil pour signer le registre, c'est le stand numéro 8, les prix sont déjà définis avec la direction, vous déchargez les produits, vous faites un joli sourire aux clients, vous empochez l'argent et vous revenez pour 17h.

- Et je remet l'argent à qui ?

- Y a une sacoche rouge dans le bureau, premier tiroir, vous mettez l'argent dedans. On fait un dépôt à la banque à la fin de la semaine.

- Et comment je suis censée gérer les clients là bas, j'y connais rien.

- Improviser, ils le font tous...Les gens qui vivent dans la région non pas besoin d'information sur nos produits ils les connaissent déjà.

- D'accord...

Elle soupira et Ryan enchaîna.

- Vous gérez l'entretien de la maison comme vous le voulez mais...

- Oui je sais interdiction d'entrer dans la chambre de vos parents ou dans le grenier et je dois attendre vos directives en ce qui concerne votre chambre.

- Le bureau est à faire une fois par semaine, la salle de pause, les vestiaires, la salle de soin de la véto c'est...pas nécessaire, quand à la salle d'accueil pour les touristes, une fois par mois ça devrait suffire.

- Ok.

- Evitez de tout changer de place sinon ça va me gonfler.

Elle arqua un sourcil.

- Evitez les asticots dans le frigo parce que ça m'a écœuré.

Ils se regardèrent intensément et Ryan sortit ses clés de sa poche en serrant les dents.

- En ce qui concerne les courses vous passez d'abord par la coopérative et si vous ne trouvez pas ce que vous voulez y a un supermarché à Whitefish.

- Je suppose que tout ce qui est produit frais provient de votre ferme ?

- La viande est préparée à l'abattoir d'Evergreen, à 20 minutes d'ici, c'est le meilleur de la région. Une fois prête elle nous revient, on prélève ce qu'on veut pour nous, le reste part à la coopérative.

- Vous ne travaillez qu'avec la coopérative ?

- Les prix sont plus raisonnables que si on vendait à des grossistes ou aux sociétés agro-alimentaires.

- D'accord.

Il regarda sa montre.

- Allez on y va."


Elle le suivit dehors et ils longèrent la maison. Le soleil perçait les nuages de manière éparse, il se reflétait sur les champs aux alentours, donnant l'impression d'un éclat doré qui inondait la terre.

"- Bâtiment numéro 1 : maison et garage. Bâtiment numéro 2 : la grande grange avec le hangar de stock alimentaire pour le bétail, le matériel, vestiaire, salle de pause, salle du véto, mon bureau. Bâtiment numéro 3 : hangar des bovins qui est divisé en deux pour séparer les vaches des taureaux, bâtiment numéro 4 : la grange des touristes, bâtiment numéro 5 : le Haras des chevaux. Disséminés sur le site vous avez trois petites granges qui abritent les différents véhicules qu'on utilise.

Rachel essaya de fixer le plan dans sa tête en tentant de suivre le rythme rapide de Ryan qui était déjà repartis. Il lui montra concrètement les différents baraquements mais à aucun moment, elle ne croisa un membre du personnel. Elle allait demander des précisions au jeune homme, quand au détour d'un petit chemin, elle s'arrêta.


Il y avait plusieurs vaches noires assez grosses qui paissaient tranquillement au milieu de l'herbe avec pour les surveiller trois hommes à cheval, en jeans, en manteaux et sans oublié chapeaux de cow-boys. Elle entendit un sifflement et aussitôt un chien déboula de nulle part pour aboyer fortement auprès de deux vaches qui semblaient se quereller. Un des homme leva son lasso et empoigna l'encolure de la bête en tirant légèrement dessus pour la faire reculer mais elle revint aussitôt à la charge. Ryan grogna. Rachel tourna la tête vers lui, il avait les sourcils froncé et les épaules tendues.

"- Sépares-les Quinn !

L'homme tira un peu plus fort sur l'encolure mais la vache donnait maintenant des petits coups de sabots en baissant la tête et Rachel comprit que ce n'était pas des vaches mais des taureaux.

- C'est pas plus gros un taureau normalement ?

- Ils ont moins d'un an et n'ont pas encore atteints leur maturité. Leurs cornes ne sortiront qu'en fin d'année, pour l'instant ils sont juste juste un peu bagarreur.

Il leva le bras et désigna le troupeau.

- Ils sont quinze, ils seront vendus la semaine prochaine.

- Ils partent à l'abattoir ?

- Non ils partent pour le Texas, ils seront formés au rodéo.

- Vous faites beaucoup de transactions de ce genre ? Hannah m'a dit que les pures sang partaient pour le Kentucky.

- C'est le principe même des meilleures fermes des Etats-Unis, achat/vente de bétail en tous genre, ça vous permet de croiser des races ou au contraire de faire perdurer un bon pedigree. Ces taureaux sont des Bos Taurus Angus, les meilleures taureaux au monde. A l'âge adulte ils peuvent atteindre deux tonnes.

Rachel écarquilla les yeux.

- Ils deviennent soit des bêtes de concours, rodéo, présentation, corrida...Ou alors on les laisses vivre à l'air libre le plus longtemps possible pour qu'une fois mature leur viande soit la meilleure du marché.

Un grognement sourd se fit entendre et Rachel vit qu'un deuxième homme aidait Quinn à séparer les taureaux.

- Ils sont jeunes...Mais il faut éviter qu'ils se blessent parce qu'une lésion équivaut en général à un abattage précoce et ça rapporte moins.

- Vous n'avez que trois hommes qui bossent pour vous ?

- Non...

Il siffla fortement et les cavaliers tournèrent la tête ver leur chef avant d'approcher avec leur cheval. Chacun retira son chapeau et Ryan fit les présentations.

- Rachel, je vous présente Quinn Mason, Eliott Barnes et Scott Summers

- Bonjour M'Dame.

- Bonjour.

- Bienvenue dans le Montana.

Rachel esquissa un sourire un peu timide et leva une main pour les saluer.

- Bonjour.

Ryan leva un sourcil en la regardant rentrer la tête dans ses épaules. Ils étaient tous les trois plutôt jeunes, typés indiens d'Amérique comme Ryan, plutôt grands et musclés et ils semblaient obéir au patron au doigt et à l'oeil car lorsqu'il leur fit un mouvement de tête et ils repartirent rapidement à leur tâche.

- Ils travaillent pour le ranch depuis douze ans, pour le reste du personnel : il y a exactement 15 personnes embauchées à l'année, pour la plupart ce sont des gens du coin qui cherchent un boulot en extra. Ce sont souvent les mêmes gars qui reviennent. Ils s'occupent du bétail, des récoltes, de l'entretien du matériel etc...Vous verrez que nous sommes rarement en équipe complète, Hannah a fait le planning pour le mois prochain, jetez-y un coup d'oeil pour avoir une petite idée de l'organisation.

- Ok.

Au même moment un cavalier arriva au galop.

- Ryan...Berckley est encore une fois sur le versant nord.

Le propriétaire du ranch soupira.

- Il m'a encore pété la clôture ?

- Non la porte était mal fermée...J'ai jeté un coup d'oeil c'est parce que le loquet est foutu.

- Dis à Mike de me régler ça avant la pause déjeuné. QUINN ! Tu me sépares les deux têtes de mules là au lieu de faire de la médiation.

Puis il contourna Rachel et celle-ci le suivit des yeux, il détacha un cheval qui l'attendait près d'une barrière en bois et monta dessus avant de s'adresser à elle.

- On est lundi, n'oubliez pas...

- C'est bon je m'en sortirais.

Il la regarda attentivement. Quelques mèches s'échappaient de sa coiffure, ses joues étaient rosies par le froid, elle tremblait mais pourtant son regard était sombre signe qu'elle tentait d'avoir une certaine assurance face à l'ampleur de la tâche qui l'attendait. Ryan n'avait pas le choix, pour aujourd'hui il devait lui laisser le bénéfice du doute.

- C'est dans votre intérêt."

Il resserra les rênes autour de ses mains et l'observa sans un sourire avant de claquer le flanc du cheval et de s'en aller au trot. Rachel soupira, il était clair qu'ils n'allaient pas s'entendre à merveille tous les deux, elle aurait du mal à être aussi obéissante que les membres de son personnel, surtout si elle devait gérer la maison et les quelques tâches administratives qu'on lui confiait. S'il ne lui laissait pas une certaine marge de manœuvre, ça allait rendre ses journées très compliquées et il était hors de question qu'il lui complique la vie. Elle avait fui le bazar de son quotidien, ce n'était pas pour recommencer.



Rachel retourna rapidement à la maison où elle prit une douche rapide avant de récupérer le dossier qu'elle avait constitué durant la nuit sur la gestion des touristes. Elle attrapa ses clés et sortit pour rejoindre le bâtiment numéro 4. Elle déverrouilla la porte, alluma la lumière et fronça les sourcils. C'était une grande pièce avec un comptoir d'accueil et des bancs, il y avait des affiches au murs, des présentoirs à prospectus, de la poussière et une poubelle pleine à craquée. Rachel soupira en regardant sa montre, le groupe de vacanciers devait arriver dans moins de dix minutes, elle n'avait absolument pas le temps de ré-agencer et de nettoyer le hall d'accueil. Elle posa son dossier sur le comptoir et ouvrit la porte de la salle de restauration qui ressemblait à un libre-service. Hannah lui avait noté d'allumer les étalages à sandwichs et à boissons et de vérifier les toilettes.


La jeune femme serra les dents avant de coincer ses cheveux dans un chignon un peu lâche. Il était clair que le personnel du ranch semblait dépassé par le nombre de choses à gérer sur le site, et en se rappelant sa conversation avec la tante de Ryan concernant la valse importante des gouvernantes, elle comprenait que personne n'avait jamais été à la hauteur du poste en question. Etait-ce uniquement à cause du caractère du propriétaire ou juste par ce que le job était ingrat. Sur le moment elle hésita mais en balayant la pièce du regard, la réponse pour elle était simple, ce travail c'était sa chance de pouvoir faire autre chose et d'aider un peu le personnel alors elle ferait ce qu'il faut pour que tout le monde soit satisfait.


Elle remonta ses manches et ouvrit toutes les fenêtres pour aérer la pièce, elle vida les poubelles, désinfecta les sanitaires, passa un rapide coup de balai et nettoya les tables, elle se contenta d'un minimum, en se disant qu'elle ferait un grand dépoussiérage plus tard. Au moment où elle terminait de rincer son éponge, elle entendit la porte d'entrée. Elle se confectionna un large sourire et passa dans le hall.

"- Bonjour Messieurs, Dames. Bienvenue au Walker River Ranch."



"- Vous êtes nouvelle ?

Elle compta le nombre de carton de livraison en esquissant un sourire.

- Je suis arrivée hier.

Le livreur rigola.

- Bonne chance."

Elle secoua la tête avant de pousser son chariot vers le restaurant où elle déballa l'ensemble de sandwichs pour les touristes. Elle les compta rapidement avant de froncer les sourcils face à l'erreur de calcul concernant les commandes effectuées puis elle prit des notes sur son carnet. Elle termina le nettoyage de la salle qu'elle avait commencé quelques minutes plutôt, repositionna les tables et les chaises dans un ordre différent pour optimiser l'espace et une fois satisfaite, elle referma la porte et se dirigea vers la maison où elle devait élaborer le repas pour l'équipe.


Mariella lui savait tout appris, comment s'occuper du linge, comme s'occuper de la maison et comment bien cuisiner. La gouvernante hispanique lui avait enseigné ces rudiments en lui stipulant que pour être une femme accompli il fallait savoir mettre une machine en route, cuire un steak, récurer un évier sans y passer trois heures et surtout avoir un métier dont on pouvait être fière en gagnant suffisamment d'argent pour se passer d'un homme. Rachel avait beaucoup rit de cet enseignement mais quand elle y regardait de plus près ce n'était pas si stupide, ça avait permis à Mariella de quitter le Mexique et son ex mari qui la battait pour travailler aux Etats-Unis dans une famille très importante.


Rachel n'avait pas peur de son nouveau poste, ça la changeait considérablement d'un bloc opératoire mais ça lui faisait finalement un bien fou d'être totalement éloignée de ce qu'elle avait fait pendant presque 10 ans sans interruption. Elle ne pensait à rien quand elle cuisinait, elle ne pensait à rien quand elle passait le balai. Elle était loin de sa famille, de ses amis mais au final peu lui importait, sur le moment elle se sentait libre, libre de penser comme elle le voulait, libre de faire ce qu'elle voulait sans que personne ne la regarde comme une écervelée. Oui elle avait nettoyé les toilettes ce matin mais au moins sa mère ne lui avait pas pris la tête pour la couleur de la nappe à son mariage. Oui elle avait cuisiné pour 10 personnes mais son père n'était pas là pour la regarder de travers ou pour grogner sans prononcer un mot parce que son travail à l'hôpital ne lui plaisait pas. Oui elle n'était pas maquillée et elle ne verrait pas sa sœur lever les yeux au ciel.


La jeune femme esquissa un sourire en respirant profondément, ses épaules s'abaissèrent comme pour libérer les dernières traces de tension dans son corps et elle termina d'assaisonner la sauce avant d'emporter son plat vers la salle de pause.


La salle de pause ?...La salle à cochonnerie plutôt...Est-ce que tout les garçons ont la même manie de toujours tout laisser traîner ? Elle secoua la tête, débarrassa la table, nettoya la cafetière en refaisant couler du café, vida la poubelle, fit le tri dans le petit frigo de tout ce qui n'était plus comestible, jeta quelques prospectus et affiches aux murs, froissés, effacés ou dépassés. Elle vérifia les réchauds, disposa la table et posa un petit mot au milieu des couverts avant de refermer la fenêtre qu'elle avait ouverte pour aérer la pièce et de repartir vers la maison.



"- Tu rigoles Johnson était blessé pendant huit mois la saison dernière et pourtant c'est le joueur le mieux classé cette année.

- Oui mais pas sur le circuit de la NBA.

- 10$ qu'il y sera l'année prochaine.

- Y se fait trop vieux.

Eliott fronça les sourcils et regarda le chef resté en retrait.

- Non je descendrais pas en dessous des vingt milles...Vous vous débrouillez comme vous voulez je m'en fous...Non pas avant vendredi j'ai des taureaux en partance pour le Texas qui doivent être marqué avant le week-end...Ouais c'est ça.

Il raccrocha sèchement avant que son ami et collègue ne vienne lui tapoter l'épaule.

- Allez viens manger et oublis la banque une seconde.

Ils pénétrèrent tous ensembles dans la salle de pause.

- Oh la vache.

Scott écarquilla les yeux.

- Depuis quand le canapé est bleu ?

- Il a toujours était bleu.

Ryan grogna légèrement, il ne l'aimait pas, à sa façon de lui avoir disposer son assiette hier soir, il avait su qu'il ne l'aimerait pas. Trop belle pour l'environnement, trop frêle pour supporter le climat et les sautes d'humeur du patron, avec un curriculum trop gonflé pour récurer des toilettes, c'était voué à l'échec, trop maniaque, trop...Non il ne l'aimait pas.

- Je sens qu'elle va me gonfler.

Eliott s'approcha de la fenêtre.

- Elle a fait les vitres ?

Un des hommes de mains s'approcha des plats et ferma les yeux.

- Oh qu'est-ce que ça sent bon.

Quinn attrapa le mot sur la table.

- Aux travailleurs de ce ranch, je vous conseille de laisser les pièces nettoyées, propres et rangées car la personne qui s'acharne à le faire, vous fait également à manger. Tâchez de vous en souvenirs.

- Oh c'est des lasagnes maison...Elle est géniale.

Ryan grimaça.

- On est pas l'école, pour qui elle se prend ?...Ca y est elle me gonfle.

Un autre employé fit une petite moue en s'asseyant.

- En tout cas elle est canon.

Le chef pointa un doigt vers lui.

- Un petit conseil Trevor laisses ta queue derrière ta braguette si tu veux pas finir castré...La dernière fois que t'as voulu jouer au bourreau des cœur avec la gouvernante, ça a failli virer au drame.

- C'était une étudiante naïve...Celle-là a visiblement plus de caractère, ca pourrait être intéressant.

- Fais déjà ton boulot correctement avant de vouloir te la faire.

- En tout cas, sa cuisine est top.

Ryan tourna la tête vers un autre gars et attrapa l'assiette qu'il lui tendait avant de se diriger vers les escaliers en secouant la tête.

- C'est l'attrait de la nouveauté dans un mois elle sera repartie et vous passerez à autre chose."



Comme la plupart du temps, il s'installa à son bureau pour manger et régler un peu sa paperasse, seulement il était dépassé comme à chaque fois. Le ranch fonctionnait bien mais il engloutissait un fric fou dans la gestion de touristes et dans le maintien de la race de pures sang qui demandaient plus d'attention car ils étaient plus fragiles. La banque était devenue frileuse depuis la crise internationale et bien qu'il n'ait pas besoin d'un soutient financier de leur part, il sentait qu'il leur devait des comptes car il traitait avec eux depuis de nombreuses années et que si un jour il lui fallait demander un crédit, il fallait que la confiance aille dans les deux sens et pour l'instant la banque craignait le gouffre financier du à la mauvaise gestion des dépenses et au peu de recette qu'il faisait.


Il claqua son stylo sur la table et soupira. Depuis le décès de ses parents il avait mis un point d'honneur à poursuivre la route qu'ils avaient tracé mais il se laissait parfois un peu dépasser. Il était comme son père, amoureux de la terre et des bêtes avant tout. Les vacanciers, c'était une idée de sa mère et elle avait toujours géré les choses, de leur accueil, jusqu'à la visite du ranch, la découverte des animaux et des produits locaux avec leur vente directe parfois mais aujourd'hui ils n'achetaient plus car on n'avait pas le temps de leur présenter les produits, on n'avait pas le temps de leur faire correctement à manger alors ils dévoraient des sandwichs que Ryan faisait livrer d'un traiteur de Whitefish mais bien trop cher pour être rentable. Le jeune homme se rendait bien compte qu'il dégradait tout ce que ses parents avaient bâti mais il ignorait comment redresser la barre.


Il souffla fortement avant d'attraper sa fourchette et de commencer à manger en lisant une nouvelle fois les recommandations du banquier. Il s'arrêta à la première ligne et fronça les sourcils en tournant la tête vers son plat.

"- Pourquoi faut que tu saches cuisiner en plus !"



Trevor calqua la porte de la camionnette et regarda Rachel.

"- Quand vous arrivez là-bas, demandez à l'hôtesse d'accueil de vous appelez quelqu'un pour décharger et si elle dit qu'elle n'a personne, insistez, Nancy est une cruche elle a pas envie de se fouler.

- D'accord, merci.

- De rien mais merci à vous, vos lasagnes étaient sublimes...Un peu comme vous d'ailleurs.

Rachel écarquilla les yeux.

- Je suis touchée merci.

- Whitefish est à 15 minutes...Si vous voulez découvrir la ville je peux vous emmener boire un verre ce soir.

Elle s'arrêta de respirer et avala péniblement sa salive.

- Je vous remercie pour votre sollicitude mais je ne crois pas que mon fiancé apprécierait.

- Vous êtes fiancée ?

- Oui.

- Et vous vous planquez dans le Montana ?

Elle se redressa et serra les dents.

- Je ne me planque pas...Ce que je fais ici ne vous regarde pas...Maintenant j'ai du boulot veuillez m'excuser."

Elle le contourna et grimpa à la place conducteur avant de démarrer et de quitter le ranch, en proie à une légère irritation.


Non elle ne se planquait pas...Elle réfléchissait aux déboires de sa vie...Dans le Montana...A presque cinq mille kilomètres de distance de Jeffrey et de leur projet de vie commune. Elle secoua la tête...Non elle ne se planquait pas.



La coopérative agricole de Whitefish était rassemblée dans un bâtiment aux abords de la ville, dans une sorte de vieux hangar, il s'étendait assez largement et en arrivant sur le parking, Rachel vit plus d'une centaine de véhicules. Elle tenta de réduire les tremblements de son corps avant de se rendre au bureau d'accueil où une jeune femme d'environ 40 ans se mettait du vernis à ongles.

"- Euh bonjour.

La femme haussa les sourcils en constatant que Rachel semblait perdue.

- Votre nom, le nom du site, vous remplissez la feuille et vous déchargez à votre stand.

- D'accord mais quelqu'un peut m'aider à décharger ?

L'hôtesse esquissa un mauvais sourire.

- Ma belle c'est la loi de la jungle ici, chacun pour sa pomme...La campagne quoi !...

Elle la détailla des pieds à la tête.

- Y a un chariot de décharge si vous voulez, derrière la porte.

La jeune femme se mordit la joue, inutile de s'attirer les foudre de l'hôtesse, elle ne voulait pas que Ryan apprenne qu'elle n'avait pas correctement remplie sa mission, c'est pourquoi elle redressa la tête et souffla.

- Ok.

Elle griffonna la feuille et la lui rendit avant de retourner sur le parking pour sortir la marchandise. La plupart des cartons contenaient de la viande, produite sur le site et traitée à Evergreen. Il y avait aussi quelques pots de miel. Rachel fronça les sourcils, elle n'avait pas vu de ruche pourtant. Pour le reste il s'agissait d'un peu de légumes et des œufs. Mais où se trouvait les poules et le potager ? Visiblement Ryan ne lui avait pas tout montré ce matin. Elle claqua la porte et commença à pousser le chariot qui était soudain devenu beaucoup plus lourd. Elle s'apprêta à rentrer dans le bâtiment mais alors qu'elle bataillait avec la porte, elle entendit une voix grave.

- Attendez je vais vous aider.

Un jeune homme au chapeau noir et manteau rouge empoigna le chariot alors qu'il lui désignait la porte.

- Je vous remercie beaucoup.

- Je vous en prie...Vous auriez du demander à Nancy de vous appeler un gars.

- Euh...

- Elle vous a remballé ?

- Oui.

- C'est Nancy...Elle déteste son boulot, elle déteste cette ville, elle déteste son mari...En fait elle rêve de s'installer en Floride.

Rachel rigola légèrement et murmura.

- Ben tiens donc.

Une fois à l'intérieur, il lui tendit la main en retirant son chapeau.

- Curtis Stanton.

- Rachel.

- C'est la première fois que je vous vois ici...Vous venez d'où ?

- Je travaille euh...Pour Ryan Walker

- Oh vous êtes la nouvelle gouvernante.

Elle éclata de rire en entendant le ton bougon du jeune homme.

- Oui...J'imagine que la popularité de ce poste à du faire le tour de la région.

- De l'Etat vous voulez dire...Je connais Ryan depuis toujours on était à l'école ensemble, c'est quelqu'un de bien, la mort de ses parents lui a fichu un sacré coup. Il n'est plus très...au point sur les relations sociales.

- Oui c'est ce qu'on m'a dit...Vous êtes toujours amis ?

- On n'a jamais été amis, j'ai juste dit qu'on était à l'école ensembles. Mon père tient un ranch à vingt kilomètres du sien et...la concurrence ça se transmet.

- Je vois, bon je ferais mieux d'y aller.

- Si je peux vous donner un petit conseil, ne tentez pas de négocier quoi que ce soit avec les acheteurs, restez alignés sur les prix définis, ne vous laissez pas avoir par ce qu'ils vous diront.

- D'accord, je vous remercie.

- Je vous en prie, j'ai été ravi de vous rencontrer."

Elle hocha la tête et le regarda s'éloigner avant de se rendre dans la salle principale pour décharger la marchandise.


Au final, le but de cette manœuvre était extrêmement simple, le principe ressemblait à une énorme criée où les restaurateurs du coin, les bouchers et quelques supermarchés et particuliers venaient acheter les produits dont ils avaient besoin. Comme il n'y avait pas d'intermédiaire, les prix étaient fixes et cela permettait à chaque ferme de récupérer directement l'argent de sa vente. Enfin...Presque. Tout en attendant les clients, Rachel se connecta à internet via son téléphone portable. Elle surfa quelques instants avant de froncer les sourcils. Puis un raclement de gorge se fit entendre et elle aperçut un homme en chemise en jean et casquette sur la tête lui faire face.

"- Je voudrais un colis numéro 3.

Pas de bonjour, pas de s'il vous plaît, la politesse n'était pas de mise dans le coin. Elle se retourna et attrapa la feuille de traçabilité qu'il fallait faire signer au client. La viande était répartie dans différents cartons, emballée sous vide. La plupart des colis contenaient des morceaux des différents parties du corps de l'animal pour un multiple usage. Rachel avait juste besoin de répertorier la vente et empocher l'argent. L'homme signa la feuille sans un regard pour la jeune femme et sortit son porte feuille avant de grimacer.

- Vous le me faites à 25$.

Elle haussa les sourcils, là ce fut le coup de grâce.

- Déjà on dit : pouvez-vous me le faire à 25$ S'IL VOUS PLAIT !

Involontairement elle avait haussé le ton et l'homme qui lui faisait face écarquilla les yeux alors que plusieurs autres personnes se retourner pour la regarder.

- Ensuite : c'est hors de question. Vous savez quel est le prix du kilo de Taureau Angus sur le marché ?

- On regarde pas la bourse par ici ma belle.

- Oui ça je sais mais négocier une viande pareille à 25$ c'est sacrément gonflé de votre part, lorsqu'on sait que le prix affiché est de 45$ et que le marché de Wall Street vous la côte à 115$ alors de deux choses l'une : vous me dîtes s'il vous plaît, vous remonter votre prix à 65$ et vous faites savourez vos plats dans votre restaurant ou vous dégagez.

Elle avala péniblement sa salive alors que l'homme en face d'elle la défiait du regard. Puis tout à coup, il esquissa un sourire et lui tendit une liasse de billets.

- Une chose est sûre...Il ne va pas s'ennuyer avec vous.

Elle récupéra l'argent en tremblant.

- Il a intérêt à vous garder précieusement.

Il réajusta sa casquette et inclina la tête.

- Je vous souhaite un bon après-midi mademoiselle."

Elle souffla doucement avant froncer les sourcils. En partant il faudrait qu'elle dise deux mots à la direction.



"- NON MAIS VOUS ETES CINGLEE ?

Elle sursauta et se cogna à la carrosserie de la camionnette. Ryan se tenait devant elle visiblement hors de lui.

- QUI VOUS A PERMIS DE RENEGOCIER LES PRIX A LA COOPERATIVE ??

Elle ferma les yeux et soupira en secouant la tête avant de baisser ses épaules.

- C'est pour ça que vous criez ?...Vous devriez me dire merci plutôt.

Il fit un pas vers elle.

- VOUS VOUS FOUTEZ DE MOI ?

- Mais arrêtez de criez, j'ai rien fait de mal...Vous ne vous rendez pas compte que vous êtes en dessous de la côte nationale ?

- MAIS LA BOURSE ON NE SAIT MEME PAS CE QUE C'EST DANS LE COIN, ALORS LAISSEZ-LA OU ELLE EST BORDEL !

- Oh je vous en prie, n'en faites pas une montagne, j'ai juste relevé un peu vos prix j'ai tué personne !

- Moi ça commence à me démanger.

Ils se regardèrent intensément et Rachel se redressa en avançant, un doigt pointé vers lui.

- Vous ne me faites pas peur alors baissez d'un ton, pigé ? Je bosse pour vous, alors vous me faites confiance ou vous demandez de dégager. 45$ un colis de viande de taureau, ah il doit bien se marrer le taureau.

- Oh mon Dieu.

Hannah plaqua sa main sur sa bouche pour ne pas éclater de rire. Elle se trouvait en retrait avec d'autres membres du personnel, assistants à la scène qui se déroulait sous leurs yeux, complètement abasourdis par l'échange entre Ryan et Rachel.

- 115$ sur le cours du marché vous ne pouvez pas l'ignorez, alors que vous vouliez des prix attractifs pour conserver une relation commerciale optimale avec les différents acheteurs de la région, je veux bien mais pas au ras des pâquerettes. Les gens viennent sur le stand pour la qualité du produit que vous mettez sous leur nez.

- Ils ne risquent plus de revenir si vous continuez à vous mêler de chose qui nous vous regarde pas.

- Non mais vous vous entendez ? Vous me demandez de travailler pour vous mais d'ignorer ce qui absurde ?

- Je vous demande rester à votre place.

- Qui est ?

Il plissa les yeux et serra les dents.

- Celle de la bonne à tout faire !

Hannah grimaça.

- Mais c'est pas vrai.

Rachel haussa les sourcils.

- Et bien dans ce cas, demain c'est vous qui irez à la coopérative à ma place.

Scott rigola.

- Dans les dents.

Mais Ryan ne se laissa pas démonter.

- Il n'en est pas question, c'est votre boulot c'est pour ça que je vous paye.

- MAIS JE L'AI FAIT MON BOULOT ET CORRECTEMENT EN PLUS ! ALORS ARRETEZ DE ME PRENDRE LA TETE C'EST COMPRIS ?

Elle s'approcha de lui et son doigt entra en contact avec son torse, il écarquilla les yeux.

- Je vous ai rendu service, alors ou vous me dites merci ou vous me demandez de partir mais ne me faites pas perdre mon temps avec votre pseudo colère parce que j'ai ai pris une décision sans vous concerter, parce que si vous ne voulez pas vous mouillez en vous rendant directement sur place pour gérer la vente de VOS produits qui provient de VOTRE ranch, vous la fermez et vous me laissez bosser comme je l'entends...Si encore je vous avez fait perdre de l'argent ou des clients...Non mais c'est dingue c'est le monde à l'envers quand même !

Il la regarda fermer la porte du véhicule, attraper son sac avant de lui fourrer une enveloppe dans la main et se retourner pour remonter vers la maison.

- Pour votre gouverne patron, vous avez huit clients de plus et 15 000$ entre les mains.

Hannah écarquilla les yeux, Eliott recracha sa gorgé de soda, Scott et Quinn se regardèrent en riant. Ryan se figea et la regarda attentivement alors qu'elle lui lançait une dernière réplique.

- Payez-vous des cours de politesse."



Elle dégagea ses cheveux sur son front et soupira avant de griffonner quelques notes sur un gros bloc note. Elle tourna une page et continua sa lecture puis son téléphone sonna et elle pianota les touche.

"- Désolé pour le retard mais ma réunion s'est éternisée. Je vais très bien mais tu me manques ma chérie, je m'inquiète pour toi, même si tu me dis que je ne dois pas m'en faire. Tu ne veux toujours pas me dire où tu te trouves ? Tu as eu une idée excessive mais dans le fond je peux comprendre ton besoin de solitude après ce qui c'est passé. Souviens-toi juste d'une chose Rachel, même si ta licence de chirurgie et pédiatrie t'a été retirée tu restes et tu resteras un excellent médecin car comme je te l'ai dit avant ton départ, tu agis avec ton cœur et c'est ce qui fait toute la différence. Prends bien soin de toi mon amour, je t'aime. Jeffrey."

Le mail de son fiancé lui serra le cœur et elle ferma les yeux pour ne pas pleurer. Avait-elle tord ? Devait-elle rentrer et tout recommencer ? Sa démarche ressemblait-elle à un caprice ? Une absurdité ? Elle était toujours médecin, alors que faisait-elle ici à passer le balai, à faire à manger ? Elle ne savait plus où elle en était.


Devant elle s'étalait un énorme ouvrage de médecine générale, avant de reprendre un poste de généraliste elle voulait avant tout se replonger dans ses anciens cours afin d'être sûr de pouvoir exercer sans commettre d'erreur, elle voulait être tout à fait au point.


La porte d'entrée claqua et Rachel serra les dents en regardant sa montre. Il était 22h45. En voyant la lumière allumée, Ryan fronça les sourcils et s'avança jusqu'au seuil du salon. Ils se regardèrent et la jeune femme referma rapidement son livre avant de se lever.

"- Vous n'êtes pas couchée ?

- Il n'était pas stipulé dans le contrat que je devais me coucher avant votre retour et comme je ne suis plus une petite fille.

- Ouais...

Il haussa les sourcils face au ton agressif qu'elle employa, visiblement elle était toujours vexée par la remontrance qu'il lui avait fait tout à l'heure seulement il était fatigué par sa journée et n'avait plus du tout envie de se battre avec elle, il lui tourna donc le dos mais elle l'arrêta.

- Ryan..Je voulais m'excusez...

Il la regarda attentivement.

- Pourquoi ?

- J'ai outre passé les droits que vous m'aviez accordé et...Je n'aurais pas du me mêler de vos ventes sans vous en parler.

- Non vous n'auriez pas du !

Elle baissa la tête et soupira...Elle n'avait définitivement pas sa place ici, son cœur se serra et ses yeux s'embuèrent. Elle se sentait tellement perdue. Il la vit trembler légèrement et il serra les dents. Si frêle...Il soupira.

- Vous avez mangé ?

- Non.

- Alors venez.

Il lui fit un signe de tête et ils se dirigèrent vers la cuisine. Comme la veille, Rachel avait disposé la table et écrit un petit mot que Ryan regarda discrètement : A réchauffer au micro onde, bon appétit.

Il réchauffa son plat et ouvrit le tiroir pour attraper une autre fourchette. Il s'installa à table et désigna la chaise face à la sienne à Rachel qui tira sur les manches de son pull avant de s'installer. Le jeune homme lui tendit la fourchette et poussa l'assiette au centre de la table. Il prit un temps avant de parler et souffla doucement.

- Le ranch appartenait à mon arrière grand-père paternel.

Elle l'observa quelques secondes, les traits tirés par la fatigue, des cernes, les cheveux en bataille, un parfum atténué et sauvage, les mains calleuses et pourtant une étincelle au fond des yeux.

- 4e génération alors ?

Sa voix était faible et chevrotante, il se retint de sourire.

- Ouais...Ma mère venait de l'Etat de Washington, une réserve indienne près du parc national Olympic.

- Elle a suivi votre père ?

Il serra les dents et joua avec une carotte.

- Mon père était à Redmond pour une vente d'Appaloosa, elle était là parce qu'elle avait véritable passion pour les chevaux. Ils se sont rencontrés sur un des stands et...

Il haussa les sourcils.

- Ils ne se sont plus séparés.

Ses mots butaient les uns contre les autres, de vieux souvenirs qui s'entrechoquaient au fond de sa tête et qui martelaient son cœur pour raviver une douleur qu'il ne voulait pas réentendre.

- Ils ont mis toute leur énergie et leur passion dans ce ranch, ils adoraient ça. Et ca fonctionnait parce qu'ils travaillaient avec plaisir.

- Ce n'est pas votre cas ?

- Bien sûr que si mais...Ils n'ont...

Il avala difficilement sa salive, c'était facile de parler avec elle mais nouveau pour lui, il ne se confiait jamais à personne d'habitude. Le visage de Rachel était doux et son regard profond, elle n'avait posé aucune question depuis son arrivée et là, elle attendait tout simplement.

- Ils n'ont pas eu le temps de tout me transmettre.

- J'ai l'impression qu'ils vous ont transmis le plus important au contraire.

- Quoi ?

Il planta son regard dans le sien et elle frissonna en murmurant.

- Leur passion, leur amour des bêtes, de la Terre...Vous êtes quelqu'un d'asocial il n'y a pas de doute mais...Ce que j'ai vu dans votre regard quand vous m'avez parler des taureaux et des chevaux ce matin...Même si c'était succinct, c'était présent quand même, un mélange de fierté et de reconnaissance, une sorte d'enthousiasme muet, ça n'a duré que quelques secondes mais c'était fort.

Il secoua la tête et piqua un morceau de viande.

- C'était ma mère qui gérait les touristes et la coopérative...Je les ai négligé.

- Vous ne pouvez pas tout faire...Je n'aurais pas du me mêler de...

Il l'arrêta d'un geste.

- Jusqu'à présent ce n'était qu'un poste insignifiant...Si vous vous mettez à tout révolutionner, si ça marche, si je vous fait assez confiance pour ça et que vous repartez...Je ne pourrais pas assurer la continuité de tout ces changements après, vous comprenez ? Personne n'a jamais été à la hauteur avant vous.

- Pour l'instant je suis là.

Ils se regardèrent longuement.

- Vous repartirez, ils le font tous.

Elle serra les dents.

- Je ne suis pas tout le monde.

- Vous vous mariez dans huit mois Rachel, il ne vous attendra pas indéfiniment.

Son souffle se coupa et elle écarquilla les yeux. En la voyant se raidir il esquissa un sourire.

- On vit peut être à la campagne et on n'est peut être pas au courant de tout les scoop people mais...La famille Davies on connaît dans le coin...Votre grand-mère fait régulièrement un don pour la conservation de la réserve indienne des Blackfeet, ils militent pour la survie du bison.

Il rigola légèrement en la voyant rouge et essoufflée par le stress.

- Respirez...Vous n'avez pas été reconnu par tout le monde...La preuve personne n'a encore évoqué le sujet...Ecoutez, si vous êtes là c'est que vous avez vos raisons.

- Vous ne lisez vraiment pas la presse on dirait.

- Non mais je surfe sur le net.

Il se leva et déposa l'assiette dans l'évier avant de lui faire face de nouveau.

- Je n'ai pas à juger de ce que vous avez fait et je me fiche totalement de vos états d'âmes en revanche si vous bossez ici, je vous demanderais de laisser vos problèmes personnels à la porte, c'est clair ?

- Oui...Je ne vous attirerais pas d'ennui, personne ne sait que je suis là.

Il hocha la tête et se dirigea vers le couloir. Rachel baissa la tête et soupira en comprenant qu'il acceptait de lui laisser une chance de faire ses preuves.

- Rachel ?

Elle regarda. Il hésita.

- Votre cuisine est excellente...C'est pas mal pour une première journée.

Elle esquissa un sourire.

- Merci patron."

Il pouffa de rire avant de grimper l'escalier et la jeune femme se détendit en pensant que finalement cette nouvelle expérience ne pouvait être que bénéfique.

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