Chants

Christian Lemoine

Non pas ce refrain lénifiant, doucereuse dénégation des économies brutales où des tractations obscures décident des sorts. Ces refrains qui soulignent d'un trait de mièvrerie l'angoisse des lucides ; et tandis que la voix crémeuse s'endort, des brandons crépitent sous les broussailles. Non pas cette antienne défraîchie, décolorée de longtemps d'avoir épuiser ses charmes, évanouis ceux-là, à peine susurrés sous l'amalgame des adaptations. Qui donc encore s'obstine à en réanimer la mélodie fatiguée. Trop souvent édulcorée par négligence, par paresse, la voilà obscène et nue, sans plus ses fards hautains, devenus maintenant acides. Non pas cette débonnaire rengaine, effleurement mol des rivages blonds, comme l'aile indolente d'un grand voilier qui glisse sans onde au-dessus de roches jaunes, où soleil et nuages clignent leur arythmie ; voilée parfois la lumière crue dispersée sur le prisme des vagues. On la reconnaît, la rengaine saumâtre, ces cristaux de sel piégés au fil des étiers envasés, qui ne murmure plus qu'un soupir d'éclaircie. Non pas ces chants grégaires, rassemblés sous les bannières uniformes, que l'irruption d'un arc-en-ciel tyrannise. Dans l'unisson des gorges s'embourbent les nuances, sous un fortissimo univoque, sous l'étal de la submersion ; sous l'agonie des ressacs ; sous l'affaissement d'un imperceptible relief. La cime est gommée. La combe se comble de moraines brisées jusqu'à l'engourdissement. Les médiocres jubilent, dans l'autodafé des partitions ébouriffées.
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