Vertigo - Chapitre 2

A S Mtzr

Après avoir nettoyé ma chambre, pendant deux bonnes heures, je m'arrête pour regarder l'heure. Je m'aperçois avec stupeur que je n'ai plus de téléphone ni de montre. Merde ! Je n'ai plus de réveil non plus ! Mon ordinateur portable me dépanne pour regarder l'heure mais je n'ai pas d'alarme pour autant. Peut-être a-t-il a une fonction réveil ? Je cherche rapidement mais ne trouve rien et je n'ai pas de connexion à internet pour m'aider. Résignée, je décide d'installer mes affaires dans le placard et la commode. 

En guise de pyjama j'enfile un t-shirt et un legging que je porte habituellement sous une combinaison de travail. Je réalise que je n'ai pas de draps pour le lit. Je n'ai pas grand-chose à manger non plus, juste quelques biscuits. Il faudra que je fasse des courses mais sans voiture...

Je mange quelques cookies et décide de garder le reste du paquet pour le petit déjeuner. Je déballe ce qu'il me reste d'affaires et les range avant d'aller me coucher. Je glisse mes papiers d'identité dans une poche de mon sac de sport noir contenant mes affaires de course. Je choisis de placer le sac sur l'étagère la plus haute du placard, hors de portée des curieux. Je ne sais pas si elles serviront un jour mais j'ai quand même tenu à les prendre. C'est mon père qui me les a offertes, j'y tiens beaucoup, même si, mis à part mon casque, elles n'ont jamais servi. J'ouvre ma valise et suspend ma grosse veste de travail Finn-Tack, chaude et imperméable. Dans les tiroirs de la commode je répartis mes sous-vêtements, des ensembles simples pour le travail et deux autres un peu plus jolis en dentelle. Je sors de mon sac à dos mon argent liquide et glisse les billets dans le fond du tiroir de sous-vêtements. J'ai plus que cette somme sur mon compte mais je ne retirerai pas au cas où on pourrait localiser le retrait. Qui irait fouiller au milieu des culottes pour trouver de l'argent ?

Avant de me coucher, je vais faire un tour dans la salle commune. Lorsque j'y rentre je m'aperçois que quelqu'un est assis sur le canapé et regarde les courses de chevaux sur Equidia. 

-Désolée, je marmonne d'une voix à peine audible.

Je fais volte-face pour sortir.

-Attends ! Viens.

Je rouvre la porte et aperçois un visage souriant qui me regarde par-dessus le dossier du canapé. J'imagine que c'est Mickael.

-Tu es la nouvelle ? me demande-t-il en me faisant signe d'avancer.

-Oui, c'est ça. 

Je contourne la table et le canapé.

-Moi, c'est Mickael.

Il lève sa bouteille de bière pour me dire bonjour.

Ma timidité prend le dessus, je lui adresse un signe de tête en plissant mes lèvres avec un rapide salut de la main. 

-Assieds-toi. 

Je m'approche et prends place sur l'imposant canapé doré. Il est aussi mou que je l'imaginais.

-Tu faisais quoi avant ? 

-J'étais palefrenier, en Normandie, dis-je à toute vitesse.

Je regrette aussitôt d'avoir répondu si vite. Je vais devoir me calmer si je ne veux pas paraitre bizarre. Mes réponses doivent être naturelles et là c'était tout sauf naturel.

-Chez des trotteurs ?

Il boit une gorgée de bière.

-Oui. Chez Martial Dercourt. C'est un petit entraîneur, dis-je d'un air détaché, comme si cela n'avait pas grande importance.

Mickael est mince et plutôt grand. Je le vois malgré le fait qu'il soit affalé sur le canapé. Ses cheveux châtain sont plutôt courts et ses yeux sont foncés, presque noirs. Je sens une odeur de shampoing ou de gel douche masculin. Il porte un sweat à capuche noir, un pantalon de survêtement gris et à des baskets aux pieds. 

-Ah ok, c'est cool. Quel Beau du Val et Quidam des Vignes vont courir dans trois minutes. dit-il en montrant l'écran de télévision d'un signe de la main.

-C'est vrai ? m'exclamais-je, un peu trop enthousiaste. Queiko Belmont doit courir dans cette course alors, non ? Il est en super forme... 

Je m'arrête net dans mon élan. J'adore ce cheval mais je ne dois pas penser à haute voix. Je reprends calmement :

-Enfin... C'est ce que j'ai entendu.

Je me redresse sur le canapé tout en fixant les images qui défilent à l'écran, espérant apercevoir Queiko. 

-Ouais mais c'est une course de rentrée qu'il fait, non ? Quel Beau du Val, reste sur deux secondes places, il va gagner ce soir. 

Mickael tient sa bouteille de bière d'une main et de l'autre regarde son téléphone, il regarde la liste des partants et il peut voir les performances de chaque cheval. 

-C'est un super cheval, Queiko. dis-je emballée à l'idée de voir cette course. 

Ma timidité s'est finalement évanouie et je campe sur mes positions avec un peu de malice.

Je le regarde du coin de l'œil. Il est vautré en arrière sur le canapé, une basket contre l'angle de la table basse, un bras le long du dossier.

-Ok. Je te parie une semaine de vaisselle qu'il ne sera pas dans les trois premiers à l'arrivée, annonce-t-il sûr de lui.

-Une semaine de vaisselle et des sushis.

J'ai tellement faim, je rêve de sushis à l'heure qu'il est. 

Il me regarde en riant :

-Marché conclu.

Toujours avachi sur le canapé, il me tend la paume de sa main et je viens la taper doucement de mon air le plus assuré.

Nous attendons de savoir qui a raison. 

La course est lancée et mon pauvre Queiko est dernier.

-Il est mal barré ton cheval. J'espère que tu sais manier l'éponge et le paic citron 

Il rit.

Je me tortille nerveusement, sentant le velours épais du canapé accrocher contre mon legging. Je reste concentrée devant l'écran, espérant avoir raison. 

Quidam des Vignes et Quel Beau sont à présent les deux chevaux de tête. Queiko déboite et double tout le peloton pour prendre la première place. Sa remontée est spectaculaire à l'image de l'excitation du commentateur qui s'égosille à s'en étouffer. Du coin de l'œil j'aperçois que Mickael s'est assis, les coudes posés sur ses genoux. Il passe nerveusement une main sur ses cheveux. Les cent derniers mètres de course sont incroyables. Les trois chevaux sont au coude à coude et c'est finalement Queiko qui s'impose du bout du nez. 

Mickael me regarde, bluffé. 

-Putain ! Tu avais raison.

Il hoche la tête en levant les sourcils au ciel.

-Une semaine de vaisselle et des sushis, donc ! dis-je en me levant d'un bond.

Il s'étire et se lève en soupirant. On sent que sa journée a été longue et que la fatigue physique lui pèse. 

Je me dirige vers la porte tandis qu'il éteint la télé : 

-Est ce que je peux te demander un service ?

-Quoi ? La vaisselle et la bouffe ce n'est pas suffisant ?

Il sourit après avoir pris un air faussement choqué. 

Tout comme avec Charlotte, je ressens cette simplicité qui fait que l'on se sent rapidement à l'aise en sa présence. Il est drôle et ne se prend pas au sérieux. Je ressens sa gentillesse, son sourire illumine son visage et me donne instinctivement envie de sourire avec lui.

-Je n'ai pas de réveil, et je n'ai plus de portable. Tu pourrais me réveiller demain matin ? 

Il passe devant moi et ouvre la porte pour me laisser sortir.

-Quel genre de personne n'a plus d portable, sérieux ? Fait-il en éteignant la lumière. 6h00 ça va ? A moins que tu aies besoin de deux heures pour te préparer ?

-Non, 6h00 c'est parfait.

Je passe par la porte et me dirige vers ma chambre en souhaitant une bonne nuit à Mickael.

Après un tour dans la salle de bain, je m'allonge sur le clic clac. Fatiguée, mais soulagée, je me laisse bercer par les bruits que font les chevaux dans les boxes en dessous. J'ai réussi, je l'ai fait, je suis partie.


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