Chapitre 4
azraelys
L'heure est au thé et au silence. Le soleil frappe, les nuages s'échappent et la chaleur s'installe. Alors que la scène par la baie vitrée coulissante est époustouflante si le regard se pose uniquement vers les cieux, Elwyne dirige les siens vers Maelys qui ne remarque rien. Toutes les deux absorbés par une beauté qui semble les émerveiller, un craquèlement fait surface. Comme pour les ramener sur terre, derrière les portes de ce paradis onirique, se tient un geôlier. Il hurle le nom de sa prisonnière comme on hurle au vol. Celle-ci tremble et déglutit sur place en reconnaissant la voix de son bourreau. Sa voisine lui fait signe d'aller se cacher puis elle se rend jusqu'à la porte pour faire face au mâle alpha.
— Bonjour. Pourquoi hurlez-vous ? demande Elwyne, d'une extrême politesse.
— Où est cette pute ?! Ma femme, elle est où ?!
— Si vous parlez de la jeune femme qui séjourne à quelques portes d'ici, je l'ai vue sortir faire les courses. Elle va sûrement vous confectionner un excellent repas, répond Elwyne d'un sourire pincé.
Sans même la remercier, il libère quelques jurons, grogne comme une bête sauvage en rentrant dans son appartement et claque la porte. Ce brouhaha résonne au plus profond de Maelys comme une sentence de mort. Lorsque la voisine retourne auprès de la chose de cet homme, elle la trouve recroquevillée sur elle-même. Ses genoux contre sa poitrine, elle éclate en sanglots. Elle trémule comme une enfant apeurée d'être grondé et corrigé par des parents furieux à cause d'une bêtise. Sa seule faute est pourtant d'avoir cru en son existence et d'avoir apprécié la joie éphémère d'être peinte. Contre toute attente, la plus grande noue ses bras autour de sa nuque. Elle ne parle pas. Quelques secondes suffisent pour qu'Elwyne se mette à pleurer à son tour dans les bras de cette femme qui l'étreint à son tour. Une fois que la porte se refermera derrière elle, elle redeviendra un objet sans vie entre les mains de son bourreau. Elles restent blotties l'une contre l'autre durant quelques minutes, comme pour se rassurer mutuellement des pluies de lahars qui vont s'abattre sur elle. Ce seul instant d'affection suffit pour redonner le sourire à cette dernière et le courage de se lever. Elle n'est plus seule.
Avant qu'elle ne s'en aille, la blonde jette un coup d'œil dehors pour vérifier qu'il n'est pas dans le couloir. Elle retourne vers sa voisine pour lui offrir de quoi duper son mari et ainsi couvrir son absence factice. Elle lui tend un sac dans lequel elle y incorpore le fin stratagème : légumes, viandes et épices. Le compte y est. Elle vérifie une dernière fois que le champ est libre pour sa complice, visiblement résolue à l'envoyer sur ces terres dévastées où ne règnent que ses erreurs. Elwyne sur qui pèse une lourde épée de Damoclès, car elle n'a pas trouvé la force de la retenir, entend déjà la voix rocailleuse du bourreau qui fend jusqu'aux murs. Elle sait déjà ce qui attend sa muse de l'autre côté. Elle décide d'engloutir quatre cachets en provenance d'une petite boîte blanche puis elle ferme les yeux, à contrecœur. Elle ne veut pas entendre cette jeune femme pleurer. Elle refuse d'accepter ses hématomes et ses ecchymoses. Elle ne veut pas souffrir à cause de son attachement à un être qui lui est inconnu. Elle s'enfonce à nouveau les ongles, cette fois dans le bras gauche et marmonne quelques mots, comme si elle répondait à une voix invisible.
« Ce que Maelys choisie, elle doit l'affronter seule ».
Du moins, c'est ce qu'elle essaye de se faire avaler depuis leurs rencontres, à défaut d'avaler ses comprimés. Elle ne parvient jamais à se résoudre qu'il faut l'abandonner une fois qu'elle pénètre dans cette tempête animale. Elle a toujours été là, tapis sous ses draps, à prier tous les saints et tous les dieux que sa muse soit vivante le lendemain. Elle a toujours veillé, de très loin, à ce que cette femme soit encore là le jour suivant et la voir jeter ses ordures. Elle ne compte plus le nombre de fois qu'elle est descendue et qu'elle a attendu, juste pour savoir si elle était en vie. Aujourd'hui, elle s'en mord les doigts. Tout ce dont elle est capable, c'est de l'envoyer droit au tombeau.
Lorsque sa proie arrive, le titan s'empresse de la pousser contre la porte. Il est fou furieux. Elle est son bien. Elle doit être à sa disposition et ne pas batifoler à l'extérieur de ses barreaux. Elle doit toujours lui remuer la queue, se boucher les oreilles et écarter sensuellement ses pattes pour que son piquet gicle. Elle doit être une bonne chienne et toujours lui sucer la queue. Sa dépouille, qui ne ressent rien en temps normal, repousse instinctivement ce qui se plante en elle. Il refuse pourtant de perdre face à elle. Il est presque comblé qu'elle réagisse. Il était temps qu'elle reprenne ses esprits, et ça le fait jubiler comme jamais. Ses actes font jaillir de la gorge, pourtant pleine, de sa victime des cris, de la salive et des supplications. L'écume de ses yeux se mêle à cette liqueur blanchâtre qui recouvre son visage. Le ciel grisâtre véhicule un grondement céleste tandis que les prières de la peintre, en ce jour funeste, ne changeront en rien son sort. Elle se fait de nouveau taillader en pièces de l'intérieur. Elle n'a pas les moyens de s'enfuir. Elle n'a pas la force de s'en défaire. Le front de l'alpha reluit de sueur, alors que les yeux de sa victime sont révulsés de dégoût. Elle implore d'être graciée, mais toute résistance ne fait que l'exciter davantage. Les orgasmes s'enchaînent au rythme des coups de reins puissants de Dante. Burinée jusqu'à que son antre n'en saigne à nouveau, les yeux rougis de Maelys se ferment. Elle est épuisée. Sa bouche éreintée et desséchée par tant de supplications. La douleur ne s'arrête pourtant pas là. Après l'avoir souillée, il s'adonne à un châtiment particulier. Frappé pour mieux régner. Terrifié pour mieux dominer. Il la roue de coups de pied et il la gifle quand son visage est à sa portée. Il la châtie. Elle, cette moins-que-rien à qui il croit tout offrir. Il la punit. Elle, cette salope à qui il a mis le dard bien haut et bien profond, pour lui montrer qui est le maître.
— Reste à ta place, grommelle Dante furibond.
Exaspéré de voir son manque de réaction, il décide de s'en aller. Il semble n'en avoir plus rien à faire. Les années se sont écoulées et sa beauté n'a fait que se ternir. Ce dernier rodéo, dont il sort victorieux, ne sera pas son dernier. Il a d'autres proies en vue. Il n'arrive même plus à croire qu'il a pu perdre son temps à lui faire une place dans son lit. Ses affaires sont déjà rangées dans une valise. Il attendait son retour pour lui foutre, une dernière fois, un bon gros coup de poutre. Il s'en va en claquant la porte, qu'importe qu'elle survive, qu'elle se nourrisse, qu'elle existe. Elle ne vaut pas mieux qu'un animal. Ce mets n'a plus aucune saveur. À ses yeux, elle a déjà atteint la date de péremption. Cette poupée de chiffon qui lui mettait le feu aux reins n'est plus qu'un bout de tissu qui crame. Tout ce dont elle se souvient, alors qu'elle respire difficilement et qu'elle crache du sang, ce sont les paroles de sa voisine. Cette beauté, dont elle parlait avec tant d'engouement, se fane à présent. Ses pétales tombent un à un. Sa tige rompue, elle ne peut que s'en vouloir d'avoir, un jour, voulu s'épanouir grâce à la lumière de son astre qui réside, quelques portes plus loin.