Bloody Reaper - Chapitre 4 - Un don et une malédiction

kaminomonogatari


Ce qu'elle redoutait c'est finalement produit. Elle revenait tout juste sur ses pas quand la scène burlesque se produisait tout juste devant sa calèche. Le Chevalier Balor sorti de son confort pour venir à la terre, quel exploit en soit, venait tout juste de projeter un fougueux garnement qui se cramponnait à son gantelet.

-Dégage de ma vue, saloperie de gamin ! Je n'ai que faire de tes problèmes !

Le jeune garçon, à peine écroulé, se releva, persistant à agripper son armure. Il contenait ses larmes, décidé à se faire à tout prix entendre.

-JE VOUS EN SUPPLIE ! SAUVEZ MON PAPA ! Le diable l'a possédé ! VOUS SEUL POUVEZ … !

Il replongea, encore.

-Ton ‘'père'' a-t-il déjà payé ses impôts, pauvre bâtard ? Je ne travaille pas à l'œil, je te signale !

Là, le chevalier détourna du regard, vit de surprise l'inquisitrice, tout juste avant se faire baffer.

-QU'EST-CE QUI TE PREND D'AGIR AINSI AVEC MES CITOYENS ?! Pourquoi mon bras droit maltraite un gosse qui implore son aide ? Et que parles-tu de travailler à l'œil ? Tu ne travaille déjà même pas quand tu es payé pour !

L'humiliation est totale pour Balor, se retenant tout juste la frapper à son tour.  Néanmoins, il garda son calme, se contentant se s'asseoir sur la marche du carrosse. Il prit alors un ton plus grave, croisant les bras, avant de répliquer.

-Ce môme nous signale la présence d'un ‘'corrompu''. Qui plus est, son père… Tu pourras vraiment le faire ? Regarde bien sa tête, et dit lui ce que tu dois appliquer.

Le garçon avait déjà plein d'espoir dans les yeux en entendant l'inquisitrice réprimander le mauvais élément, pourtant… Il ne comprenait pas encore, ce qu'il venait réellement d'implorer. Bien plus morose, Auly s'adressa à lui, sans pour autant le regarder de face.

-… As-tu de la famille avec qui vivre ?

-Que mon père, mais… Vous allez faire quelque chose, n'est ce pas ! Merci !

S'était une pointe au cœur qu'il fallait se résoudre d'avoir. Elle n'avait pas le courage d'en dire plus en voyant son insouciance, et cela devant le mépris de son subordonné.

-... Jeune homme. Montre-nous ou tu vis, je te prie.

-Oui !

- Tu viens aussi, Chevalier.

Il grogna, mais tout deux finirent par suivre l'enfant, filant tout droit vers les bas quartiers.

En ce lieu ou la dévastation persécutaient pour longtemps tout villageois y séjournant, la panique contagieuse progressait bien plus vite que la peste ou tout autres maladies du troisième millénaire. Là, des femmes en pleurs fuyaient des bruits, vraisemblablement ceux d'une bagarre. En face, des hommes outillés de tout ce qui avait un long manche, quittant la maison de cause de tous les troubles, ne cessant pas de reculer face à une menace incontrôlable. Ils essayaient d'appliquer la violence, mais n'y arrivait point, autant mentalement, que physiquement. Alors, quand un autre homme aux cheveux noirs brisa une des seules vitres en état,  il se retrouva immédiatement au milieu de tout cela, encerclé par cette milice de la dernière chance. Il haletait, bavant litres de mucus opaque sur le sol boueux et presque sec de l'horrible quartier. Alors à quartes pâtes, il le leva le bras pour clamer une quelconque innocence.

-J'ai faim… J'ai faim ! SI FAIM !...

Sa voix était grave, malade, répétant toujours les mêmes mots. Toute donnait à croire qu'il jouait le rôle de victime, si seulement la folie ne se s'arborait pas sur son visage. Les trois qu'il l'encerclait n'en croyait pas leurs yeux.

-Markus ! Arrête ça ! Qu'est ce… Qu'est ce qui te prend ?!

-Ce n'est plus lui, tu vois bien ! Il faut… il faut en finir.

Brusquement alors, l'un des hommes posté à son arrière chargea le sans défense, et lui planta avec forte détermination sa fourche. Les dents de l'objet disparaissent à travers les vêtements de la victime, sans qu'il n'ait une quelconque réaction.

-RECULEZ, INCONTIENTS !...

Son armure luisante d'une lumière étincelante, on n'avait jamais vu l'inquisitrice galoper aussi vite depuis des lustres. Pourtant en vain : Markus venait de saisir la jambe de son attaquant et d'y planter sauvagement ses crocs, sur les hurlements de celui-ci. Non armée, elle chargea, infligeant alors son meilleur coup de pied sur le cannibale. Il roula, des côtes brisés, des dents de fer dans le thorax, mais se releva immédiatement.

-…Qu'allez-vous faire avec vos fourches ? De simples coups ne le tuera plus, à ce stade ! Partez !

Puis, les renforts. Balor trottinant venait d'arriver sur les lieux, accompagné du gamin horrifié par l'acte commis. Le chevalier dégaina son épée, une lueur âcre se propagea de sa poigne sur toute la lame, donnant enfin une vraie allure de justicier à l'homme de la situation.

- Moi, Balor Noctarius, vient à vous peuple nordique pour prendre office de ses fonctions de brave purificateur de mal. Reculez, ‘'Inquisitrice''. Reculez, tous. Voyez de vos yeux ébahie la puissance du seul et unique Saint Ordre.

-Tu crois vraiment que c'est le moment …

L'homme dont le visage était couvert de sang se recroquevilla ; ses yeux étaient dépourvus de pupille, seuls des orbites noires étaient visibles. En faisant marche arrière, le fer planté dans sa chaire tomba de lui-même, une fumée charbonnée se dégagea de son corps lui-même. Dans un instant de panique, il se mit à fuir à la vue de l'épée voilée. 

-Tu n'iras nulle part.

De sa main libre, le feu de chevalier jaillit subitement : Une flamme simple, presque transparente dont le lancer n'est que peu fructueux. La gerbe fila droit vers sa cible, manquant d'embraser  la chevelure de l'Inquisitrice s'attacha en fin de course à la tunique du citadin, le reversant. Insuffisante, le projectile est anéanti par la collision sans provoquer nul dommage. La main d'Auly c'est s'enflammée elle aussi, d'une lueur bien plus imposante, mais trop tard, le Corrompu avait déjà disparu. La déception déteint sur le visage d'Auly alors que la flamme  disparait sous sa poigne d'acier doré.

-Voilà pourquoi il faut s'entrainer au lieu de jacasser ! Tu n'es plus un apprenti, que je sache !

-Et toi ? Pourquoi ne pas avoir tiré ?!

-Il était déjà trop proche des habitations, j'aurais provoqué…

-Et alors ? Tu ne te contrôle pas ?! Donne moi la moitié de ce que t'a, bon sang !

-Comme si cela était possible… Il faut le rattraper, et vite !

-Je sais… Je sais ! Occupe-toi du contaminé,  pendant que ceux qui ont reçus une véritable formation font le sale boulot !

Sur ces parole, Balor se mit à poursuivre la trace du corrompu, traversant les éclats de verres et la boue ensanglanté. Par chance, il laissait ses traces sur le sol, et avec l'aide de témoins potentiels il n'allait pas tarder à le retrouver dans ce dédale. Finalement, la tâche la bien plus ardue revenait à Auly, qui avait un blessé hurlant à la mort devant les yeux, et des réponses à donner. Alors qu'elle s'approcha sans bruit à la jambe du pauvre homme, les langues se délièrent et l'un des hommes s'avança.

-…Qu'est ce qu'il lui est arrivé ? Cette noirceur …

Elle déchira proprement les bas au niveau de la morsure : Du sang coule un mucus noirâtre semblable à ce qui ressortait de la bouche de l'homme recherché.  Sa réaction face la douleur de l'homme ne fut qu'empathie. Ainsi,  des bouffés de chaleurs plein la tête, elle peinait encore sur les mesures à mettre en œuvre tandis que sa réponse lui accorderait le temps de la réflexion.

-Ceci est ce que l'on nomme ‘'Corruption''. Un mal ancestral pouvant toucher toutes créatures possédant une âme, la rongeant de l'intérieur. Votre ami en a été touché très certainement à cause d'un trouble qu'il aurait pu vivre ces dernières semaines… peu être même ses dernières années. Quoi qu'il en soit, cela ne date pas d'aujourd'hui.

Enfin décidé, elle plaqua d'une main la jambe de l'homme sur le sol, utilisant dans un même temps les vêtements du malade comme garrot. De son autre main jaillie une certaine clarté : une lumière apaisante n'ayant pas de forme physique se concentre sur la chaire sanguinolente. L'effet ne semble immédiat, mais elle s'attend fermement à un résultat positif.

-Et… Pourquoi ? Quel trouble ? Markus ne se comportait pas bizarrement ! Qu'est qui aurait pu…

-La colère, la haine, la peur… Toutes émotions négatives peuvent en être la cause, si on ne les contrôles pas, si on s'y expose trop longtemps… si on vit dans le noir, qu'on abandonne l'espoir, la vie… Plus spontanément, un contact avec le miasme peut aussi…

Vint alors une réaction inattendu de ses soins pour l'inquisitrice : Alors que son patient cessait enfin de gémir à la mort, la matière sombre disparu subitement de la chaire, comme absorbée par le sang lui-même. Toutes veines visibles devinrent noire à travers la peau, aussi la jambe elle-même fut pris de spasmes ininterrompu jusqu'au niveau de sa main droite contenant du mieux les contractions. Dans un même temps, la blessure disparue totalement, seul la souffrance se lit aux yeux de l'homme et de la mage qui croyait bien faire.

Hélas sous la pression et par manque d'expérience, elle venait de commettre une terrible erreur qui allait changer la vie de ce pauvre homme jusqu'à la fin de ses jours.

-Je suis si désolé…

Sous l'émotion, elle en versa une larme… n'ayant aucun objet contendant sous la main, ses mains devinrent flammes et l'homme rugissait de nouveau. Si bien fut elle courte, La cautérisation lui paru être longue comme des heures, aussi bien pour elle que pour lui. Le métal brulant qu'était ses gantelets lui permettait aussi bien de comprendre sa douleur tant ses mains semblait fondre aux derniers instants.

Plus tard, elle se releva en trombe, arrachant au plus vite le métal nuisible de ses membres. Elle avait réussi, le reste du corps était hors d'atteinte. Néanmoins… il n'y avait plus de vie à protéger.

Le malheureux avait succombé, cette souffrance était de trop.

L'abattement fut total autant pour elle que pour les deux miliciens abasourdi, ainsi que le pauvre môme en pleine léthargie face au spectacle macabres dont il avait pu être témoin. Nul n'avait les mots, que ce soit un quelconque reproche, ou bien même une parole envers le défunt, tous attendaient qu'elle s'éloigne, le plus loin possible. Elle n'était plus la bienvenue.

Quand bien même, la chasse n'en était point terminée. Le chevalier Balor s'appliquait fermement à suivre les quelques traces de pas qu'il lui était donné de pister, quand alors la chose lui tomba dessus au coin d'une rue. Ils tombèrent, le monstre non-humain s'essaya encore à la morsure, il n'eut que du fer cendré à se mettre sous la dent. D'ailleurs, ci fait il perdit prise les muqueuses brulées par le sortilège rayonnant sur l'armure.  L'effet était tel qu'il se retrouva même à délirer un instant, le temps pour Balor de recouvrer son pommeau perdu dans la chute, et lui assener le coup fatidique.

Cependant, le cœur percé, il vivait encore.  Il fallut attendre, lentement, sous les griffures d'ongles fanatique à son visage de la créature pour qu'elle suffoque enfin, tant bien même que son poitrail fut entièrement cautérisée, et l'ardeur de l'homme pu disparaitre.

Dans ses derniers instants, la noirceur s'était éteinte, remplacé par un blanc maculé avant de devenir cendre, s'évaporant d'elle-même vers le ciel en une fumée d'ébène. A la fin, il n'y avait même plus de cadavre sur lequel inspirer sa haine, tout avait disparu sans laisser de trace, seule la rage et les éraflures sur le visage du chevalier prouvaient encore son existence ainsi que le peu de vêtement ne s'étant pas consumé.

Gagner contre une telle vermine ? Il en était peu fier. N'importe qui  de son rang serait arrivé en premier sur les lieux, l'aurait enflammé du premier coup, l'aurait rattrapé sans problème, ne serait pas tombé sous cette médiocre force, et surtout, n'aurais pas eût à attendre que sa lame ne le supprime enfin. Il aurait dût tout faire en mieux, mais en est incapable. Il était pourtant compétent, connaissait ses sorts sur le bout des doigts, connais la moindres des faiblesses de son ennemi, et pourtant…  Il manquait seulement de puissance, et cela le dépitait au plus haut point.

Pourquoi ? Pourquoi devait-il vivre ainsi, alors qu'elle avait tout pour elle ? Auly avait tout, sans effort, et lui n'avait rien. Petit déjà, il la haïssait pour ça. Mais aujourd'hui encore, il devra faire avec. Alors, quand il retrouva à la calèche, assise sagement à sa place les yeux dans le vide, il prit place, esquissant un léger sourire contemplatif, et avant que le fouet du cochet ne retentisse, il s'exclama fièrement.

-Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même.

-La lumière est la méthode par excellence pour contrecarrer la corruption, alors pourquoi…

- Mais qu'est ce tu voulais soigner ? La corruption ? Ou bien le pauvre homme condamné ? Le feu est une solution, pas la lumière. Ce n'est pas en soignant que tu la détruiras. Ce qui est corrompu le reste, seule solution : l'immolation. Tu ne l'as pas lu dans tes bouquins ? Seule la destruction engendre l'épuration, et cela uniquement par la magie. Le gredin qui arriverait à mettre à terre l'une de ses choses au fer de l'épée serait un monstre, voilà pourquoi l'Eglise existe. Nous ne sommes pas là pour sauver, mais pour purifier, ni plus ni moins ! Laisse leurs travails aux médecins et aux apothicaires.

- Si seulement il y en avait, par ici…

- Parle-en au comte ? Me semble-il que tu le connais ?

-Mon père n'est pas…

-Pourquoi cherche-tu absolument à t'accaparer la faute de tous ? Tu n'es pas lui, tu n'es même pas encore en âge de t'en préoccuper que tu cherche à courber l'échine de ce… débris.

-Retire ce que tu viens de dire !

- Admet-le ! Ton géniteur n'a pas les épaules d'un vrai dirigeant ! Voilà pourquoi rien ne va ici !

-C'est à cause de ce qui se passe au Nord qu'on en est là, pas de mon père ! S'il n'y avait pas eût cette catastrophe, cette ‘'Brume funèbre'',  il n'y aurait pas autant de bouches à nourrir ! Ce village ne peu pas contenir autant de monde ! Si seulement le roi avait accordé le droit d'immigration…

Il avait réussi à la faire craquer comme peu de fois. Ce n'était pas de la vaine méchanceté, il y avait aussi un véritable désir de la faire résigner sur ses tords, sur son sort. Malgré tout, il semblait après coup avoir compris avoir été un peu très loin.

-Le roi a ses raisons. Aujourd'hui encore, vingt ans après… et ton père, n'est peu être pas…

Malheureusement, elle ne l'écoutait déjà plus, car enfermé dans son monde.  Cette envie de faire le bien pour le monde entier la rendait aveugle, et il en avait conscience. Lui qui ne voyait pas plus loin que son nez n'arrivait pas à assimiler cette façon de penser ; un fardeau bien trop lourd sans réel prestige ? Donner son précieux temps pour se consacrer à des inconnus ? Quel intérêt ?

Gâcher un tel pouvoir qui entre ses mains le rendrait si glorieux…

Mais soit, le futur est en sa faveur. Il n'aura que quelques mois encore à endurer, et bientôt…

Il pourra en profiter.

 

 

 

 

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