Chroniques helvético-ricaines

pluripol

Notre monde et notre époque sont américanisés. Nous pourrions dire que nous sommes des helvético-ricains, pour adapter le « gallo-ricain » de Régis Debray – grand analyste du processus d'américanisation dans son ouvrage Civilisation : comment nous sommes devenus américains. Quelques épisodes actuels le révèle peut-être plus clairement qu'à d'autres moments de l'année.

Le passage d'octobre à novembre, même en terre catholique, n'est plus seulement marqué par la Toussaint mais aussi par Halloween. À ce propos, anecdote instructive, en 1978 sortait de l'autre côté de l'Atlantique le film Halloween, réalisé par John Carpenter. L'année suivante, il arrivait sur les écrans français sous le titre La Nuit des masques. Une voix hors champ avait également été rajoutée au début du film afin d'expliquer aux spectateurs français en quoi consistait la fête d'Halloween. Ces deux éléments indiquent assez clairement à quel point, il y a quarante ans, cette fête était méconnue hors des pays anglo-saxons.

Mais d'ici à novembre, et encore un peu après, nous suivrons tous à la moindre nouvelle la campagne présidentielle américaine, par un temps d'antenne totalement disproportionné par rapport aux autres scrutins de pays étrangers. Mais les médias proposent des reportages à un public fasciné, choqué ou ému par les aléas de la campagne puis le résultat. Fermement en soutien d'un candidat ou de l'autre, comme s'ils se présentaient à un poste important de notre communauté politique – certaines personnes ayant même raconté avoir voulu s'engager en politique, il y a quatre ans, en réaction à la victoire de Trump, sans doute dans l'espoir de modifier la vie politique américaine en militant dans celle d'un pays européen... Il faudrait organiser un débat entre camps américanisés. À notre droite, des défenseurs de Trump, ou de Bannon, qui soutiennent l'Occident en oubliant leur nation, sacrifiant sa souveraineté et son identité. À notre gauche, un camp qui aboie contre le modèle libéral et impérialiste des États-Unis, mais dont la production de pensée en matière sociétale se résume à traduire les universitaires américains. Ce suspense, car la langue n'est plus autochtone, nous occupera en attendant le Black Friday – parce que visiblement le lendemain de Thanksgiving est une date particulière pour nous.

Les États-Unis étant les maîtres du monde, du moins encore de l'Occident, il convient de se plier à leurs façons de faire et de mettre de côté nos spécificités. Ainsi va notre époque, trouvons-y un peu de bonheur. Ou cessons d'être d'amorphes épigones et retrouvons nos mots, nos pensées, nos traditions, notre voix particulière. Nous nous en porterons mieux. Bannir quelques anglicismes, ne pas célébrer ce qui vient d'un autre calendrier, se tourner davantage vers nos productions culturelles que celles importées ou qui copient ces dernières, ne pas être obnubilés par des débats internes à une autre société,... Ce n'est pas simple, mais rien d'impossible là-dedans. Certains ont déjà choisi et essayent de faire de leur mieux dans cette voie. C'est à nous de choisir la culture à bâtir.


Retrouvez l'ensemble de nos articles sur notre site internet!

Cet article de Charles Mansera a été publié en premier ici: https://pluripol.ch/breve-chroniques-helvetico-ricaines/

  • Comme le disait Eric Orsena, il est temps que l'Europe cesse de se biberonner à l'Amérique et qu'elle vole de ses propres ailes.

    · Il y a plus de 3 ans ·
    Gaston

    daniel-m

Signaler ce texte