Chute libre

Harmonie Kalonji

Extrait :


Un jour, Fred avait humblement expliqué à Yvan qu'on pouvait distinguer un alcoolique d'un grand buveur au fait que le buveur pouvait décider d'arrêter de boire alors que l'alcoolique en était incapable.

Yvan, lui était alcoolique. Mais son alcool était les piques acerbes mélangés à de la colère la plus vile.

C'était son mode d'autodestruction à lui. Il ne pouvait tout simplement pas s'arrêter, devait cracher son venin pour trouver une balance entre sa propre douleur et celle des autres.

Hier, la fureur qui l'avait emporté avait été si forte qu'il avait failli s'y noyer, une avalanche de mots acides s'enroulant vicieusement autours de sa langue. Et ce matin, il s'était réveillé avec la gueule de bois, trempé de sueur, la bile aux lèvres et la rage au ventre.

Immobile, Yvan essaya de faire disparaitre la nausée horripilante qui lui collait douloureusement aux tripes. Ses mains suaient, sa poitrine tambourinait fort, et il était fatigué par tous les remords qui le griffaient de l'intérieur. Il avait envie de crier sa rage et son désarroi, se fichant du rôle qu'il se devait de tenir. Cette situation le pesait, sa conscience s'effritait et sa raison se teintait de taches rougeâtres qui la plupart du temps, le rendaient aveugle de colère.

L'amour pour cet homme le crevait de l'intérieur et il haïssait chaque partielle de son corps qui aspirait à sentir sa bite en lui.

« Conneries..., » siffla Yvan entre ses dents, passant une main moite le long de ses traits fatigués. Il grimaça par la suite, écœuré, et se dirigea d'un pas lourd vers sa salle de bain.

Il avait envie de se prouver que l'emprise que cet homme avait sur lui pouvait facilement être rompu, son envie morbide d'y parvenir frôlant l'hypocrisie. Cette force malsaine qui emprisonnait son cœur dans une étreinte douloureuse à chaque fois qu'il croisait son foutu regard n'était qu'un sentiment dérisoire qu'Yvan se devait d'anéantir ! Qu'importe les moyens à utiliser !, qu'importe les personnes qu'il blesserait en chemin !, seul son cœur estropié comptait. Car s'il était damné à succomber à la disgrâce, alors il ne serait certainement pas le seul à tomber.

Yvan en fit le serment.

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