Collection Printemps de merde – été 2013

jean-fabien75

Ouais, y’a des journées tu sais pas pourquoi, y a un truc qui va de travers (ça te dérange pas qu’on se tutoie ?).

C’est même pas la pluie qui n’en finit pas de tomber, une goutte après l’autre, non ça t’as fini pas t’habituer – faut dire qu’elle t’a laissé le (mauvais) temps.

C’est pas non plus le fait de pas avoir vu le printemps (t’as bien regardé pourtant, tu l’as cherché partout, dans le rire d’un enfant, dans le sourire d’une passante, mais non… rien), ce qui te donne l’impression de basculer en vacances sans sas de décompression, sans préparation (et je parle pas de manger de la beta-carotène pour préparer ta peau).

Non c’est autre chose, une forme de lassitude peut-être, mais qui s’instancierait pile dans cette journée-là. Comme un vêtement que tu mets, un truc pas repassé et un peu rêche, qui sent pas la lavande et qui te suis partout dans ce quotidien mal placé, pas en phase, à côté de tes pompes mal cirées.

Pourquoi tant de « n » dans cette sonnerie

Ça commence par le réveil. Dieu que c’est insupportable.

Tu te lèves avec un vieux mal de crâne derrière les oreilles (bon ok, ça c'est un peu ta faute, t'aurais dû t'arrêter à la 4ème bouteille de vin hier soir).

Puis, tu te sors péniblement de ton lit et là tu vois que quelqu'un a touché à tes affaires. C'est pas grand chose, mais tu vois que deux de tes guitares ne sont pas sur les bons repose-trucs dont t'as oublié le nom à cet instant précis (preuve que t'aurais aussi dû t'arrêter à la 5ème bouteille, mais il est vrai que tu n'as jamais été bon en maths). Tu t'approches d'une des deux guitares mal positionnées et là... ouille. Non seulement, on les a touchées (horreur, se sont-ils lavés les mains avant ?) mais en plus le con qui l'a touchée a niqué une corde. Bon, c'est pas grave tu te dis, t'en as pleins des cordes (même à ton arc, c'est dire). Mais, quand même t'es vaguement énervé.

Bon, calmons-nous te dis-tu (car tu aimes te parler à la 1ère personne du pluriel, voire à la deuxième du singulier), allez je vais regarder mon courrier attrapé négligemment hier soir (vu la cuite que je me traînais, c'était difficile de faire mieux qu'avec négligence, et c'est là que je me rends compte que des fois, je me parle même à la première personne).
Tiens, y'a une lettre d'un éditeur. Tu sais que c'est pas la bonne journée mais tu l'ouvres quand même (ha le con).

Bon c'est "non" pour ton dernier manuscrit. Mais il est presque gentil le courrier, ça te remonte un peu le moral.

Tu te laves (ça arrive), tu choisis une chemise au hasard (en fait, non, tu prends la dernière qu'est repassée). Puis tu te casses, direction boulot.



Du régime alimentaire des pigeons

Là, t'arrives à ta voiture et tu te dis "non, it's not possible" (tu te crois bilingue faut dire).
Comment décrire le massacre ?

C'est comme s'il y avait eu un concours de peinture en hommage à Jason Pollock, mais la toile c'est ta caisse, la peinture de la merde de pigeon, et le pinceau c'est le ouin-ouin du connard d'oiseau qui devrait arrêter la cerise (en plus ce con mange le noyau avec apparemment).
Bon... tu te dis "ça commence à faire beaucoup" et c'est à ce moment-là que tu vois que ton pneu avant droit est à plat. Donc, tu penses plus rien pour éviter de te porter la poisse encore plus.
Il est 7h30. La journée commence bien.

Là tout s’enchaîne très vite, tu appelles ton leaser où y’a marqué assistance 24/24. Au bout de 10 minutes d'attente tu comprends que 24/24, ça veut pas dire que le mec, il prend pas son café comme tout le monde le matin. Finalement, tu réussis à avoir une adresse où amener ta caisse à Neuilly (sur Seine, tu vérifies bien deux fois parce que t’as pas envie d’aller sur les bords de la Marne). Bon. Il te reste plus qu'à laver ta toile de Pollock.

T’arrives au garage le plus proche, la station de lavage ouvre qu'à 8h30. Tu relis deux fois. 8h30, y’a pas de doute. Là tu te demandes quand même… le truc est automatique je rappelle. C'est comme si ton aspirateur avait des heures d'aspirage, tu te dis "putain, il est syndiqué ou quoi ?" (quand tu parles pas anglais, tu es assez vulgaire).

Bon, tu y vas à la raclette Total. C'est pas beau à voir, mais t enlèves le plus gros (je hais les pigeons, je hais les pigeons, je hais les pigeons). T’arrives finalement à 8h30 chez Euromaster, et là ben le mec te dit que ton pneu est niqué.

Tu te retrouves piéton.

Comme une bouffée d’air

Tu respires pour la première fois de la matinée.

Tu regardes au loin la Défense et tu te dis "tiens je vais marcher un pneu". (ha ha, ton humour moisi revient, ça doit être bon signe).

Et puis un rayon de soleil.

Puis, tu reviens à la première personne.

Ça y est, je me rappelle ce qui me donne envie de me lever le matin.

Je souris. La journée commence pas si mal finalement.

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