Colombe - Janvier - VII

loiseauphenix

J'ai demandé à Janvier : Qui es-tu ? Et Janvier m'a répondu : « Je suis l’apogée du blanc. »

Dehors, avec une lenteur qui ressemblait à de la tendresse, le bleu de la neige rejoignait celui du ciel. La jeune femme s'approcha de la fenêtre, et contempla quelques instants les rayons jaunes des lampadaires. Hannah et sa mère montaient dans la voiture, qui disparut après un tour de parking ; de l'autre côté, un chat se faufilait sous un buisson.

Il n'y avait rien à faire ; mais il y avait un lit, aussi décida-t-elle de dormir.

Elle n'avait pas sommeil, et beaucoup de mal à réfléchir. Il lui semblait avoir trop de temps, et que dans cet espace blanc sa pensée n'avançait pas. Que devait-elle faire ? Elle ne voulait pas sortir. Après plusieurs minutes à regarder le fond du lavabo, elle se brossa les dents avec de l'eau. Devant le lit, elle s'aperçut qu'elle portait les mêmes sous-vêtements depuis qu'elle avait été trouvée… La jeune femme revint sur ses pas, les lava comme elle put à l'eau froide et au savon désinfectant, dont le boîtier blanc gardait un fond, et les mit à sécher sur la rampe de la douche. Puis elle se coucha nue.

Elle rêva de blanc.

Il se déployait en ailes immenses au-dessus d'elle et sur le monde, absorbait tout. C'était celui qui chatoie, celui d'un champ de fleurs écloses dans la pureté de l'hiver… C'était celui d'un grand loup, dont les yeux doués de parole éclairaient en silence un chemin secret, celui d'un endroit clair enfoui au fond du temps ; il éclatait en pluie fine pour les pétales blancs des perce-neiges… C'était l'éclat discret d'un petit ruisseau, brillant entre la mousse et les pierres, où la patte et le pied rencontraient une fraîcheur douce, éternelle ; c'était de l'eau. Des cristaux minuscules qui tombant partout, irriguaient la clairière…

Il avait l'éclat discret des étoiles sourdes du matin ; c'était un blanc tremblant, changeant sans cesse, le blanc d'extase, un blanc divin.

Il lui dit combien était belle une jeune fille à terre, dont le cœur était triste, et les mains blanches… Il lui montra le lis et les lilas qui pleurent, des arches de vapeur devant la bouche ; il chuchotait à son oreille les cris du loup dans le froissement des plumes. Il l'élevait, la perdait entre les nuées blanches de la neige et du vent. Il lui montrait des nuages qui mouraient en cascades : n'entendait-elle rien ? N'entendait-elle pas pas le souffle blanc du vide et son appel incandescent ? Il battait, battait, battait le brouillard autour d'elle en pétales blancs de glace et d'épines : voyait-elle ? Voyait-elle ? Il la dit en haut de la montagne en volutes de pierres ; c'était le blanc du vide, une cathédrale où les fleurs se brisaient en ruisseaux.

Elle passait en tremblant des portes de buée… C'était un chemin secret, dont les yeux qui savaient parler taisaient le but et la durée ; elle éclatait invisible en pétales, et pleurait les étoiles ; c'était le vide où elles naissaient. C'était celles qui chatoient dans l'eau, et qui sur les draps blancs savent faire geler les rêves… C'étaient les dents d'Hannah. C'était le vide, la peur, la fureur et l'effroi ; c'était soi. Et dans le blanc complet de la nuit, dans le blanc de nacre des heures, le blanc triste et mort des néons, le blanc qui tremble et qui s'éveille, le blanc qui glace, le blanc de blanc, un blanc de rien, elle oubliait…

On l'en arracha avec un thé amer.

  • Merveilleux !!! Et terriblement intriguant ce roman ;-)

    · Il y a environ 7 ans ·
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    Paul Juste

    • Merci beaucoup :)
      Le chapitre qui suit devrait être surprenant encore, je pense que j'en publierai deux demain ^^

      · Il y a environ 7 ans ·
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      loiseauphenix

    • Ooh super !

      · Il y a environ 7 ans ·
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      Paul Juste

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