Comme un coup de tonnerre

Muriel Guigo

A l'occasion du mariage de ma fille aînée, j'ai éprouvé le besoin de revenir sur l'histoire de sa naissance. De la décoration du sapin de Noel jusqu'aux tribulations nocturnes menant à la maternité.

Bébé attendu pour Noel, tu étais à la fois Il et Elle puisqu'il avait été décidé de ménager la surprise jusqu'à ton arrivée. La maison étant prête pour t'accueillir, ton père pour occuper le temps de l'attente, s'attela en ce 16 decembre 1984, à confectionner la crèche et illuminer le sapin.

Tout paré de ses boules, guirlandes, séraphins et cheveux d'ange, la guirlande électrique, après quelques raccords que je trouvais hasardeux voire douteux, fut à son tour disposée, mettant une touche finale à ce bel ensemble.

Afin de vérifier le rendu très prometteur de ces illuminations et donner toute sa magie à l'instant de la mise en lumière, les plafonniers furent éteints et la prise branchée.

Le moment de grâce fut hélas interrompu par un grand coup de tonnerre qui plongea illico toute la maison dans un total black out et me retourna les sangs. La montée d'adrénaline aidant, j'envoyai une volée de bois vert contre l'infortuné bricoleur du dimanche (d'où vient, depuis,  l'appellation "se faire enguirlander").

Tout penaud et devant ma mauvaise humeur, ton père trouva refuge pas bien loin, le temps que passe l'orage. Tard dans la soirée, il revint avec pour offrande et en guise de pardon, quelques beignets aux pommes...de la concorde.

la nuit fut agitée, tu avais décidé de quitter le nid originel pour découvrir le vaste monde et voir de plus près ces deux là qui te tiendraient lieu de parents. C'est donc au creux de la nuit noire, qu'en voiture Simone, le chargement fut fait, direction Port Royal. Et oui tu as toujours été très entourée et aimée bien avant l'heure, puisque ta grand-mère et ta tante étaient du voyage ne voulant pour rien au monde rater cette joyeuse occasion et souhaitant présider aux festivités ; pour pouvoir, un jour, dire "j'y étais !".

Après maintes péripéties, la tribu s'est finalement retrouvée à Sèvres au cours d'une traversée épique de Paris aux premières lueurs d'un petit matin frileux. Moi dans l'ambulance et la voiture "balai" collant au plus près, sur l'air de "Paris s'éveille".

Pendant que je me tortillais et pressentais que la nuit, ô douce nuit, ne le serait pas tant que ça, les trois comparses en goguette fredonnaient dans l'habitacle saturé de la R5 et à mesure que le jour grandissait : "les camions sont plein de lait, les balayeurs sont plein d'balais, il est 5 heures Paris s'éveille, Paris s'éveille...".

Ainsi, en cette toute fin d'automne, tu as montré le bout de ton petit nez, le lundi 17 décembre. La crèche serait donc garnie en ce  millésime 1984. Le divin enfant fut parmi nous, remplissant nos cœurs et au fil du temps, fit de nous des parents et ce que nous sommes aujourd'hui.

Tu es mère à présent et je vous dis merci à tous les deux pour cette nouvelle belle lumière au sein de la famille. Être Parent est un beau, inoubliable et enrichissant voyage où des horizons alors inconnus se découvrent, où des limites insoupçonnées sont franchies, où décrocher la lune est à portée de main.

Ce beau voyage a formé ma jeunesse et décuplé mes forces pour te guider au mieux, te faire grandir dans la cour des hommes, te donner les moyens de forger tes armes, parce que dans ce monde les filles aussi doivent savoir se battre. Année après année, la musique et la danse toujours en toile de fond, les amitiés choisies, sincères et fidèles pour seul mot d'ordre, tu as su ajouter tes clefs au trousseau qui plus tard ouvriraient les serrures de tant de portes à franchir.

Aujourd'hui, je suis fière de toi, l'arbrisseau est devenu un bel arbre bien enraciné dans sa vie, dans sa terre, à l'ombre duquel il fait bon se poser en écoutant des conseils toujours éclairés, justes et bienveillants, en se remémorant tous ces moments d'intense complicité où un regard suffit pour savoir ce qui va ou ne va pas, de partage aussi qu'ils soient joyeux ou moins, de fous rires, d'amour tout simplement qui se vit, se sent, de respire mais ne se dit pas assez souvent.

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