Comment meurt...

Christian Lemoine

Comment meurt. Lui. Qui a à années éperdues engrangé dans ses alvéoles les charbons morbides, les extraits de fumée devenus cellules affolées, multipliées et agiles. Qui a, nuit pleureuse, fourgué à ses délires les feuilles séchées qui promettaient l'apaisement, à défaut de l'extase. Comment meurt. Qui sait, entre les draps déjà rigides, qu'il n'aura pas de prochain jour pour sentir encore le cancer qui le dévore. Comment meurt. Elle. Qui a, nuit profonde sans horizon, creusé les paysages inhabités, sur des routes vicieuses, d'où la lune s'enfuit pour ne pas voir les chairs encastrées, les montants de fer sanglants. Qui a à kilomètres rageurs courus vers un retour sans but, mué pendant les heures à germes de somnolence un domicile à rallier en trahison du rêve. Comment meurt. Qui a les yeux désormais fermés sur son sacrifice qu'elle n'a pas même su. Comment meurt. Lui. Qui a à corps solide endurant formé des plans pour la veille et le lendemain, jusqu'à la stupide instance de la fraction de seconde ironique. Qui a, soir brutal, lâché l'esprit soudain, sans plus de relation tendue entre lui et l'extérieur. Comment meurt. Douleur fulgurante ici, au creux du diaphragme, ou là, entre les tempes labourées où sa conscience n'a plus pour retenue que la brûlure extrême saccageant son cerveau englouti dans l'hémorragie. Comment meurt. Elle. Qui a à remèdes pernicieux, de faux électuaires en thériaques insolites, abandonné raison et sens, jusqu'à se dépouiller de sa carcasse pâtissante, défroque pantelante. Qui a, barrage crevé dans tout son corps, renoncé aux hoplomachies pour consacrer sa détresse au vide. Comment meurt. Qui saisit sur son cou la lisière de la délivrance. Comment meurt. Et qui survit ?
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