Concert de Détroit à Stéréolux - Nantes, mai 2014

Victor Jlln

Nombreux sont ceux qui ne voient à travers un artiste qu'un personnage public. Mais qu'en est-il vraiment ? Parle-t-on de notoriété ou de talent ? Bertrand Cantat est de ceux pour qui la question ne se pose pas. J'en ai pris toute la mesure le 28 Mai, lors du concert de Détroit.

Débuter un concert par la ballade folk qu'est « Droit dans le soleil » n'est pas des plus communs. Mes préjugés sont cela-dit rapidement effacés lorsque j'entends les premières sonorités de la contrebasse de Pascal Humbert et la voix tiraillée de Bertrand Cantat. Mon corps semble alors incapable de faire le moindre mouvement. Je suis pris du frisson si convoité par les mélomanes. La musique est d'une pureté brute qui m'embarque dès les premiers instants. Une sensation me traverse : « j'y suis ».

Les chansons de Détroit et de Noir Désir s'enchaînent mais ne se ressemblent pas, à un détail près, elles sont toutes portées par la voix de Bertrand Cantat, qui semble incarner de tout son être cette musique. Je suis alors pris de perplexité en me souvenant que le groupe qui se produit sous mes yeux n'est pas à l'origine de toutes ces chansons. La contrebasse marque cependant le contraste entre ces deux groupes. La musique de Détroit n'a rien à envier à celle de Noir Désir.

Viennent ensuite les premiers accords d' « Un homme pressé », un sourire se dessine au coin de ma bouche. Je me souviens de cette chanson qui résonnait en moi durant mon adolescence tel un hymne de résistance. Oui mais à cet instant, c'est une toute autre sensation qui m'envahit. Je comprends alors que l'homme pressé, c'est bien moi. C'en est trop, les quelques bières appréciées en début concert ont raison de moi, je me rends aux toilettes. Cette traversée de la foule s'avère être une escapade bien plus intrigante que ce que je n'aurais pu imaginer. Je croise des ombres de toutes tailles, de tous âges, de tous horizons. Je prends alors conscience qu'elles vibrent au son d'une énergie qui, semble-t-il, a touché toute la salle. Une fois la porte de la salle fermée, je n'entends plus que le bruit sourd des guitares, la voix de Bertrand Cantat se fait murmure, la batterie est étouffée par les murs. Un sentiment plaisant me traverse. Au fin fond de moi, je sais que je suis en train de vivre un moment fort. Le simple fait de quitter la salle pendant quelques minutes m'a alors permis de me rendre compte de cette chance.

Après plusieurs généreux rappels, le salut du groupe à la foule apparait comme un remerciement. L'expression qui se lit sur leurs visages luisants de transpiration a quelque chose qui m'inspire comme un réconfort. Le groupe semble gêné de l'enthousiasme de la foule mais le sourire qui se dessine sur leur visage ne trompe pas, c'est bien celui d'enfants qui n'aspirent qu'à une chose : refaire un tour de manège.

Alors, faut-il avant tout juger l'artiste ou l'homme ? Je choisis l'artiste, et je n'ai pas le moindre d'un doute qu'en au fait que Bertrand Cantat est d'une sincérité effrayante, d'une justesse absolue et possède un talent saisissant. Ne serait-ce alors pas l'essence même d'un artiste ?

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