Conte d'une nuit

menestrel75

avant celui des mille et une
Il ne l'attendait pas, il ne l'avait pas cherchée, pas même espérée. 
Elle est venue, descendue du ciel ? Non !
Elle est arrivée, sans crier gare, un peu sur la pointe des pieds, par des chemins de traverse, des voies balisées par les lucioles qui ne brillent que les nuits de pleine lune ! Et encore !

Que cherchait-elle ?
Désirait-elle seulement quelque chose ou quelqu'un ? Sans doute !
Mais elle n'en avait pas conscience, ou elle s'en défendait ! Mal !

Elle débarque, pas d'aura, pas d'or, elle est juste là.
S'il ne la désirait  pas avant leur rencontre, aujourd'hui il languit et il lui semble, à ce moment précis, qu'il l'attendait depuis des années, depuis la nuit des temps.

Il est nu. Nu de vêtements, nu de sentiments, de passé, d'avenir.
Même le moment présent prend une dimension particulière. Il se détend, enfle, se gonfle, s'irise.

Elle est nue. Elle le regarde, mais elle ne voit que son regard, car son corps est imprimé en elle.
Nul besoin de voir ses contours, ils sont sous ses mains, sans le toucher encore, ils se pressentent,  ils se sont apprivoisés depuis des siècles.

Ils n'ont plus qu'à s'offrir, à fusionner, à vibrer, à réinventer.

Il est assis, il lui tend la main, sans la quitter des yeux.
Elle vient sur lui, naturellement, le chevauche, en souriant, du sourire doux de la conviction.
Ce sentiment profond de désir partagé.
De le voir, elle a senti couler en elle, un flux doux et parfumé, inédit.

Alors elle glisse sur lui.
Son sexe  d'homme dressé, dur d'appétence et doux de cet amour si particulier, pénètre en elle, sans secousse, comme la goutte de rosée qui glisse sur la feuille tendre. Il vient buter au fond de sa grotte, leurs prunelles scellées.

Pour lui, il sent une caverne tapissée de mousse humide, tiède.
Pour elle, un dard soyeux, tendu, arqué pour mieux l'épouser.
Des vibrations infimes s'installent, comme une roue de moulin sous un vent léger entame une danse,  leurs corps puisent l'un à l'autre, soulevant des clapotis de houle qui enflent très doucement.

Sans bouger, leurs sexes parfaitement emboîtés distillent goutte par goutte ce plaisir d'absolu.
Ils resteraient ainsi des heures, mais dans leur univers, le temps ne se mesure pas.

Lorsque la voile sera déployée, bien haut, que leurs sens exacerbés ne seront qu'un velours écarlate, elle viendra poser ses lèvres sur les siennes, elle verra dans son regard les armes déposées, les galions aux cales pleines de trésors et d'épices et de parfums déposés à ses pieds.
Elle fera ouvrir la bouche de son aimé en glissant sa langue sur la sienne.
Éclatent alors les désirs exacerbés, contenus jusqu'alors dans une jouissance calme et profonde.

Un même spasme les emporte,  il arrache en elle les parois humides,
lui sent sa queue exploser en même temps que les battements sourds de son cœur.
Dans la même respiration, ils implosent dans un hurlement qui vient de la profondeur même de l'être. Cet abîme qu'ils ignoraient.
Les langues se délient, ils se reflètent chacun dans l'œil de  l'autre dans une lueur inconnue qui ne vacille pas. 

Ils avaient oublié leur écorce charnelle pour n'être qu'une entité d'amour.
Les corps ankylosés demandent grâce, tandis que les sexes eux disent "encore" !
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