Coupable

alexandra-basset-9

Coupable, extrêmement et profondément coupable. Des poignards aiguisés s'enfoncent dans ma cervelle saoulée, sur mon corps de traîtresse indigne de respect. Ils révèlent sous ma peau les états d'âme vaseux qui m'ont conduit à rendre consistant cet acte dépravé. Je me dégoûte, j'ai la nausée quand je vois mon reflet, et quand je le vois, quand je l'entends, lui, qui ne se doute de rien. Il est le miroir réfléchissant d'une image de moi-même que j'aimerais faire disparaître dans un broyeur à papier. Je redouble de mots gentils et d'attentions prévenantes pour atténuer mes torts, la peine que je lui fais, dont il n'a pas conscience, et celle que je me suis faite en agissant impulsivement. C'est comme un meurtre non prémédité, perpétué pour s'amuser. Des petits crimes entre amis. Je veux vous dire la consternation d'avoir trahi celui qu'on aime, ce sentiment inconfortable qui fait trembler les mains et le timbre dans les silences du téléphone. Cette sensation que tout s'écroule, que tout cela n'était qu'un mensonge, un faire-semblant de ma part. On ne trompe pas si l'on aime. Je croyais l'aimer moins, je n'étais plus sûre. En ayant dépassé les bornes de l'acceptable, j'ai percuté des sentiments fantômes. Reste à savoir quelle est leur véritable nature. Relèvent-ils de la nostalgie, de la peur ou de l'amour ? Je crois que je l'aime encore. Pourtant, mes sentiments sont si volatiles, soumis aux convulsions de mes humeurs, qu'ils ont une période de stabilité inférieure à 72 heures. Et je ne sais pas si je pourrais occulter ces gestes, faire comme si cet épisode n'était qu'irréel au lieu d'être inacceptable. Préserver ce secret enfoui comme on dissimule une bombe à retardement. En serais-je capable ? Je ne sais pas, je sais seulement que ça va être difficile, très difficile. Non, il n'en saura rien, jamais. Je refuse de lui infliger cette douleur lancinante, d'ancrer définitivement le doute dans ses tripes, et je refuse de le perdre de cette manière. Je garderai l'arme de destruction massive à l'intérieur de moi. En priant pour qu'elle n'explose pas quand il me prendra dans ses bras. En espérant que le détonateur ne se déclenche jamais, au hasard d'une émotion un peu trop vive, en réponse à des mots brûlants, comme un réflexe.  

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