Coups

franekbalboa

Un grand coup de point dans le ventre. Une silhouette qui se plie, deux dans le visage, le sang qui coule lentement, un cocard violent, un dernier coup qui couche, point de sonnerie ni de ring, une simple affaire de cuisine. 

Il l'a encore battue. Ça fait des mois que dure le calvaire. Riposter ? Elle n'y pense pas. Elle a déposé une plainte il y a plusieurs mois. Rien n'a été fait, il a été entendu, il est rentré, il l'a rouée de coups. Elle eut deux côtes cassées de ce soir là. Chaque fois un prétexte, toujours valable pour faire pleuvoir un coup ou deux sur ce corps frêle et marqué, des ecchymoses partout, un corps coloré mais pas par le maquillage. Un nez en sang, ce soir, il y a quelques temps, c'était sa lèvre... Elle repense à cette décision qu'elle prit, ce "oui" qui annonçait à l'époque la fin de sa liberté, sans qu'elle ne le sache, la fin de sa sérénité, ce qu'elle ignorait. Il a été parfait, il l'a isolée de toutes ses connaissances, famille, amis et amies, elle est désormais seule face à ces poings d'acier et ces coups qui semblent pleuvoir sans jamais s'arrêter. 

Demain il la cognera de nouveau, elle le sait, elle le sent. Le soir il fait semblant de regretter, ses gestes l'ont dépassé, il est fatigué, il a peur, il s'excuse, les coups sont tombés et il fait bien pire. Comme un poulpe meurtrier, il l'enserre de ses bras puissants, puis il la "convainc" et ils couchent ensemble. Point d'amour, l'une est forcée, l'autre comédien, une fois la semence expulsée il s'endort en ronflant. Elle ne dort pas, terrifiée, elle souffre de ces coups qu'elle a reçus plus tôt, de ce rapport dont elle ne voulait pas, mais combien de coups encore si elle avait refusé... Elle s'est résignée... 

Elle a tout pour elle, elle est jolie, intelligente et débrouillarde, elle était promise à un brillant avenir, mais perdue dans une spirale de négativité, de haine, de violence, elle a perdu sa propre conscience. Le lendemain elle s'éveille, il est déjà parti. Elle respire, soulagée, il ne la touchera pas avant ce soir. Elle savoure ces moments de solitude, elle les aime, ces moments de paix. Après une longue journée de travail, il rentrera ce soir, éméché, et il la frappera plus fort encore, plus fort qu'il ne l'avait jamais fait, un des coups la fera vaciller, sa nuque se dirigera vers une chaise et se brisera sur cette dernière. Son corps tombera, il la saisira par le col et continuera à frapper jusqu'à réaliser que ce visage tuméfié, ce corps dans ses mains, est désormais sans vie. Il la lâchera, réalisera, il appellera peut-être les secours, ou pas, on le découvrira rapidement, ou plus tard, il cachera, ou il avouera...

On qualifiera cette horreur d'innommable, d'invivable. Cet homme sera un démon malgré son statut d'homme respectable. Il fera quelques années de prison, cette femme sera partie à jamais. Sa famille la pleurera... Le match de boxe qu'elle n'avait pas souhaité l'a mise k.o. Elle ne s'en relèvera jamais. Tombée sous les coups d'un mari meurtrier, il vit, elle plus, elle s'est envolée à jamais. Bien des femmes subissent ces horreurs, trop nombreuses sont celles qui tombent. Des centaines de personnes tuées par des terroristes fanatiques, à peine un peu plus par des chasseurs, des milliers de femmes qui tombent sous les coups de leur conjoint, le meurtre à la maison, à petit feu, chaque coup les rapprochant de leur fin... La banalisation de ces violences... 

Où s'arrêtera ce massacre ? 

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