Créature faillible

Christian Lemoine

L'homme en son jardin fleurissait ses légendes. Les hourvaris chancelants traversaient les nuages, il en pleuvait la foi et la discorde. De la terre tuméfiée bourgeonnaient des éclosions amères, les bouquets sans nuance des parfums humiliés. Et son corps ramassé se prosternait devant les corolles chétives, sur les surgeons rachitiques comme sur des espérances toujours chéries malgré la nonchalance des fortunes. Confiant sans religion, croyant sans raison, sa stupeur s'étiolait à la vue répétée de ses icônes fantasques. Dans les fleurs chiffonnées, il croyait deviner la compassion des anges. Ainsi, fleuri mais seul, il fomentait sa colère à force de mystères convenus.

N'allez pas rejeter sa dépouille ! Ne lui déniez pas l'aura rude et sanglante de son humanité ! Où il voyait la lutte n'était que sa poussière. Où il pensait l'offense était sa cécité. Où il croyait l'extase se terrait le néant. Malgré la souffrance et l'abjection, ne le retranchez pas des hommes. Car de ses restes épars se repaîtraient sa gloire et son triomphe. Les corps blêmes ouverts sous ses pas décérébrés, ses victimes inexpiatoires, ne savent pas le crépuscule de son agonie. Celles-là n'invoquent pas la bourrasque des érinyes. Non plus la corruption d'un sicaire sans gages. Hommes debout, homme couché. L'homme dans le barbare. S'il ne devait rester qu'une colonne nue ; s'il ne devait rester qu'un cippe solitaire ; s'il-vous-plaît, dressez-les ! Que sous son corps sans vie ne couvent ni une idole ni un martyr.

Signaler ce texte